La solution est celle suggérée par Benoît XVI, l’usage de la raison
ROME, 18 SEPTEMBRE 2006. (E.S.M.)
Le Père Samir Khalil Samir, jésuite égyptien expert en islam, que le
pape Benoît XVI avait consulté à Castel Gandolfo en septembre 2005,
s’exprimait dans le quotidien italien "Il Giornale".
Le père Samir Khalil Samir
La solution est
celle suggérée par Benoît XVI, l’usage de la raison
Ce n'était pas un discours sur l'islam, affirme le Père Samir Khalil Samir
La plupart des responsables musulmans qui ont critiqué la conférence
magistrale de Benoît XVI à l'Université de Ratisbonne n’ont pas lu le texte,
regrette le Père Samir Khalil Samir, le 16 septembre 2006. Le jésuite
égyptien expert en islam (*), que le pape avait consulté à Castel Gandolfo
en septembre 2005, s’exprimait dans le quotidien italien "Il Giornale".
Comme cela s’est passé pour les fameuses caricatures sur Mahomet, il y a
quelqu’un qui cherche à provoquer des réactions, a-t-il affirmé.
"Beaucoup de représentants musulmans ont réagi sans connaître le
texte, mais seulement quelques phrases extrapolées et relancées par les
agences de presse internationales", a ainsi estimé le jésuite qui vit au
Liban.
Le discours du pape était la leçon d’un théologien, elle
devait être lue et relue, a-t-il souligné. "C’était un discours académique,
fait en présence de représentants du monde des sciences, de façon
typiquement allemande, avec une abondance de citations et de critiques de
textes", a aussi expliqué le spécialiste de l’Islam qui connaît Benoît XVI.
Mais il a été "relancé comme slogan" dans le monde entier, a-t-il affirmé,
ajoutant que c’était évident qu’ainsi la réaction de ceux qui n’avaient pas
lu le texte dans son intégralité serait provoquée.
"J’ai compté
les mots en allemand: 3565 en tout et à peine 373 d’entre eux, c’est-à-dire
10%, étaient consacrés à l’islam. Ce n’était donc pas un discours sur
l’islam, mais sur foi, raison et université", a renchéri le père jésuite.
Pour lui, le pape voulait parler à l’Occident pour affirmer que le rapport
entre foi et raison est un problème fondamental, et critiquer une certaine
conception réductrice de la raison faite dans l’époque moderne. "Ainsi, il
est parti d’un livre récemment lu et de l’épisode du dialogue entre Manuel
II Paléologue avec un savant perse, citant deux concepts : la violence est
irraisonnable et l’irrationalité est contraire à la nature de Dieu et de
l’homme".
Le pape a dit que la violence est contraire à la
raison, et cela concerne une certaine conception musulmane qui utilise la
violence pour défendre Dieu, a poursuivi le prêtre. "Benoît XVI propose une
voie humaniste à l’Occident sécularisé, l’invitant à ne pas reléguer la
dimension religieuse pour justifier la haine, le terrorisme et la violence".
"En faisant ainsi, le pape propose un vrai dialogue universel. Il le propose
à tous: aux agnostiques et aux sceptiques, aux juifs et aux chrétiens, aux
chrétiens sécularisés", a-t-il estimé.
Concernant la citation sur
Mahomet présente dans le discours du pape, le jésuite a expliqué que s’il
s’était agi d’une homélie ou d’une Encyclique, il n’aurait pas dû le faire.
"Mais là, il s’agissait d’un discours académique, avec des citations et des
commentaires". Pour comprendre l’authentique esprit de Benoît XVI, il suffit
de rappeler que dans le texte, Ratzinger a cité seulement une sourate du
Coran, celle toujours rappelée par le monde musulman et qui s’exprime en
faveur de la liberté de conscience, a encore déclaré le Père Samir. "Il n’a
pas cité d’autres versets coraniques qui justifient au contraire la
violence".
De toutes façons, pour Samir Khalil Samir, le
dialogue ne se fait pas en cachant la vérité, mais en la disant. "Il faut
reconnaître que dans le Coran il y a une ouverture à la tolérance, mais
aussi une instigation à la violence. Il faut reconnaître que le terrorisme
ne naît pas seulement de motivations sociopolitiques mais aussi d’une
interprétation de passages inégalement violents du texte coranique", a-t-il
encore souligné. Et de conclure "la solution est celle suggérée par le pape,
l’usage de la raison".
