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Lettre de Mgr Nicolas Brouwet :
Le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels
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Le 15 octobre 2012 -
(E.S.M.)
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Un projet de loi sera déposé pour autoriser le mariage des
personnes homosexuelles et l'adoption d'enfants par des couples de
même sexe. Mgr Nicolas Brouwet, Evêque de Tarbes et Lourdes nous
livre quelques réflexions à ce sujet.
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Mgr Nicolas Brouwet,
Evêque de Tarbes et Lourdes
Lettre de Mgr Nicolas Brouwet, Evêque de Tarbes et Lourdes
Le mariage et l'adoption pour les couples homosexuels
Le 15 octobre 2012 - E.
S. M. -
Dans quelques mois un projet de loi sera déposé pour autoriser le mariage
des personnes homosexuelles et l'adoption d'enfants par des couples de même
sexe. J'aimerais vous livrer, comme pasteur du diocèse de Tarbes et Lourdes,
quelques réflexions à ce sujet.
Avouons tout d'abord que les réalités dont nous sommes les plus certains
sont les plus difficiles à justifier. Elles sont tellement évidentes qu'on
n'a jamais pris le temps d'y réfléchir. Qu'un mariage concerne un homme et
une femme, que des enfants aient besoin d'un père et d'une mère pour être
éduqués nous semble tellement naturel qu'on peine à trouver des arguments
pour les expliquer. Ce projet de loi est donc une occasion, pour l'Eglise et
pour la société, d'aller plus loin et d'approfondir nos connaissances et nos
convictions sur le mariage.
Une absence de débat
Or, sur cette question, il me semble qu'en France le débat n'a pas lieu.
Toute prise de parole qui met en doute la légitimité du mariage entre
personnes de même sexe est considérée comme une marque d'homophobie. Comment
en est-on arrivé là ? Pourquoi la discussion, lorsqu'elle commence,
s'oriente-t-elle immédiatement sur les convictions homophobes ou homophiles
des interlocuteurs ? Comme si ceux qui ne soutiennent pas ouvertement les
comportements homosexuels n'avaient plus droit à la parole. Avons-nous donc
perdu à ce point le sens de la délibération, du dialogue, de la
confrontation pour que soit suspectée la possibilité même de chercher ce qui
nous semble juste, bon, porteur d'avenir pour les individus et pour la
société ? Il serait à l'honneur de notre démocratie qu'il puisse y avoir un
véritable débat - et un débat public - sur ces questions.
Dans les conversations qui ont lieu actuellement dans les familles, entre
amis ou entre collègues sur le sujet, un argument vient très vite suspendre
la réflexion : certains connaissent des couples homosexuels et s'entendent
bien avec eux ; certains connaissent aussi des jeunes élevés par un couple
homosexuel et qui assument très bien une telle éducation. Souvent la
conversation tourne court après de tels témoignages. Disons-le dès
maintenant : dans le débat qui nous occupe, la question n'est pas de
s'interroger sur ce que nous éprouvons face aux personnes homosexuelles ;
elles sont respectables et doivent être respectées quoi que nous pensions de
l'homosexualité. De ce point de vue un progrès a été fait au cours de ces
dernières années pour faire cesser des attitudes et des paroles extrêmement
blessantes à leur égard.
La question n'est pas non plus de nier que des enfants aient pu trouver leur
équilibre personnel après avoir été élevés par des personnes de même sexe.
On parle suffisamment du phénomène de résilience - c'est-à-dire de la
capacité qu'a chacun à trouver son équilibre malgré les obstacles-pour
comprendre que l'argument ne justifie pas à lui seul le vote d'une loi
autorisant l'adoption des enfants par des personnes homosexuelles.
Ce n'est pas, par exemple, parce que des enfants ont été élevés par une mère
seule, et qu'ils ont trouvé leur équilibre, qu'il faut recommander et
institutionnaliser cette situation...
Tant que le débat se fera dans ces termes nous ne serons que dans les bons
sentiments. On reproche parfois à l'Eglise son moralisme. Mais le
sentimentalisme diffus dans lequel la question du « mariage pour tous » est
traitée par bien des média ne fait pas honneur à la raison humaine : il ne
suffit pas d'additionner des témoignages émouvants, souvent, d'ailleurs, en
faveur exclusive des couples homosexuels, pour faire mûrir une réflexion en
profondeur.
"Le mariage engage un homme et une femme qui
s'aiment "
Il semble y avoir assez peu de travaux de juristes, de psychologues, d'éducateurs
ou d'historiens sur la question du mariage des homosexuels et de
l'adoption d'enfants par des couples de même sexe. Des professionnels sans
parti pris parleront-ils ? En ont-ils même la liberté ? Accepteront-ils
aussi de parler et d'écrire dans des revues scientifiques, même s'ils vont à
contre-courant du discours médiatique ? Y aura-t-il une place faite pour des
témoignages contradictoires ou la parole ne sera-t-elle donnée qu'à ceux qui
militent pour ce projet de loi ?
