En voyage avec Benoît XVI, conférence
de presse dans l'avion
Le 18 mars 2009 -
(E.S.M.)
- Il Corriere della Sera, qui, contrairement aux journaux
français, ne prend pas ses lecteurs pour des abrutis à qui il importe de
prémâcher l'information, a retranscrit l'intégralité des échanges dans
l'avion. On verra que le pape Benoît XVI a parlé de bien autre chose,
notamment de la crise économique.
Le pape Benoît XVI à
bord de l'avion papal -
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En voyage avec Benoît XVI, conférence
de presse dans l'avion
Le 18 mars 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
La presse française s'étrangle de rage en relatant (de
façon tronquée) les propos du Pape Benoît XVI sur le préservatif.
Dans leurs commentaires, le ridicule (la correspondante
d'Europe1 - a t'elle suivi le Pape? - a interviewé un producteur de sit'com'
camerounais qui a rugi son indignation, un peu comme si on allait interroger
sur ce sujet un réalisateur de "Plus belle la vie") le
dispute à l'odieux: on a de nouveau droit au qualificatif de criminel contre
l'humanité accolé au nom du pape, et des calomnies sur les mœurs dissolues
du clergé local ont été plus qu'insinuées.
Tout cela est navrant. Serait-ce la proximité du Sidaction qui provoque ce
nouveau déferlement d'hostilité?
Je dis que les propos du pape ont été tronqués, car on entend uniquement "il
a déclaré que le préservatif aggravait le problème". Or, ce que pense le
Saint-Père se situe évidemment au niveau de la morale (Le
Pape et le préservatif ), c'est-à-dire éduquer à la maîtrise de
soi et au respect de l'autre. Ce qu'il expliquait déjà très clairement en
septembre 2006.
Et évidemment, les media se sont bien gardés de rapporter qu'en Afrique,
l'Eglise est le principal acteur de la lutte contre la maladie, et de
l'assistance aux malades, sur le terrain.
***
Votre Sainteté, bienvenue parmi le groupe des
journalistes: nous sommes une soixantaine qui nous apprêtons à vivre ce
voyage avec vous. Nous vous présentons nos meilleurs vœux et nous espérons
pouvoir vous accompagner par notre service, de manière à faire participer de
nombreuses autres personnes à cette aventure. Comme d'habitude nous vous
sommes reconnaissants pour la conversation que vous nous accordez. Nous
avons recueilli au cours des derniers jours, un certain nombre de questions
de la part de nos collègues journalistes — j'en ai reçu une trentaine — et
nous en avons sélectionné quelques-unes qui peuvent constituer un discours
assez complet sur ce voyage et susciter l'intérêt de tous; nous vous sommes
très reconnaissants pour les réponses que vous apporterez. La première
question est posée par notre collègue Brunelli, de la télévision italienne,
qui se trouve ici, à notre droite:
Bonjour. Votre Sainteté, depuis un certain temps — et
en particulier, après votre dernière
Lettre aux évêques du monde — de nombreux journaux parlent de la
«solitude du Pape». Qu'en pensez-vous? Vous sentez-vous vraiment seul? Et
avec quels sentiments, après les dernières affaires, volez-vous à présent
vers l'Afrique avec nous?
Pour dire la vérité, je dois dire que ce mythe de ma solitude me fait un peu
sourire: en aucune manière je ne me sens seul. Chaque jour je reçois dans
les visites programmées mes collaborateurs les plus proches, à commencer par
le secrétaire d'Etat jusqu'à la Congrégation de Propaganda Fide, etc. ; je
vois ensuite régulièrement tous les chefs de dicastères, chaque jour je
reçois les évêques en visite «ad limina» — dernièrement tous les évêques,
l'un après l'autre, du Nigeria, puis les évêques d'Argentine... Ces derniers
jours nous avons eu deux assemblées plénières, une de la Congrégation pour
le culte divin et l'autre de la Congrégation pour le clergé et il y a aussi
toutes les rencontres amicales; un réseau d'amitié; même mes compagnons
d’année d’ordination d'Allemagne sont venus récemment une journée pour
parler avec moi... Alors vraiment la solitude n'est pas un problème, je suis
réellement entouré d'amis dans une merveilleuse collaboration avec les
évêques, avec mes collaborateurs, avec des laïcs et je suis reconnaissant
pour cela. Je vais en Afrique avec une grande joie: j'aime l'Afrique, j'ai
de nombreux amis africains; déjà au temps où j'étais professeur et
aujourd'hui encore; j'aime la joie de la foi, cette foi joyeuse que l'on
trouve en Afrique. Vous savez que le mandat du Seigneur pour le Successeur
de Pierre est «de confirmer ses frères dans la foi»: c'est ce que je cherche
à faire. Mais je suis sûr que je rentrerai moi-même confirmé par mes frères,
contaminé — pour ainsi dire — par leur foi joyeuse.