(*) Docteur en théologie orientale et en
islamologie, le Père Samir Khalil Samir, jésuite, est fondateur et directeur
du CEDRAC (Centre de documentation et de recherches à l'Université
Saint-Joseph de Beyrouth/USJ), professeur de sciences religieuses à l'USJ et
d'études islamo-chrétiennes à l'Institut Pontifical Oriental de Rome, et
dans d'autres Universités. Il est connu mondialement comme spécialiste de
l'Orient chrétien et des relations entre l'islam et l'Occident.
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Un discours pour académiciens jeté en pâture à l’opinion de la rue
Le discours du pape Benoît XVI, qui est "une main tendue à tous, et
aux musulmans en particulier", était un discours pour académiciens jeté en
pâture à l’opinion de la rue, a déploré le Père Samir Khalil Samir. Le
professeur regrette que les foules descendent dans la rue pour exiger des
excuses pour ce qui y a été dit. "La honte, c’est que la très grande
majorité des manifestants (sinon tous) n’a pas lu cette conférence
académique. Et quand bien même ils l’auraient lue, ils auraient bien du mal
à en saisir la portée profonde. C’est à cela que nous en sommes réduits. On
a l’impression que le scénario des caricatures sur le prophète de l’islam,
rodé en janvier-février dernier, est en train de se répéter. Avec cette
différence qu’ici il n’y a pas la moindre caricature ni la moindre offense à
qui que ce soit, mais au contraire une réflexion destinée à tout penseur
pour l’amener à réfléchir sur le rapport entre foi et raison, réflexion dont
nous, chrétiens et musulmans arabes, avons grandement besoin".
Le
jésuite estime que dans ce cas, la responsabilité de la presse occidentale
est très lourde. "Elle a voulu profiter de ce document pour provoquer le
monde musulman. Elle a situé ce texte académique dans le contexte de la
confrontation entre l’Occident et le monde musulman, comme si le pape
approuvait et appuyait la théorie du 'conflit des civilisations' prônée par
(le professeur américain) Samuel Huntington ! Alors qu’en réalité, l’objet
de cette conférence académique est le dialogue interculturel et
interreligieux".
Les paragraphes qui traitent tant soit peu de
l’islam correspondent à environ 10% du texte global, affirme le Père jésuite
originaire d'Egypte. Le pape y cite un verset coranique: "Il n’y a pas de
contrainte en matière de religion" (la Vache 2, 256). C’est sans doute le
verset le plus fréquemment cité en Occident, dans le but de souligner que le
Coran appuie la liberté de conscience, relève-t-il. Si le pape avait voulu
attaquer l’islam sur ce point, il lui aurait été facile de citer d’autres
versets, poursuit-il, à commencer par les versets 190-193 de la même
sourate: "Combattez dans le sentier de Dieu ceux qui vous combattent et ne
transgressez pas. Certes, Dieu n’aime pas les transgresseurs ! Tuez-les, où
que vous les rencontriez, et chassez-les d’où ils vous ont chassés: la
sédition (fitna) est plus grave que le meurtre. (…). Combattez-les jusqu’à
ce qu’il n’y ait plus de sédition (fitna), et que la religion soit
entièrement à Dieu seul. S’ils cessent, donc plus d’hostilités, sauf contre
les injustes."
Le pape Benoît XVI a cité un texte de l’empereur
byzantin Manuel II Paléologue dans sa controverse avec un docte persan, qui
aurait eu lieu en 1391. Le pape le cite d’après l’édition du texte grec du
Père Théodore Khoury, bien connu des milieux du dialogue islamo-chrétien.
Dans ce texte, on mentionne le "djihad" (guerre sainte) qui a servi à
déclencher la polémique.