Et dans nos familles ?
Pour certains d'entre vous ces questions doivent sembler bien théoriques.
D'autres estiment peut-être qu'elles ne les concernent pas. Après tout,
pensez-vous, si des personnes homosexuelles veulent se marier ou avoir des
enfants, pourquoi devrait-on le leur interdire ? Ces questions sont en effet
théoriques jusqu'au jour où votre fils, votre petite-fille, votre frère ou
une de vos amies vous révélera qu'il (ou elle) va vivre avec une personne de
même sexe. On se rend compte alors que la décision est prise ; chacun essaye
alors d'ajuster son comportement comme il le peut. On accueille le couple
pour un repas, pour une fête, ou pour des vacances. Mais souvent, quel
malaise ! On ne sait pas quoi dire aux enfants ou aux jeunes de nos familles
présents à cet événement. Soit on se tait en pensant que la tolérance
justifie son silence. Soit on tente de se lancer dans des explications mais
elles sont souvent confuses et insatisfaisantes. C'est précisément pour cela
que je vous écris. Pour que nous osions faire face à ce malaise et à cette
confusion.
Quelle est la question posée par le projet de loi sur le mariage et
l'adoption pour les personnes homosexuelles ?
C'est celle du mariage et de la famille qui, lorsqu'ils constituent un foyer
aimant, sont des fondements de notre vie sociale.
Le mariage comme réalité sociale
Le mariage engage un homme et une femme qui s'aiment. C'est-à-dire deux
personnes possédant la même humanité, deux personnes totalement égales en
dignité, mais dissemblables parce qu'elles sont de sexe différent. Chacune
a sa manière de vivre son humanité : un homme ne pourra jamais comprendre
totalement ce qu'est la féminité. Une femme ne pourra jamais saisir
parfaitement la version masculine de l'humanité. Ce qui fonde notre vie
sociale, c'est l'acceptation de ne pas pouvoir être l'humanité à soi tout
seul ; c'est l'acceptation de cette différence sexuelle fondamentale qui
fait que je ne peux prétendre me suffire à moi-même. Comme homme, j'ai
besoin de la femme ; comme femme, j'ai besoin de l'homme. Il y aura toujours
une part de mystère de l'humanité qui me sera inaccessible sauf si j'accepte
de le recevoir du sexe opposé au mien.
Le consentement à cette différence sexuelle incontournable - chacun de nous
naît homme ou femme et il naît aussi d'un homme et d'une femme - fonde le
consentement à toutes les différences auxquelles je suis confronté dans mon
existence. Accepterai-je ou non celui qui est différent de moi ? Parce qu'il
vient d'une autre culture, parce qu'il est moins riche, parce qu'il est d'un
tempérament plus vif, parce qu'il est plus doué ?... Cette différence
sera-t-elle pour moi un enrichissement ou la vivrai-je comme une remise en
cause insupportable de ce que je suis ?
Le mariage, dans lequel s'exprime un amour vivant et libre, est l'ouverture
de l'homme et de la femme à ce monde-là. A un monde où j'accepte de ne pas
être une totalité à moi tout seul pour construire, avec une personne de sexe
différent, une société plurielle.
L'éducation des enfants dans la différence sexuelle
De ce mariage naissent des enfants. Pour qu'un enfant vienne au monde, il
faut un homme et une femme. La fécondité biologique repose sur l'altérité
sexuelle. La technologie actuelle peut évidemment cacher cette réalité, en
inséminant une femme seule par exemple ; mais elle ne pourra jamais la
contredire. Et si un enfant naît d'un homme et d'une femme, c'est parce
qu'il a besoin de son père et de sa mère - un père et une mère qui s'aiment
- pour s'ouvrir à cette différence sexuelle radicale, la comprendre et
l'assumer. La famille est un lieu d'éducation à la vie sociale : on y vit
avec des personnes de sexes différents, d'âges différents, de caractères
différents. On y apprend à cohabiter, à faire ensemble des projets, à
dialoguer, à se pardonner, à se connaître et à prendre soin de l'autre. Tout
cela se fait dans le climat d'une différence sexuelle acceptée et vécue par
le couple parental.
C'est pourquoi le mariage et la famille sont fondateurs pour notre vie en
société. Parce que la famille a pour tâche d'éduquer au vivre ensemble ; et
qu'elle repose sur un lien conjugal qui est un véritable projet social. En
effet, le mariage n'est pas seulement la reconnaissance publique d'un
sentiment de tendresse qui unit les époux : il est un engagement dans la
durée à fonder un foyer et à élever des enfants pour construire, avec
d'autres familles, la communauté politique à laquelle on appartient. Une
société n'a d'avenir que si des familles stables regardent au-delà
d'elles-mêmes, prennent leurs responsabilités dans la construction du monde,
assurent le renouvellement des générations et éduquent à la vie sociale.
