Benoît XVI aborde la nouvelle Torah apportée par
Jésus |
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Le 16 novembre 2007 -
(E.S.M.) - Dans cette
grande composition en forme de discours, explique Benoît XVI, Matthieu nous présente Jésus comme le
nouveau Moïse, et ce au sens profond qui précédemment s'est déjà rendu
évident pour nous suite à la promesse faite par un prophète dans le Livre du
Deutéronome.
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La
nouvelle Torah apportée par Jésus -
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Benoît XVI aborde la nouvelle Torah apportée par Jésus
Quatrième chapitre - Le Sermon sur la montagne
(p. 85 à 150)
1) De quoi s'agit-il ?
A la suite des tentations (voir
deuxième chapitre), on trouve chez Matthieu un bref récit du
début du ministère de Jésus dans lequel la Galilée est explicitement
présentée comme « la Galilée des nations »,
le lieu annoncé par les prophètes (cf.
Is 8, 23 ; 9, 1) où se lèverait la «
grande lumière » (Mt 4, 15).
Matthieu réplique ainsi à ceux qui s'étonnent de ce que le Sauveur ne vienne
pas de Jérusalem et de Judée, mais d'un coin de terre déjà considéré comme à
demi païen. Ce détail justement, analyse Benoît XVI, qui aux yeux du grand
nombre apparaît comme un élément en défaveur de l'envoi messianique de Jésus
- le fait qu'il vienne de Nazareth, de Galilée -, est en réalité
la preuve de sa mission divine. Depuis le début déjà et jusque dans
le moindre détail, Matthieu recourt à l'Ancien Testament en faveur de Jésus.
Ce que dit fondamentalement, mais sans le développer en détail, le récit
lucanien du cheminement de Jésus avec les disciples d'Emmaüs
(Lc 24, 25s), c'est-à-dire que
toutes les Écritures se réfèrent à lui, Matthieu s'efforce de le démontrer
pour tous les détails de la vie de Jésus.
Il nous faudra revenir par la suite sur trois éléments du sommaire initial
de Matthieu concernant l'activité de Jésus
(Mt 4, 12-25). Quant à la
prédication de Jésus, il y a tout d'abord l'indication dont le contenu est
essentiel et qui synthétise la totalité de son message : «
Convertissez-vous, car le Royaume (la
seigneurie) des cieux est tout proche »
(Mt 4, 17). Il y a ensuite l'appel des
Douze par lequel, dans un geste symbolique qui est également une
action tout à fait concrète, Jésus proclame et lance le renouveau du peuple
des douze tribus, la nouvelle convocation d'Israël. Enfin, comme on le voit
immédiatement ici, Jésus n'est pas seulement maître, mais encore rédempteur
de l'homme dans sa totalité. Le Jésus qui enseigne est
aussi le Jésus qui guérit.
En quelques lignes, quatorze versets seulement
(4, 12-25), Matthieu dresse devant
ses auditeurs un premier portrait de la personne et de l'œuvre de Jésus.
Vient ensuite, en trois chapitres, le « Sermon sur la montagne ».
De quoi s'agit-il ? Dans cette grande
composition en forme de discours, explique Benoît XVI, Matthieu nous présente Jésus comme le
nouveau Moïse, et ce au sens profond qui précédemment s'est déjà rendu
évident pour nous suite à la promesse faite par un prophète dans le Livre du
Deutéronome.
Le verset introductif signifie bien davantage qu'un cadre plus ou moins
fortuit : « Quand Jésus vit la foule, il gravit la montagne. Il s'assit,
et ses disciples s'approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les
instruire » (Mt 5, 1-2).
Jésus s'assied, signe de la pleine autorité du maître. Il prend place sur la
« chaire » que constitue la montagne. Plus tard, il parlera des rabbins qui
sont assis sur la chaire de Moïse et, par là même, investis de l'autorité :
on doit écouter et accepter leur enseignement même si leur vie va à
l'encontre de ce qu'ils enseignent (cf. Mt
23, 2), même s'ils ne sont pas eux-mêmes l'autorité, mais qu'ils
ont été investis de l'autorité par un autre. Jésus s'assied sur la « chaire
» comme maître d'Israël et maître de l'humanité en général. Car - l'analyse
du texte le montrera - en parlant de « disciples », Matthieu ne restreint
pas le cercle de ceux auxquels ce discours s'adresse, bien au contraire, il
l'élargit. Quiconque écoute et accueille la Parole peut devenir « disciple
».