La deuxième question est posée par John Thavis,
responsable de la section romaine de l'agence de presse catholique des
Etats-Unis:
Votre Sainteté, vous partez en voyage en Afrique où
moment où une crise économique mondiale est en cours, qui a des conséquences
également sur les pays pauvres. Par ailleurs, l'Afrique affronte
actuellement une crise alimentaire. Je voudrais vous demander trois choses:
cette situation trouvera-t-elle un écho dans votre voyage? Vous
adresserez-vous à la Communauté internationale afin qu'elle prenne en charge
certains problèmes de l'Afrique? Et la troisième question: ces problèmes
seront-ils abordés également dans l'Encyclique que vous préparez?
Merci pour cette question. Bien sûr, je ne vais pas en Afrique avec un
programme politico-économique, pour lequel il me manquerait les compétences.
Je m'y rends avec un programme religieux, de foi, de morale, mais ceci est
précisément aussi une contribution essentielle au problème de la crise
économique que nous vivons en ce moment. Nous savons tous qu'un élément
fondamental de la crise est précisément un manque d'éthique dans les
structures économiques; on a compris que l'éthique n'est pas quelque chose
d'«extérieur» à l'économie, mais d'«intérieur» et que l'économie ne
fonctionne pas si elle ne porte pas en elle un élément éthique. C'est
pourquoi, en parlant de Dieu et en parlant des grandes valeurs spirituelles
qui constituent la vie chrétienne, je tenterai d'apporter une contribution
propre également pour surmonter cette crise, pour renouveler le système
économique de l'intérieur, où se trouve le cœur véritable de la crise. Et
naturellement, je ferai appel à la solidarité internationale: l'Eglise est
catholique, c'est-à-dire universelle, ouverte à toutes les cultures, à tous
les continents, elle est présente dans tous les systèmes politiques et ainsi
la solidarité est-elle un principe interne, fondamental pour le
catholicisme. Je voudrais adresser naturellement un appel tout d'abord à la
solidarité catholique elle-même, en l'étendant toutefois aussi à la
solidarité de tous ceux qui sont conscients de leur responsabilité dans la
société humaine d'aujourd'hui. Bien sûr, je parlerai également de cela dans
l'Encyclique: c'est une des raisons du retard de sa publication. Nous étions
presque sur le point de la publier, lorsque s'est déchaînée cette crise et
nous avons repris le texte pour répondre de manière plus adaptée, dans le
cadre de nos compétences, dans le cadre de la Doctrine sociale de l'Eglise,
mais avec une référence aux éléments réels de la crise actuelle. Ainsi,
j'espère que l'Encyclique pourra également être un élément, une force pour
surmonter la situation présente difficile.
Très Saint-Père, la troisième question est posée par
notre collègue Isabelle de Gaulmyn, de «La Croix»:
Très Saint-Père, bonjour. Je pose la question en
italien, mais si vous vouliez bien répondre en français... Le conseil
spécial pour l'Afrique du synode des évêques a demandé que la forte
croissance quantitative de l'Eglise africaine devienne également une
croissance qualitative. Parfois, les responsables de l'Eglise sont
considérés comme un groupe de riches et de privilégiés et leurs
comportements ne sont pas cohérents avec l'annonce de l'Evangile.
Inviterez-vous l'Eglise qui est en Afrique à s'engager à un examen de
conscience et de purification de ses structures?
J'essayerai, si c'est possible, de parler en français. J'ai une vision plus
positive de l'Eglise en Afrique: c'est une Eglise très proche des pauvres,
une Eglise avec les souffrants, avec des personnes qui ont besoin d'aide et
donc il me semble que l'Eglise est réellement une institution qui fonctionne
encore, alors que d'autres structures ne fonctionnent plus, et avec son
système d'éducation, d'hôpitaux, d'aide, dans toutes ces situations, elle
est présente dans le monde des pauvres et des souffrants. Naturellement, le
pêché originel est présent aussi dans l'Eglise; il n'y a pas une société
parfaite et donc il y a aussi des pêcheurs et des déficiences dans l'Eglise
en Afrique, et dans ce sens un examen de conscience, une purification
intérieure est toujours nécessaire, et je rappellerais aussi dans ce sens la
liturgie eucharistique: on commence toujours avec une purification de la
conscience, et un nouveau commencement devant la présence du Seigneur. Et je
dirais plus qu'une purification des structures, qui est toujours aussi
nécessaire, une purification des cœurs est nécessaire, parce que les
structures sont le reflet des cœurs, et nous faisons notre possible pour
donner une nouvelle force à la spiritualité, à la présence de Dieu dans
notre cœur, soit pour purifier les structures de l'Eglise, soit aussi pour
aider la purification des structures de la société.
