Le 16 octobre 2020 -
(E.S.M.)
-
La mort de Monseigneur Georg Ratzinger était attendue, et Benoît XVI
a pu faire ses derniers adieux à son frère aîné lors d’un voyage
plein de sens en Bavière il y a deux semaines. Les deux frères
étaient très proches, et quand on revoit cette vieille vidéo, on
retrouve la même concentration, et on comprend aussi quelque chose
de plus de leur personnalité.
Le pape Benoît XVI et
son frère Georg
L’adieu de Benoît XVI à son frère Georg
« Merci pour ce que tu m’as donné »
Le 16 octobre 2020 - E.
S. M. -
« Que Dieu te récompense, Georg, pour ce que tu as fait, ce que
tu as souffert et ce que tu m’as donné! » Ne pouvant être
présent personnellement dans la cathédrale de Ratisbonne aux
funérailles de son frère Georg Ratzinger, le pape émérite Benoît XVI
a confié à un message, lu parmi les larmes d’émotion par
l’archevêque Georg Gänswein vers la fin de la messe de funérailles,
son dernier adieu à son frère, décédé le 1er juillet dernier à l’âge
de 96 ans.
« De mon frère – a encore écrit le pape émérite – je
voudrais mentionner la bonne humeur, l’ironie et aussi de la joie
qu’il ressentait pour les bonnes choses de la création. Je remercie
Dieu de m’avoir permis d’être auprès de lui dans ses derniers jours.
Il ne m’a pas demandé de lui rendre visite, mais j’ai senti que
c’était le moment d’y aller. Lorsque je lui ai dit au revoir lundi
[21 juin], nous savions que nous nous rencontrions pour la dernière
fois ici sur Terre, mais nous étions sûrs que le bon Dieu, qui règne
dans l’autre monde, nous donnerait de nouveau des moments ensemble
». Dans son message, Benoît XVI, qui a suivi la célébration en
direct (/en streaming), a remercié l’évêque de
Ratisbonne Rudolf Voderholzer et tous ceux qui ont aidé à organiser
sa visite au chevet de son frère Georg.
Ainsi, avec une messe solennelle dans la cathédrale Saint-Pierre,
présidée à 10 heures par l’évêque Voderholzer, la ville de
Ratisbonne a aujourd’hui pris congé de Monseigneur Georg Ratzinger.
La messe des funérailles a également été concélébrée par le nonce
apostolique en Allemagne, Nikola Eterovic, et l’archevêque Georg
Gänswein, secrétaire personnel du pape Ratzinger.
« Nous sommes très reconnaissants de la tradition musicale que
Georg Ratzinger a contribué à cultiver », a déclaré l’évêque
Voderholzer au cours de son homélie, rappelant la carrière musicale
de Georg Ratzinger en tant que chef du chœur Domspatzen. « La
musique appartient à la liturgie elle-même »– a
poursuivi le prélat dans l’homélie de la messe de Requiem, suivie en
direct sur Facebook par plus de 300 personnes – elle n’est pas un
ingrédient extérieur. Le talent de musicien, chez le défunt, se
conjuguait naturellement avec de nombreuses qualités humaines. Cela
explique les nombreuses réactions participatives dans les
‘condoléances numériques’, qui ont été laissées sur le site web du
diocèse de Ratisbonne, où notamment de nombreux anciens chanteurs du
Domspatzen ont voulu dire au revoir à leur ancien maître.
Sur la table, près du cercueil, à côté de son portrait, avec le
calice et l’étole en souvenir de son service sacerdotal, il y a
aussi une partition musicale et un diapason, représentant sa passion
et sa carrière de « chef de chœur de la cathédrale »
(Domkapellmeister). Dans la mémoire de
l’évêque Voderholzer, il y a aussi des souvenirs de sa relation
personnelle avec Georg Ratzinger, également liée à la musique : «
Il m’a dit un jour : ‘Monseigneur, mais vous avez une voix de
jeune!’ Et il me semblait déjà que j’avais réussi l’examen d’entrée
dans le Choeur des Domspatzen ! ».
« Il a dirigé la chorale pendant trente ans – a déclaré
Christian Heiß, l’actuel Domkapellmeister de la cathédrale de
Ratisbonne – c’est une très longue période. Il exigeait toujours
le meilleur de sa chorale et savait ce qu’il voulait, mais dans tout
cela, il restait humble. Il était généreux et prenait à cœur la vie
personnelle de ses chanteurs ».
En raison des restrictions, motivées par la lutte contre la
propagation du coronavirus, le chœur des Domspatzen – dont Georg
Ratzinger a été le directeur de 1964 à 1994, ce qui leur a valu une
renommée internationale – n’a pas pu animer la messe des funérailles
de leur ancien directeur. Plus de deux cents choristes des
Domspatzen avaient cependant déjà pris congé de leur ancien
directeur dimanche dernier dans l’après-midi avec la prière des
Vêpres. L’animation musicale de la messe funéraire a donc été
confiée à un chœur de 16 Domspatzen seulement, dirigé par le chef de
chœur (Domkapellmeister) Christian Heiß et accompagné par l’orgue du
professeur Franz Josef Stoiber.
À la fin de la célébration, à laquelle ont également participé les
cardinaux Gerhard Müller et Reinhard Marx et l’évêque d’Eichstätt,
Gregor Maria Hanke, le cercueil a été transporté par le portail sud
de la cathédrale. Sur la place, le cercueil étant maintenant chargé
dans la voiture, l’évêque Voderholzer le bénit une fois de plus avec
de l’eau bénite, tandis que les cloches de la cathédrale sonnent le
dernier et dernier adieu.