A l'avenir, souligne Benoît XVI, l'important ne sera pas l'origine, mais le
fait d'écouter et de suivre. Devenir disciple est une
possibilité offerte à chacun ; tout le monde
est appelé : c'est donc sur la base de l'écoute de la Parole que
se crée un Israël plus vaste, un Israël renouvelé, qui n'exclut ni n'abolit
l'ancien, mais le dépasse en l'ouvrant à l'universel.
Jésus s'assied sur la « chaire » de Moïse, mais pas au même titre que les
maîtres formés pour leur charge dans les écoles ; il s'assied là comme un
plus grand Moïse, qui étend l'Alliance à tous les peuples. La signification
de la montagne apparaît alors clairement. L'évangéliste ne nous dit pas de
quel mont de Galilée il s'agit. Mais du fait qu'il s'agit du lieu du
discours de Jésus, c'est simplement « la montagne »,
le nouveau Sinaï. « La montagne » est le lieu de prière de Jésus, de
son face-à-face avec le Père ; c'est justement pour cela qu'elle est aussi
le lieu de son enseignement, qui procède de l'échange le plus intime avec le
Père. « La montagne » prouve ainsi par elle-même son identité comme le
nouveau Sinaï, le Sinaï définitif.
Bien sûr, quelle différence entre cette « montagne » et le puissant massif
de pierre situé en plein désert ! Selon la tradition, la montagne des
Béatitudes serait une hauteur située au nord du lac de Génésareth :
quiconque y est allé un jour et conserve imprimé dans son âme le vaste
panorama qui s'offre à lui, les eaux du lac, le ciel et le soleil, les
arbres et les prés, les fleurs et le chant des oiseaux, ne peut oublier la
merveilleuse atmosphère de paix, de beauté de la création, qu'il a
rencontrée dans une terre malheureusement si tourmentée.
Quelle que fût cette « montagne des Béatitudes
», elle a porté d'une façon ou d'une autre la marque de cette paix et de
cette beauté. Le tournant que représente l'expérience vécue sur le Sinaï par
le prophète Élie, qui avait ressenti le passage de Dieu non pas dans la
tempête, ni dans le tremblement de terre, ni dans le feu, mais dans le
murmure d'une brise légère (cf. 1 R 19,
1-13), trouve ici son achèvement. Dieu
révèle maintenant sa puissance dans la douceur, sa grandeur dans la
simplicité et la proximité. En réalité, cette puissance n'en est pas
moins insondable. Ce qui s'exprimait auparavant par la tempête, le
tremblement de terre et le feu prend maintenant la forme de la croix, du
Dieu souffrant qui nous appelle à entrer dans ce feu mystérieux, le feu de
l'amour crucifié : « Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on
vous persécute... » (Mt 5, 11).
La puissance de la révélation sur le Sinaï avait à ce point effrayé le
peuple qu'il dit à Moïse : « Toi, parle-nous, et nous écouterons ; mais que
Dieu ne nous parle pas, car ce serait notre mort.»
(Ex 20, 19).
Maintenant, Dieu parle tout près de nous, il est un homme qui parle aux
hommes. Maintenant, il s'abaisse jusqu'aux profondeurs de leur souffrance,
mais précisément il amènera et il amène toujours ses auditeurs — qui croient
pourtant être ses disciples — à dire : « Ce qu'il dit là est intolérable,
on ne peut pas continuer à l'écouter ! »
(Jn 6, 60). Cette nouvelle bonté
du Seigneur ne passe pas facilement. Nombreux sont ceux qui trouvent le
scandale de la croix plus intolérable que ne le fut le tonnerre sur le Sinaï
pour les Israélites. Oui, ils avaient bien raison de dire : si Dieu parlait
avec nous, « ce serait notre mort »
(Ex 20, 19).
Car sans une « mort
», sans le naufrage de ce qui est seulement nôtre, il n'existe pas de
communion avec Dieu, ni de rédemption ; la méditation sur le baptême
(voir
premier chapitre) l'a déjà montré, il est impossible de réduire
ce sacrement à un simple rite.
