Des signaux positifs à l’égard du pape Benoît XVI et de l’Église catholique



Rome, le 19 mars 2008 - Paulos Faraj Rahho est la dernière en date des victimes chrétiennes en Irak. Son martyre est une partie de la toile de fond du dialogue entre l'Église catholique et l'islam. Avec beaucoup d’émotion, le pape Benoît XVI a rappelé le meurtre de l’archevêque irakien au cours de la messe qu’il célébrait à son intention, le lundi 17 mars au matin.

Mgr Paulos Faraj Rahho - Pour agrandir l'image: º C'est ici
Des signaux positifs à l’égard du pape Benoît XVI et de l’Église catholique
Le chemin de croix de l'archevêque chaldéen de Mossoul

A la fin de la messe du dimanche des Rameaux où avait été lu l’Évangile de la Passion, place Saint-Pierre, Benoît XVI a évoqué le dernier martyr chrétien en Irak, l’archevêque chaldéen de Mossoul, Paulos Faraj Rahho (photo). Ce dernier avait été enlevé le 29 février à la sortie de l’église du Saint-Esprit, où il avait célébré un chemin de croix, avant d’être sauvagement assassiné.

Avec plus d’émotion encore, le pape a rappelé le meurtre de l’archevêque irakien au cours de la messe qu’il célébrait à son intention, le lundi 17 mars au matin, dans sa chapelle "Redemptoris Mater": (lire la synthèse)

“Il a pris sa croix et a suivi le Seigneur Jésus jusqu’à l’agonie et à la mort. Ainsi, à l’image du Serviteur de son Maître, il a contribué à ‘apporter le droit’ dans son pays meurtri et dans le monde entier, en témoignant de la vérité“.

On estime qu’au cours de la dernière année 47 chrétiens ont été tués en Irak, dont 13 à Mossoul.

De nombreux musulmans irakiens se sont unis dans la douleur de la mort de l’archevêque chaldéen. Rahho était une personne très appréciée, à l’origine d’initiatives communes entre chrétiens et musulmans, telles que la “Fraternité de la charité et de la joie“ qui vient en aide aux personnes handicapées. Depuis Kerbala, la ville sainte des chiites, le grand ayatollah Ali al-Sistani a réclamé la capture des coupables, identifiés par tous comme appartenant à al-Qaïda et à d’autres groupes islamistes radicaux.

Le 15 mars dernier, le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la congrégation pour les Églises orientales, a dénoncé le fait que les chrétiens d’Irak et des autres pays musulmans, toujours plus encerclés et agressés, “risquent de disparaître“. Dans certains endroits, celui qui n’émigre pas et résiste risque littéralement sa vie.

C’est sur cette toile de fond dramatique que se poursuit le dialogue entre l’Église catholique et l’islam. Un pas important a été franchi avec la rencontre qui s’est déroulée les 4 et 5 mars à Rome entre le conseil pontifical pour le dialogue interreligieux et une délégation des 138 musulmans signataires de la lettre ouverte “A Common Word“, adressée au pape et à d’autres leaders chrétiens.

Comme annoncé, la délégation musulmane était composée de l’Anglais Abd al-Hakim Murad Winter, directeur du Muslim Academic Trust du Royaume-Uni; le Libyen Aref Ali Nayed, directeur du Royal Islamic Strategic Studies Center d’Amman, en Jordanie; le Turc Ibrahim Kalin, directeur de la fondation SETA d’Ankara; l’Italien Yahya Pallavicini, vice-président de la Communauté Religieuse Islamique d’Italie; le Jordanien Sohail Nakhooda, directeur de “Islamica Magazine“.

Côté catholique, on trouvait le cardinal Jean-Louis Tauran, président du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux; l’archevêque Pier Luigi Celata, secrétaire de ce même dicastère; Mgr Khaled Akasheh, en charge du bureau pour l’islam; le père Miguel Angel Ayuso Guixot, président de l’Institut pontifical d’études arabes et d’islamologie; le père Christian Troll, professeur d’islamologie à l’Université pontificale grégorienne.

Dans un communiqué commun signé par le cardinal Tauran et le professeur Murad, les deux délégations ont annoncé la création d’un “Forum catholico-musulman“ qui organisera des rencontres annuelles ayant lieu alternativement à Rome et dans d’autres villes.

La première rencontre se tiendra à Rome du 4 au 6 novembre 2008. 24 religieux et chercheurs des deux religions y participeront. Le sujet sera “Amour de Dieu, amour du prochain“. Le séminaire sera divisé en deux sous-parties: “Fondements théologiques et spirituels“ le premier jour et “Dignité humaine et respect réciproque“ le deuxième jour. Enfin, une session publique est prévue le dernier jour. Les participants seront reçus par Benoît XVI.

Dans une interview reproduite (ici), le cardinal Tauran revient sur le déroulement de la rencontre de ce mois de mars.

Mais les aboutissements de la lettre des 138 ne sont qu’un chapitre de l’agenda commun à l’Église catholique et à l’islam.