Le dernier chant est un chant marial: « Segne du, Maria » («
Bénis-nous, Marie ») – le cantique préféré de Monseigneur Ratzinger
– a été chanté devant la tombe du défunt, au cimetière municipal,
dans la chapelle des Domspatzen à Ratisbonne, où reposera la
dépouille mortelle de Georg Ratzinger.
Communiquer la vie: la force cachée des frères Ratzinger
La mort de Monseigneur Georg Ratzinger était attendue, et Benoît XVI
a pu faire ses derniers adieux à son frère aîné lors d’un voyage
plein de sens en Bavière il y a deux semaines. Les deux frères
étaient très proches, et quand on revoit cette vieille vidéo, on
retrouve la même concentration, et on comprend aussi quelque chose
de plus de leur personnalité.
Celle de Georg et Joseph Ratzinger est une personnalité d’humilité
et de timidité. Ils en sont tous deux venus à diriger, et à diriger
des choses importantes, mais ils sont arrivés là grâce à leurs
compétences, et non pas parce qu’ils ont essayé de faire leur
chemin. Ce sont deux frères qui, avec leur sœur Maria tent qu’elle
st restée en vie, ont fait de leur consonance une famille partout et
en tout lieu. S’ils n’étaient pas ensemble, ils se cherchaient. Leur
regard semblait manquer quelque chose quand ils n’étaient pas
ensemble. Mais s’ils étaient ensemble, leur perspective était
complète.
Avec la mort de Georg Ratzinger, nous avons donc la perception
qu’une partie de Benoît XVI s’en va. Comme si la mort de son frère
n’était qu’un pas vers le long adieu du pape émérite, qui s’est
retiré dans la vie privée et a renoncé au munus pétrinien pour
intercéder pour l’Eglise.
Souvent, cet aspect familier de Benoît XVI a été traité comme un
fait folklorique. Aujourd’hui encore, à l’annonce de sa mort, il y a
un journal qui va jusqu’à qualifier Georg Ratzinger le gaffeur
[Il Sole 24 ore, ndt], en examinant des
situations particulières extrapolées de leurs contextes, et en
perdant de vue le point central de tout.
Mais – et c’est la plus grande leçon que les frères Ratzinger ont
donnée à la communication – leur lien est si authentique et solide
que personne ne peut se dispenser de le voir et de le raconter. Ce
qui est frappant, c’est l’authenticité de leur lien. Une
authenticité qui ne peut être ignorée par personne.
Le langage de l’authenticité des deux frères présente également une
autre particularité communicative. Tous deux timides, ils ont trouvé
la possibilité de s’exprimer dans des formes d’art qui nécessitent
profondeur et créativité: Benoît XVI avec la théologie, Georg
Ratzinger avec la musique.
Aucun d’entre eux ne voulait être au premier plan. Il y a peu de
textes systématiques de Benoît XVI, Georg Ratzinger a toujours agi
comme le plus classique des maîtres de chapelle, c’est-à-dire avec
un profil bas, mais un désir de mettre en valeur le répertoire
traditionnel.
Aucun d’entre eux n’aspirait à la carrière qu’il a faite, et tous
deux avaient déjà fait des projets pour leur retraite.
Pourtant, ils ont tous deux obtenu des résultats énormes. La mort de
Georg Ratzinger est quelque peu obscurcie par le fait qu’il était le
frère du pape émérite. La vérité est que l’hommage extraordinaire
que le diocèse de Ratisbonne lui a rendu n’aurait pas été différent
si son frère n’était pas devenu pape. Georg Ratzinger était une
véritable institution à Ratisbonne. Comme toutes les institutions,
il a su prendre du recul. Comme toutes les institutions, il était
fondamental.
Et le style de Georg Ratzinger, on le retrouve aussi chez Benoît
XVI, toujours plus soucieux de détourner l’attention de sa personne
plutôt que de l’augmenter. Benoît XVI se savait pape, mais il savait
aussi disparaître derrière l’institution, qu’il a vraiment servie,
et servie jusqu’au bout.
Benoît XVI et Georg Ratzinger étaient des leaders sans vouloir être
des leaders, et précisément parce qu’ils ne voulaient pas être des
leaders. C’est incroyable, mais on ne peut pas les penser
séparément.
Il sera étrange de penser à un Benoît XVI sans les visites
habituelles de son frère en été ou au mois de mars. Il sera
difficile de penser à un Benoît XVI en dehors de la vie quotidienne
de sa famille, dont il est désormais le seul héritier.
La mort de Georg Ratzinger nous donne un Pape émérite définitivement
seul, et pourtant jamais autant aimé, par la famille pontificale qui
vit avec lui, par des gens qui ont reconnu le geste simple et
l’amour dans le voyage pour son frère.
Avec Georg Ratzinger, un peu de Joseph Ratzinger est également mort.
Mais il reste l’exemple d’une famille qui n’a pu se construire aussi
bien que parce qu’elle est unie par la foi en Dieu. Ce n’est pas un
hasard si Joseph et Georg Ratzinger ont été ordonnés prêtres le même
jour. Et leur histoire était une parabole biblique. Car dans la
Bible, c’est toujours le frère cadet qui prend en main le destin du
peuple. Cela se passe avec Ésaü et Jacob, avec Joseph, avec David.
Avec la mort de Monseigneur Georg Ratzinger, une époque s’achève. Et
pourtant, c’est une douce transition, pleine de foi dans le
Seigneur. Benoît XVI ne se laissera pas aller au désespoir. Il
connaîtra la tristesse. Il connaîtra l’absence. Mais le point de
référence, ferme, de son frère restera toujours là.