Et maintenant, une question qui vient de la
journaliste allemande de ce groupe. C'est Christa Kramer qui représente le «Sankt
Ulrich Verlag», qui nous pose la question suivante.
Heiliger Vater, gute Reise! Le père Lombardi m’a
demandé de parler en italien, je pose donc la question en italien. Quand
vous vous adressez à l'Europe, vous parlez souvent d'un horizon dont Dieu
semble disparaître. En Afrique il n'en est pas ainsi, mais il y a une
présence agressive des sectes, il y a les religions traditionnelles
africaines. Quelle est alors la spécificité du message de l'Eglise
catholique que vous voulez présenter dans ce contexte?
Tout d'abord nous reconnaissons tous qu'en Afrique le problème de l'athéisme
ne se pose presque pas, car la réalité de Dieu est tellement présente,
tellement réelle dans le cœur des Africains que ne pas croire en Dieu, vivre
sans Dieu n'apparaît pas comme une tentation. Il est vrai que se posent
également les problèmes des sectes: pour notre part, nous n'annonçons pas,
comme certains d'entre elles le font, un Evangile de prospérité, mais un
réalisme chrétien; nous n'annonçons pas des miracles, comme certaines le
font, mais la sobriété de la vie chrétienne. Nous sommes convaincus que
toute cette sobriété, tout ce réalisme qui annonce un Dieu qui s'est fait
homme - donc un Dieu profondément humain, un Dieu qui souffre également avec
nous, donne un sens à notre souffrance - est une annonce ayant un horizon
plus vaste, qui a davantage d'avenir. Et nous savons que ces sectes ne sont
pas très stables dans leur consistance: sur le moment l'annonce de la
prospérité, des guérisons miraculeuses etc. peut faire du bien, mais après
un peu de temps on voit que la vie est difficile, qu'un Dieu humain, un Dieu
qui souffre avec nous est plus convaincant, plus vrai, et offre une plus
grande aide pour la vie. Il est également important que nous ayons la
structure de l'Eglise catholique. Nous n'annonçons pas un petit groupe qui
après un certain temps s'isole et se perd, mais nous entrons dans ce grand
réseau universel de la catholicité, non seulement trans-temporel, mais
surtout présent comme un grand réseau d'amitié qui nous unit et nous aide
également à dépasser l'individualisme pour parvenir à cette unité dans la
diversité, qui est la véritable promesse.
Nous donnons à présent à nouveau la parole à une voix
française: c'est notre collègue Philippe Visseyrias de France 2.
Votre Sainteté, parmi les nombreux maux qui affligent
l'Afrique, il y a également en particulier celui de la diffusion du sida. La
position de l'Eglise catholique sur la façon de lutter contre celui-ci est
souvent considérée comme n'étant pas réaliste et efficace. Affronterez-vous
ce thème au cours du voyage?
Je dirais le contraire: je pense que la réalité la plus efficace, la plus
présente sur le front de la lutte conte le sida est précisément l'Eglise
catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à
la Communauté de Sant'Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi
invisible, pour la lutte contre le sida, aux Camilliens, et tant d’autres, à
toutes les sœurs qui sont au service des malades. Je dirais qu'on ne peut
pas surmonter ce problème du sida uniquement avec de l’argent, pourtant
nécessaire. Si on n'y met pas l'âme, si les Africains n'aident pas [en
engageant leur responsabilité personnelle], on ne peut pas résoudre ce fléau
par la distribution de préservatifs: au contraire, ils augmentent le
problème. La solution ne peut se trouver que dans un double engagement: le
premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau
spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se
comporter l'un envers l'autre, et le deuxième, une véritable amitié
également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité,
même au prix de sacrifices, de renoncements personnels, à être proches de
ceux qui souffrent. Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à
des progrès visibles. Je dirais donc cette double force de renouveler
l'homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un
juste comportement à l'égard de son propre corps et de celui de l'autre, et
cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans
les situations d'épreuve. Il me semble que c'est la juste réponse, et c'est
ce que fait l'Eglise, offrant ainsi une contribution très grande et
importante. Nous remercions tous ceux qui le font.
