Benoît XVI recevra Mohammed Khatami le 4 mai



ROME, le 19 Avril 2007 - (E.S.M.) - Cinq mois après le voyage de Benoît XVI en Turquie et quatorze mois après l’assassinat du prêtre catholique Andrea Santoro dans une église de Trébizonde, trois chrétiens presbytériens ont été égorgés dans la ville turque de Malatya. Ils étaient coupables d’avoir imprimé des Bibles dans leur petite maison d’édition.

Mohammad Khatami
Benoît XVI recevra Mohammed Khatami le 4 mai
Pourquoi la vraie guerre a lieu au sein de l’islam
Chiites contre sunnites. Et chez les sunnites, totalitaires contre mystiques. Les ennemis ne sont pas seulement les chrétiens. L’analyse d’un grand expert musulman: Khaled Fouad Allam

par Sandro Magister

Cinq mois après le voyage de Benoît XVI en Turquie et quatorze mois après l’assassinat du prêtre catholique Andrea Santoro dans une église de Trébizonde, trois chrétiens presbytériens ont été égorgés dans la ville turque de Malatya. Ils étaient coupables d’avoir imprimé des Bibles dans leur petite maison d’édition.

L’actualité de ces derniers mois a bien montré que les ennemis auxquels se heurte l’islam radical sont certes les chrétiens, l’Occident et Israël, mais aussi et surtout les régimes musulmans considérés comme des traîtres et des apostats.

L’agenda de Benoît XVI prévoit pour le 4 mai une audience accordée à Mohammad Khatami, président de l’Iran entre 1997 et 2005 et actuellement directeur de l'Institut Internationale du Dialogue entre les Civilisations et Cultures.

Le Bureau de presse du Saint-Siège a confirmé la visite au Vatican, le 4 mai prochain, de l’ancien président iranien Mohammed Khatami, qui sera en déplacement en Italie. Le père Federico Lombardi a précisé que la demande d’audience de Mohammed Khatami avait été acceptée par Benoît XVI. Les deux hommes devaient déjà se rencontrer à la fin du mois d’octobre 2006, mais le voyage de l’ancien leader iranien avait officiellement été reporté, sans plus de précisions dit le communiqué. Nous pensons que le mollah avait vraisemblablement annulé son voyage après les propos du pape Benoît XVI à Ratisbonne. L'ancien président iranien Mohammed Khatami avait certes estimé à l'époque que le texte avait bien été détourné par «des personnes mal informées et fanatiques».
Aucun détail n’a été donné sur le contenu de cette rencontre par le Vatican et l’ambassade d’Iran auprès du Saint-Siège.

Khatami est généralement classé parmi les dirigeants "modérés" de l’islamisme chiite. A Rome, il participera à un colloque qui se tiendra à l’Université pontificale grégorienne sur le thème: "Dialogue interculturel, un défi pour la paix". Pourtant, le modèle politique auquel il adhère est celui qu’a établi la révolution religieuse de Khomeini, que l’on ne peut vraiment pas qualifier de "modérée".

Dans l’islam chiite, les courants révolutionnaires d’empreinte khomeiniste – en Irak, en Iran et au Liban avec le Hezbollah – ont pour opposant principal la tendance "quiétiste". Celle-ci se rattache à la plus haute autorité des lieux saints irakiens de Najaf et Kerbala, le grand ayatollah Ali Sistani, pour qui le pouvoir politique doit être exercé non pas par des chefs religieux mais par des laïcs élus démocratiquement.

En Irak, le conflit entre les deux tendances n’est pas seulement théorique mais aussi politique et militaire. Et il s’ajoute au conflit plus profond et incurable qui divise depuis des siècles l’ensemble du monde musulman entre chiites et sunnites.

En outre, la guerre a lieu au sein même du camp sunnite. Les derniers attentats-suicides commis par Al Qaïda et par les groupes terroristes assimilés ont presque tous frappé des pays musulmans et fait des victimes musulmanes.

En Afghanistan, l’enlèvement du journaliste italien Daniele Mastrogiacomo, de son chauffeur et de son interprète s’est terminé par la libération du premier et par l’assassinat des deux autres, tous deux musulmans.

L’explication se trouve dans le commentaire qui suit, une note parue le 11 avril 2007 dans "la Repubblica", le grand quotidien italien dont Mastrogiacomo est journaliste. L’auteur, Khaled Fouad Allam, musulman pratiquant d’origine algérienne, citoyen italien et professeur aux universités de Trieste et d’Urbino, est un grand expert de la pensée et de l’histoire de l’islam. Il a été l’un des tout premiers à avoir déclaré qu’il avait apprécié le discours prononcé par Benoît XVI à Ratisbonne.


Un islam totalitaire

par Khaled Fouad Allam

Qu’y a-t-il de si spécial en Afghanistan, au-delà de la position stratégique de ce pays, pour que la fracture qui s’est créée au sein de l’islam y soit si profonde? Pourquoi est-ce là qu’est né Al Qaïda et non ailleurs, au-delà des circonstances qui lui ont permis de se développer ?