Le pape, citant Manuel II Paléologue,
prend ses distances et dit: "Après avoir tenu des propos si forts". Puis il
poursuit: "L’empereur explique ensuite en détail pourquoi il est absurde de
diffuser la foi par la violence. La violence est contraire à la nature de
Dieu et à la nature de l’âme: Dieu n’aime pas le sang, et agir de manière
déraisonnable est contraire à la nature de Dieu". C’est cette phrase qui est
l’objet de toute la conférence, relève le Père Khalil, et c’est pour cette
phrase que le pape a utilisé ce texte. En cela, Benoît XVI rejoint tous
ceux, musulmans, chrétiens ou juifs, qui luttent contre la violence en eux
et autour d’eux, avec cette devise: "Heureux les bâtisseurs de paix !"
"Malheureusement, il arrive trop souvent aujourd’hui que la foi
musulmane soit accaparée par les politiques (et par là passe à la violence)
et que le Coran soit accaparé par les doctes, empêchant le musulman moderne
de se poser des questions. Par ailleurs, qui pourrait nier que le fait de la
violence est aujourd’hui un problème réel dans le monde musulman ?", insiste
le professeur jésuite.
Le gros de la conférence cependant ne
porte pas là-dessus, poursuit-il: il concerne l’Occident, qui a vidé la
notion de raison ("logos") de tout ce qui est spirituel; alors que la notion
grecque de "logos", telle qu’elle a été purifiée par la tradition
chrétienne, n’oublie jamais que la raison vient de Dieu et qu’elle est le
plus grand don que Dieu ait fait à l’homme. Le pape critique longuement la
pensée occidentale qui s’est éloignée de tout ce qui est surnaturel.
Il relève la nécessité que la théologie, comme discipline académique
de réflexion sur le rapport raison-foi, ait sa place à l’Université et dans
le vaste dialogue des sciences. "Alors, et seulement alors, nous devenons
capables d’opérer un vrai dialogue des cultures et des religions, un
dialogue dont nous avons un besoin urgent".
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“Violence et islam ne peuvent pas être liés“, demandent des millions
de musulmans
Dans son discours à l’Université de Ratisbonne, le
12 septembre, le pape s’est fait "le porte-parole de millions et de millions
de personnes dans le monde, aussi musulmanes, qui soutiennent qu’il ne faut
absolument pas lier la violence à la religion", a pour sa part commenté sur
les ondes de Radio Vatican le Père Justo Lacunza, ancien directeur du Pisai
(Institut pontifical des études arabes et d’islamologie).
Le
Père Lacunza s’est ainsi fait l’interprète de millions de musulmans qui
disent aujourd’hui "la violence et l’islam ne peuvent pas être liés". Selon
le spécialiste de l’islam, les protestations de certains responsables
musulmans ont deux motifs: celui que "le monde islamique et les musulmans
sont très, très sensibles envers tous ceux qui parlent de l’islam,
particulièrement quand ils n’appartiennent pas à la foi musulmane", et celui
que "le pape a touché un sujet très, très délicat, qui est celui de la
violence et de la guerre".
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Selon "ministre des Affaires étrangères" du Saint-Siège, le dialogue
avec l’islam, une priorité
Le nouveau secrétaire du Saint-Siège
pour les relations avec les Etats, Mgr Dominique Mamberti, a affirmé que la
question du dialogue avec l’islam est une priorité. Le "ministre des
Affaires étrangères" du Saint-Siège a invité à lire avec attention le texte
de l’intervention de Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne. Dans ce texte,
a expliqué Mgr Mamberti, "le Saint-Père a voulu séparer la violence de la
religion et, d’autre part, établir les fondements du dialogue en insistant
sur la raison". Ce dialogue entre chrétiens et musulmans est "une priorité",
a encore estimé le diplomate joint à Khartoum (Soudan) par l'agence I.Media.
"Il faudrait que l’on lise le texte complet du pape et que l’on se
rende compte que la question sur l’islam était un élément qui n’était pas
essentiel et qu’il s’agissait d’une citation, qui plus est, une citation
historique", a souhaité le diplomate. Ce texte, a-t-il commenté, "est bien
plus complexe que l’extrait que certains en ont tiré, juste pour faire cette
polémique".
Sources: © Ctb/apic/imedia/ORJ/JB/AMI/AR/
Eucharistie sacrement de la miséricorde 18.09.2006 - BENOÎT XVI