Et à présent, une dernière question, qui vient du
Chili, car nous sommes vraiment très internationaux: nous avons également
une correspondante de la télévision catholique chilienne avec nous. Nous lui
donnons la parole pour la dernière question: Maria Burgos....
Merci père Lombardi. Votre Sainteté, quels signes
d'espérance voit l'Eglise dans le continent africain? Et: pensez-vous
pouvoir adresser un message d'espérance à l'Afrique?
Notre foi est par définition espérance: c'est l'Ecriture Sainte qui nous le
dit. Et donc, qui apporte la foi est convaincu d'apporter aussi l'espérance.
Il me semble, malgré tous les problèmes que nous connaissons bien, qu'il
existe de grands signes d'espérance. De nouveaux gouvernements, de nouvelles
disponibilités à la collaboration, la lutte contre la corruption — un grand
mal qui doit être surmonté! — et également l'ouverture des religions
traditionnelles à la foi chrétienne, parce que dans les religions
traditionnelles tous connaissent Dieu, le Dieu unique, mais qui semble un
peu lointain. Ils attendent qu'il s'approche. C'est dans l'annonce de Dieu
fait homme que ces dernières se reconnaissent: Dieu s'est réellement
approché. Et puis il existe de nombreuses choses en commun avec l'Eglise
catholique: disons, le culte des ancêtres trouve sa réponse dans la
communion des saints, dans le purgatoire. Les saints ne sont pas seulement
les canonisés, ce sont tous nos morts. Et ainsi, dans le Corps du Christ
s'accomplit précisément aussi ce que sous entendait le culte des ancêtres.
Et ainsi de suite. Ainsi, il existe une rencontre profonde qui apporte
réellement espérance. Le dialogue interreligieux se développe aussi — j'ai
parlé jusqu'à présent avec plus de la moitié des évêques africains et les
relations avec les musulmans, malgré les problèmes existants, sont d'après
ce qu'ils m'ont dit, très prometteuses; le dialogue se développe dans le
respect réciproque et la collaboration dans les responsabilités éthiques
communes. Du reste, se développe aussi ce sens de catholicité qui aide à
surmonter le tribalisme, un des grands problèmes, et il en jaillit la joie
d'être chrétiens. Un problème des religions traditionnelles est la peur des
esprits. Un des évêques africains m'a dit: quelqu'un est réellement converti
au christianisme, est pleinement devenu chrétien, quand il sait que le
Christ est réellement plus fort. La peur n'existe plus. Et cela aussi est un
phénomène croissant. Je dirais ainsi que, malgré la présence de tant
d'éléments et problèmes, les forces spirituelles, économiques et humaines
grandissent et nous donnent de l'espérance, et je voudrais précisément
mettre en lumière les éléments de l'espérance.
Merci beaucoup, Votre Sainteté, du temps que vous nous
avez accordé. C'est une excellente introduction pour suivre votre voyage
avec un grand enthousiasme. Nous nous engageons à diffuser votre message sur
tout le continent et auprès de tous nos lecteurs et auditeurs.
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Vaticana
PRECISIONS DU P. LOMBARDI
La Salle-de-Presse du Saint-Siège a diffusé hier soir le communiqué suivant
relatif aux réactions suscitées par ce qu'a dit le Pape à propos du SIDA: "Le
P.Federico Lombardi précise qu'il a simplement rappelé la position de
l'Eglise et ses principes de lutte contre ce fléau: d'abord par l'éducation
à la responsabilité sexuelle des personnes, et la réaffirmation du rôle
essentiel du mariage et de la famille; ensuite par la recherche médicale et
l'application de traitements efficaces qui soient à disposition du plus
grand nombre possible de malades, par le biais de vastes initiatives et
d'institutions médicales appropriées; enfin par une assistance pratique et
morale des victimes du SIDA, qui comme toutes les personnes qui souffrent
sont chers à l'Eglise. Ce sont les lignes sur lesquelles l'Eglise concentre
ses efforts, qui ne considère pas qu'une plus ample diffusion du préservatif
soit une solution meilleure, c'est-à-dire prévoyante et efficace pour
enrayer la maladie et protéger la vie humaine".
Sources :
benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 18.03.09 -
T/Voyage Afrique