Nous avons anticipé sur ce que seule la réflexion sur le texte peut faire
apparaître pleinement. Il devrait être clair maintenant que « le Sermon sur
la montagne » est la nouvelle Torah apportée par Jésus.
Moïse n'avait pu rapporter sa Torah qu'en s'enfonçant d'abord dans
l'obscurité de Dieu sur la montagne ; la Torah de Jésus implique, elle
aussi, l'immersion dans la communion avec le Père, les élévations
intérieures de sa vie, qui se poursuivent par les descentes dans la
communion de vie et de souffrance avec les hommes.
L'évangéliste Luc nous transmet, du Sermon sur la montagne, une version plus
brève qu'il oriente différemment. Il écrit pour les chrétiens provenant du
paganisme, il est donc moins important pour lui de représenter Jésus comme
le nouveau Moïse et sa parole comme la Torah définitive. Pour commencer, il
fixe différemment le cadre extérieur. Chez lui, le Sermon sur la montagne
est immédiatement précédé par l'appel des douze apôtres, appel qu'il
présente comme le fruit d'une nuit passée en prière et qu'il situe sur la
montagne, lieu habituel de prière de Jésus. Après cet événement si
fondamental dans l'itinéraire de Jésus, le Seigneur descend de la montagne
avec les Douze qu'il vient de choisir et de désigner par leur nom, et il
s'arrête debout dans la plaine. Pour Luc, note Benoît XVI, la position
debout est l'expression de la majesté et de l'autorité de Jésus ; la plaine
est l'expression du vaste espace dans lequel Jésus envoie sa parole - un
vaste espace que Luc souligne en nous disant qu'hormis les Douze en
compagnie desquels il était descendu de la montagne, étaient présents «
un grand nombre de disciples et une foule de gens venus de toute la Judée,
de Jérusalem et du littoral de Tyr et de Sidon qui étaient venus l'entendre
et se faire guérir de leurs maladies »
(Lc 6, 17-18). La signification
universelle du Sermon, visible dans ce scénario, a pourtant ceci de
spécifique que Luc, tout comme Matthieu, dit ensuite : « Regardant alors ses
disciples, Jésus dit... » (6, 20).
Ces deux aspects coexistent : le Sermon sur la montagne s'adresse à tout le
monde, dans le présent et dans l'avenir, mais il réclame aussi d'être
disciple et il ne peut être compris et vécu que si l'on suit et si l'on
accompagne Jésus.
Les réflexions qui suivent ne prétendent certainement pas expliquer, verset
par verset, le Sermon sur la montagne ; je désire choisir trois passages
dans lesquels, à mes yeux, le message de Jésus et sa personne peuvent nous
apparaître de façon particulièrement claire. En premier lieu, il
s'agit des Béatitudes. Ensuite,
j'aimerais méditer sur la nouvelle version de la Torah
telle que Jésus la propose. Ici, il dialogue avec Moïse, avec les traditions
d'Israël. Le grand érudit juif
Jacob Neusner, dans un livre important, s'est
en quelque sorte mêlé aux auditeurs du Sermon sur la montagne pour entamer
ensuite un dialogue avec Jésus intitulé Un rabbin parle avec Jésus.
Ce débat respectueux et sincère que ce Juif croyant mène avec Jésus, le fils
d'Abraham, m'a ouvert les yeux, plus que d'autres interprétations du Sermon
sur la montagne que je connais, sur la grandeur de la Parole de Jésus et sur
la décision à laquelle nous confronte l'Évangile.
C'est pourquoi j'aimerais ici m'insérer en tant que chrétien dans le
dialogue du rabbin avec Jésus pour mieux comprendre, à partir de là, ce qui
est authentiquement juif et ce qui constitue le mystère de Jésus. Enfin,
une partie importante du Sermon sur la montagne est consacrée à
la prière - comment pourrait-il en être
autrement ? - cette partie culminant dans le Notre Père, par lequel Jésus
veut enseigner à ses disciples de tous les temps à prier, afin de les mettre
en face du visage de Dieu et de les guider ainsi sur le chemin de la vie.
(voir
cinquième chapitre)
à suivre... :
2) les Béatitudes
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Sources: www.vatican.va
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 16.11.2007 - BENOÎT XVI
- T/J.N. |