Les 25 et 26 février au Caire, par exemple, le cardinal Tauran a participé à une rencontre du comité mixte pour le dialogue entre le Saint-Siège et al-Azhar, une institution théologique qui fait autorité dans l’islam sunnite.

Depuis dix ans, des rencontres de ce type ont lieu chaque année au cours de la dernière semaine de février. Pour 2009, la rencontre aura lieu à Rome. Cette année, le sujet était “La foi en Dieu et l’amour du prochain comme fondements du dialogue interreligieux“, avec les relations du père René-Vincent de Grandlaunay et du professeur Abdallah Mabrouk al-Naggar.

Dans le communiqué paru au terme de cette rencontre – qui porte les signatures du cardinal Tauran et du cheik Abd al-Fattah Muhammad Alaam, président de la commission permanente d’al-Azhar pour le dialogue avec les religions monothéistes – l’accent a été mis sur le “respect de la personne humaine, indépendamment de sa race, de sa religion ou de ses idées“ et sur la volonté de renforcer “le respect pour les religions, les croyances, les symboles religieux, les livres sacrés et tout ce qui peut être considéré comme sacré“.

Mais les participants ne se sont pas contentés de réaffirmer des principes. Au cours de la rencontre, lorsque des représentants musulmans ont insisté sur le fait que, selon le Coran, il n’y a pas de contrainte en matière de religion, le cardinal Tauran a fait remarquer qu’il existe cependant des pays où ce principe n’est pas appliqué et où les chrétiens n’ont même pas la possibilité de disposer d’une église pour pratiquer leur culte. On a admis côté musulman qu’il s’agit d’un problème réel qui doit être résolu.

Comme il a pu l’être par exemple le 16 mars à Doha, au Qatar, avec l’inauguration d’une nouvelle église catholique, la première après quatorze siècles d’absence de tout édifice chrétien dans ce pays du Golfe. Quelque 6 000 fidèles – pour la plupart des immigrés venus notamment d’Inde et des Philippines – se sont rendus à la messe. Le rite a été célébré en anglais, mais des prières ont aussi été prononcées en arabe, en ourdou, en hindi, en tagalog, en espagnol et en français.

En 2002, le gouvernement qatari a noué des relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Trois ans plus tard, l’émir Hamad bin Khalifa Al Thani a donné un terrain à l’Église catholique pour qu’elle puisse y bâtir un lieu de culte. L’émir a promis qu’il ferait construire d’autres lieux de culte pour les anglicans, les coptes, les orthodoxes et les hindouistes.

La consécration de la nouvelle église à Doha était présidée par le cardinal indien Ivan Dias, préfet de la congrégation pour l’évangélisation des peuples. Le nonce apostolique au Koweït, à Bahreïn, au Yémen et au Qatar, Paul Mounged el-Hachem était présent pendant le rite. Il a souhaité que l’Arabie Saoudite et Oman puissent bientôt nouer à leur tour des rapports diplomatiques avec le Saint-Siège et que des églises chrétiennes puissent de même être édifiées dans ces pays.

Un autre signe encourageant pour les rapports entre l’Église catholique et l’islam est venu d’Azerbaïdjan, où le cardinal secrétaire d’état Tarcisio Bertone s’est rendu du 7 au 9 mars.

L’Azerbaïdjan est un pays dont la population est presque exclusivement musulmane chiite. On compte à peine 400 catholiques, presque tous regroupés à Bakou, la capitale, au bord de la Mer Caspienne. De retour de son voyage, dans une interview accordée à “L’Osservatore Romano“, Bertone a fait remarquer qu’il y règne “une tolérance positive qui encourage les autres religions à s’exprimer, y compris publiquement“. Pour d’autres pays, il s’agit là d’“un modèle à suivre“ de cohabitation pacifique.

Preuve en est, a déclaré Bertone, l’estime que le chef des musulmans d’Azerbaïdjan et du Caucase, le cheik ul-Islam Allah Shukur Pasha Zade, manifeste publiquement à l’égard de l’Église catholique et du pape.

Des signaux contraires proviennent cependant d’autres pays musulmans.

En Algérie, une nouvelle loi a été promulguée en 2006 qui limite considérablement l’exercice de la liberté religieuse et qui ne tolère les prières communes que dans les édifices officiellement autorisés par l’état. En février dernier, un prêtre catholique, Pierre Wallez, a été condamné à un an de prison pour être allé à la rencontre de chrétiens camerounais dans le bidonville de Maghnia et pour avoir prié avec eux.

Le “penseur musulman qui écrira prochainement pour L’Osservatore Romano“ auquel l’interview fait référence est Khaled Fouad Allam, dont www.chiesa a publié de nombreux textes. Le début de sa collaboration au journal du pape est prévu après l’été.

par Sandro Magister

Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

Lire l’interview accordée par le cardinal Tauran à Gianni Cardinale pour le quotidien “Avvenire“ du 13 mars 2008 : Le cardinal Jean-Louis Tauran satisfait de la première rencontre avec les musulmans

Sources : La chiesa.it
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 19.03.2008 - T/Œcuménique