PRÊTRE, MON AMI...
Le 16 octobre 2007 -
(E.S.M.) - La présence du prêtre parmi nous
est une grande grâce, car, pour reprendre les mots bien connus du saint
Curé d’Ars, le patron de tous les curés du monde : « Le sacerdoce, c’est
l’amour du cœur de Jésus ! » Et l’amour ne demande qu’à être aimé.
PRÊTRE, MON AMI...
Les prêtres – et les évêques ! – ont leurs défauts. Un évêque est bien placé
pour le savoir… Dans les pays d’Occident, le principal défaut est, dans le
chef d’une minorité, d’ordre intellectuel. Mal préparés, peut-être, au temps
du séminaire, à affronter avec esprit critique les grands courants de
pensée, mais aussi les slogans faciles de notre époque, ils ont, souvent de
bonne foi, ratifié une lecture très sélective et fort superficielle des
textes du Concile Vatican II. D’où les approximations, voire les erreurs
doctrinales, les désaccords irresponsables avec l’enseignement moral de l’Église,
les bricolages bénins ou parfois graves sur le plan liturgique, les entorses
lourdes de conséquences à la discipline sacramentelle.
Les dérapages d’ordre moral sont moins nombreux qu’on ne le dit. Parfois
fleurit dans la presse telle ou telle déclaration prétendument statistique,
mais ne reposant sur aucune enquête scientifique, selon laquelle 30%
seraient alcooliques, 20% pratiquants homosexuels, 15% concubins discrets,
10% psychopathes légers, 5% pédophiles, etc. Je cite de mémoire des chiffres
rocambolesques parfois entendus. Ils n’ont d’autre fondement assuré que
l’imagination de ceux qui les avancent. Certes, dans chaque diocèse, il y a
un certain nombre de prêtres qui ont des problèmes d’alcool, qui mènent une
vie affective ambiguë ou qui connaissent des moments de déséquilibre
psychique. L’évêque connaît une partie de ces situations et essaie de les
gérer du mieux qu’il peut avec les intéressés et l’aide de personnes
compétentes. D’autres, par définition, lui restent probablement inconnues ou
ne lui reviennent que sous la forme de rumeurs souvent incontrôlables, mais
qu’il cherche quand même à vérifier ou à infirmer. Pour avoir rencontré
personnellement et avoir vu vivre sur le terrain tous les prêtres de mon
diocèse et la plupart de ceux qui œuvrent en dehors du diocèse, je pense
pouvoir dire que le type de chiffres avancés ci-dessus est hautement
fantaisiste. Et, de toute manière, si dérapages il y a, ils sont
proportionnellement moins nombreux que dans le reste de la population, ce
qui est d’ailleurs on ne peut plus logique, étant donné les procédures
exigeantes de recrutement et de sélection.
Les fidèles ont, en général, une attitude très juste à l’égard de leurs
prêtres. Il y a, bien sûr, les pisse-vinaigre qui, à la moindre incartade,
réelle ou supposée, de leur curé, envoient une lettre, parfois anonyme, un
courriel vengeur, voire une pétition, pour dénoncer leur pasteur auprès de
l’évêque. Il faut alors faire la part des choses et, souvent, prendre la
défense du curé qui n’a fait que son devoir, fût-ce, à l’occasion, un peu
maladroitement. Mais, le plus souvent, les gens ont un jugement juste
concernant leurs pasteurs. Ils leur passent volontiers quelque dérapage
occasionnel ou inoffensif : un verre de trop lors d’une fête, un
comportement un peu léger en telle circonstance, un retard lors d’un office,
etc. Les seuls cas où les fidèles se montrent impitoyables, c’est lorsqu’ils
sont confrontés à des abus sexuels caractérisés sur des personnes fragiles,
à un autoritarisme arbitraire ou à l’avarice, à l’appât du gain de la part
de leur prêtre. Dans ces cas surtout, leur attitude les désole profondément.
Mais, heureusement, elle est rare.
En effet, ce qui me semble caractériser globalement les prêtres de ce temps,
quelles que soient leurs orientations doctrinales et leurs sensibilités
liturgiques ou autres, c’est leur générosité foncière, leur
désintéressement, leur dévouement à leur peuple. Oui, beaucoup de gens
considèrent leur pasteur comme un ami sur lequel ils peuvent compter. Je
suis d’ailleurs toujours dans l’admiration quand je vois comment les curés
et vicaires de mon diocèse connaissent leurs gens, sont au courant des joies
et peines de leur vie et les partagent fraternellement avec eux. Ils sont
près de leur peuple. Il est d’ailleurs symptomatique que les critiques
viennent rarement des paroissiens réguliers, mais plutôt des paroissiens
irréguliers ou de chrétiens étrangers à la paroisse. Plus les gens sont
étrangers à une paroisse, plus ils sont exigeants, parfois à la limite de la
bienséance, à l’égard de prêtres qu’ils traitent comme des valets. Mais ceux
qui vivent de l’intérieur la vie de l’Église savent, eux, qu’ils peuvent
compter sur la disponibilité sans faille de leur pasteur.