La ligne de fracture qui traverse l’islam afghan permet de comprendre pourquoi, par exemple, en ce qui concerne le journaliste italien Daniele Mastrogiacomo et son jeune interprète afghan Adjmal Nashqbandi, tout deux séquestrés en mars dernier, le premier a été libéré et le second assassiné.

Le nom de famille de l’interprète révèle tout un monde: un monde qui a contribué à la formation de l’islam, de l’Afghanistan à l’Asie centrale.

Dans le monde de l’islam, le nom de famille (nisba) est généralement formé à partir du lieu d’origine de la tribu ou du groupe religieux auxquels on appartient. Nashqbandi a pour origine la Nashqbandiya, l’une des plus importantes confraternités religieuses d’Asie centrale, fondée par Mohammed Barahuddin Nashqbandi (1318-1389). Son centre spirituel se trouve dans la ville de Boukhara, mais elle s’est répandue dans toute l’Asie centrale, jusqu’au Caucase.

Ses membres professent un islam soufi, c’est-à-dire de type mystique, parfois appelé ésotérique ou parallèle, un islam pacifique et tolérant, totalement à l’opposé de l’islam professé et imposé par les talibans. Ce dernier a produit une forme subversive du wahhabisme, qui échappe selon moi à la définition de "fascisme islamique" mais qui incarne plutôt un totalitarisme de troisième génération.

Le centre névralgique de la guerre au sein de l’islam se situe précisément sur cette ligne de démarcation entre un islam ouvert et libéral et un islam totalitaire.

Dans l’enlèvement de Daniele Mastrogiacomo et de son interprète Adjmal Nashqbandi, l’origine de ce dernier a probablement favorisé l’issue tragique de l’événement: pour les talibans, le monde soufi représente l’adversaire par excellence qu’il faut combattre et éliminer, justement parce que l’islam mystique contient l’alternative à l’islam politique.

Le compte-rendu de la captivité de Daniele Mastrogiacomo a peut-être été l’une des premières observations scientifiques de l’univers mental taliban. L’opposition rituelle entre le pur et l’impur – qui se traduit par exemple par l’interdiction de toucher la nourriture ou les objets d’un occidental – est significative non seulement d’un comportement religieux mais aussi d’un ordre politique qui s’appuie sur la dichotomie entre le bien et le mal: l’islam opposé à l’Occident, le califat ou l’émirat à la démocratie, les hommes aux femmes. On se rappellera que le régime taliban définit l’Afghanistan comme un émirat.

Les talibans sont le résultat de la fracture actuelle entre un islam totalitariste et un islam ouvert.

Ils ont trouvé dans le wahhabisme arabe de l’école coranique de Deoband, fondée à New Delhi à la fin du XIXe siècle, leur point de départ idéologique. Ils en ont fait par la suite l’idéologie des Pachtouns, qui représentent plus de 12 millions de personnes entre Afghanistan et Pakistan.

Pourquoi donc les Pachtouns, et non une autre tribu, ont-ils diffusé le wahhabisme dans cette région ? Car ils sont la seule tribu locale à revendiquer une généalogie arabe: Wazir, un de leurs ancêtres qui donne son nom à la province pakistanaise du Waziristan, était originaire de la péninsule arabique. Le wahhabisme, né au XVIIIe siècle dans le monde arabe, a renforcé la cohésion d’une grande partie de cette tribu. Al Qaïda a bien compris que le phénomène taliban pouvait devenir une expérience politique, un laboratoire dont l’islam politique pouvait se servir pour entraîner avec lui le monde musulman tout entier.

C’est donc un combat d’idées qui se déroule actuellement en Afghanistan. Son issue décidera du sort d’une grande partie du monde musulman.

Mais l’Afghanistan ne peut pas être observé seulement à travers le prisme des Pachtouns et des talibans, parce qu’il s’agit de toute autre chose, comme le montre l’origine du nom du malheureux Adjman Nashqbandi. Non loin d’Herat se trouve la tombe d’Abdullah Ansari, un des plus grands mystiques afghans, qui écrivait au XIe siècle: "Ô mon Dieu! Qu’as-tu fait ici pour tes amis ? Quiconque Te cherche Te trouve, mais tant qu’il ne Te voit pas, il ne les reconnaît pas".

Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France

Le journal qui a publié le commentaire de Khaled Fouad Allam, le 11 avril 2007: "la Repubblica"

Repères:
Un article d'hier: comprendre l'Islam avec Jean-Paul II :18.04.07
Le discours prononcé par Benoît XVI à l’université de Ratisbonne le 12 septembre 2006: Benoît XVI
A propos de ces sujets: La polémique de Ratisbonne - les articles: cliquez

Sources: La chiesa.it- E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 19.04.2007 - BENOÎT XVI - EGLISE- INTERNATIONAL/IRAN