Quand un prêtre change de paroisse ou de mission, quand il célèbre un
anniversaire marquant de naissance, d’ordination ou de présence dans la
paroisse ou dans un autre lieu d’apostolat, il est touchant de voir avec
quel empressement, quelle délicatesse, ses gens le fêtent et parfois même
tiennent à mettre l’évêque dans le coup d’une manière ou d’une autre. Tout
cela est très beau.
Et quand un prêtre meurt à la tâche, c’est avec beaucoup d’émotion que ses
gens lui disent leur « adieu » et leur reconnaissance pour la manière dont
il a usé sa vie à leur service. La gratitude est peut-être même encore plus
grande aujourd’hui qu’en d’autres temps, car les fidèles savent que la vie
du prêtre n’est pas facile dans un monde sécularisé, déchristianisé où il
lui faut souvent ramer à contre-courant.
Je suis moi-même très reconnaissant à l’égard de mes amis les prêtres. Je
suis d’abord l’un d’eux, issu du même diocèse. Je les connais tous et ils me
connaissent. Même quand ils ne partagent pas certaines de mes convictions,
voire même s’y opposent, leur courtoisie, leur délicatesse fraternelle à mon
égard me touchent. Car si le prêtre est souvent l’ami de ses paroissiens, il
trouve aussi beaucoup d’amitié chez ses confrères. Nous formons vraiment, au
meilleur sens du terme, une confrérie. Certes, il y a aussi des rivalités et
des tensions, parfois douloureuses, entre certains prêtres. Cela fait mal,
même si c’est humainement prévisible. Un vieux dicton courait jadis, en
latin, dans le clergé : "Homo homini lupus ; sacerdos sacerdoti lupior ;
femina feminae lupissima !" En français : « L’homme est un loup pour
l’homme ; le prêtre est plus loup encore pour le prêtre ; et la femme est
‘lupissime’ à l’égard de sa semblable ! » C’est dit avec humour, mais
recouvre occasionnellement la réalité… Mais, dans l’ensemble, quelle
solidarité et quelle amitié entre prêtres ! Je puis d’ailleurs attester
moi-même que, depuis plus de 40 ans d’ordination, c’est avec des prêtres que
j’ai noué les amitiés les plus fidèles et auprès d’eux que j’ai trouvé le
soutien le plus précieux.
Nous gagnerions beaucoup dans l’Église à moins critiquer nos prêtres de leur
vivant (car, après leur mort, ils n’ont plus, de toute façon, que des
qualités !) et à les soutenir et encourager amicalement. Ils ont fait
librement le choix de répondre à l’appel du Seigneur. Ils ont engagé dans
leur vocation tout leur être, leur intelligence, leur volonté, leur cœur,
leur affectivité et leur corps, dans le célibat généreusement assumé pour
l’amour du Seigneur et le service de son peuple. Ils vivent à la fois une
certaine solitude liée à leur célibat (mais avec le Seigneur et l’amitié de
leurs gens) et un trop-plein parfois d’activités, de responsabilités et de
contacts. Ils ont donc plus besoin, comme chacun, de bienveillance que de
coups de bâton.
J’écris ces lignes dans un ermitage de « Maison Notre-Dame » (« Madonna
House » en anglais), cette communauté d’hommes et de femmes consacrés,
de prêtres aussi, née au Canada anglais sous l’impulsion de Catherine de
Hueck Doherty, une Russe convertie au catholicisme dont beaucoup connaissent
l’ouvrage sur la vie au désert : "Poustinia ou le désert au cœur des villes"
(Paris, Éd. du Cerf, 1976). J’ai sous les yeux sa "Lettre d’amour
aux prêtres" (Ourscamp, Éd. du Serviteur, 1990).
Un beau titre en vérité ! Elle y dit des choses splendides, notamment sur
l’amour à l’égard des prêtres.
Quand un prêtre meurt, quand une paroisse se retrouve sans prêtre résident
(car il y a toujours un autre prêtre qui aura en charge la paroisse), les
fidèles (et les autres aussi souvent) mesurent le trésor que représente la
présence d’un pasteur parmi eux. N’attendons pas ce moment pour mesurer
notre bonheur. La présence du prêtre parmi nous est une grande grâce, car,
pour reprendre les mots bien connus du saint Curé d’Ars, Jean-Marie Vianney,
le patron de tous les curés du monde : « Le sacerdoce, c’est l’amour du cœur
de Jésus ! » Et l’amour ne demande qu’à être aimé. Avec cela, tout est dit.
Mgr A.-M. LEONARD,
Évêque de Namur.
(tiré de Henry Haas et Mgr
Léonard : "Catholique... que du bonheur!", Paris, Sarment, 2007, pp. 43-48)
Sources: Diocése
de Namur
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un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 16.10.2007 - BENOÎT XVI
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