Le rôle de l'Etat
La famille est donc la première communauté dans laquelle l'individu est
inclus de manière naturelle, c'est à dire sans qu'il le cherche : la
personne humaine appartient de fait à une famille. C'est pourquoi la
personne humaine et la famille ne tirent pas leur identité et leur
légitimité de l'Etat. L'Etat est postérieur au mariage et à la famille,
comme il est postérieur à la personne humaine. Voilà pourquoi il
n'appartient pas à l'Etat, me semble-t-il, de définir ce que doivent être le
mariage et la famille. Au contraire, il est à leur service. Il peut, certes,
donner des droits à des personnes désirant vivre ensemble. Mais le pouvoir
politique ne peut toucher
à ces réalités fondamentales que sont le mariage et la famille sans abuser
gravement de ses prérogatives. Il a en effet pour fonction d'assurer le
vivre ensemble, pas de définir ou de redéfinir les catégories les plus
élémentaires de la personne et de la société.
"par son projet de loi, le pouvoir politique se
propose de changer en profondeur la définition du mariage"
Or par son projet de loi, le pouvoir politique se propose de changer en
profondeur la définition du mariage. Il le réduit à un pacte privé entre
deux personnes qui s'aiment sans s'interroger sur ce que ce changement va
induire à la fois pour le renouvellement des générations dans l'ordre social
et pour l'accueil de la différence sexuelle dans l'ordre symbolique. Certes
il faut qu'il y ait de l'amour. Et cet amour est indispensable pour éduquer
des enfants. Les personnes homosexuelles qui demandent le mariage sont
capables d'un amour profond, généreux, sincère. Mais il faut aussi, pour
fonder une famille et contribuer à la vie sociale, accepter de se confronter
à la réalité, celle de la différence entre l'homme et la femme.
Affirmer que l'interdiction actuelle du mariage pour les personnes
homosexuelles est une injustice qui leur est faite est une échappatoire. Le
mariage concerne un homme et une femme. Dans toutes les civilisations et au
cours de toute l'histoire. Jamais une culture n'a proposé un mariage entre
deux personnes de même sexe. Les personnes homosexuelles ne sont donc pas
concernées par le mariage. Elles font le choix de vivre autre chose. Mais si
l'on change la définition du mariage en prétendant qu'il concerne deux
personnes indépendamment de leur sexe, alors on en fait une injustice. Mais
jusqu'où ira-t-on ?
Certains réclament déjà un mariage à plusieurs. Sur quel critère va reposer
la nouvelle définition du mariage?
Apparemment sur l'arbitraire du pouvoir politique. C'est cela qui est grave.
L'Etat doit-il donner une reconnaissance institutionnelle à toutes les
formes d'association, à toutes les formes de vie commune ?
La question de l'adoption
Une autre dérive me semble dangereuse dans ce projet de loi : c'est l'idée
que l'on semble se faire de l'adoption. L'adoption a été rendue possible
pour venir en aide à des enfants privés de leurs parents. On leur donnait
ainsi une famille pour qu'ils puissent y trouver une affection, une
éducation, un confort bien supérieurs à ce qu'ils pourraient trouver dans un
orphelinat, par exemple, ou en étant laissés à eux-mêmes dans la rue.
Beaucoup de couples ont ainsi accueilli un ou plusieurs enfants en plus des
leurs. Certes, des couples atteints par la stérilité ont trouvé là un moyen
de fonder une famille, ce qu'ils n'auraient pas pu faire autrement.
Disponibles, généreux, désireux d'éduquer des enfants, ils se sont ouverts
à l'adoption pour faire face à une situation imprévue, inattendue. Dans le
projet de loi qui sera proposé, l'adoption ne sera plus d'abord un moyen
d'aider des enfants mais une manière d'institutionnaliser un droit à
l'enfant, ce qui est radicalement différent. Et contraire au respect de la
personne qui n'est jamais un moyen pour satisfaire un désir, aussi fort
soit-il.
Par ailleurs, comment organisera-t-on alors la répartition des enfants en
attente de famille ? Quels seront les enfants qui auront droit à des parents
de sexe différents et quels seront ceux qui seront confiés à un couple
homosexuel ? Quelle justice peut-on garantir à ces enfants adoptés ?
L'homosexualité ne définit pas une identité
L'homosexualité ne constitue pas une identité ; on ne définit pas quelqu'un
par ses désirs sexuels. On est homme ou femme et la société ne peut
fonctionner que dans la reconnaissance de cette altérité et dans l'acceptation
par chacun de son être sexué. A travers la « théorie du genre », on enseigne
aujourd'hui aux jeunes de nos collèges et de nos lycées qu'ils sont
déterminés dès leur naissance par une orientation sexuelle ; il serait utile
de leur dire que l'attrait souvent passager pour quelqu'un du même sexe à
l'adolescence - attrait qui va parfois jusqu'à une expérience sexuelle - ne
constitue pas une orientation sexuelle et encore moins une identité.
Prétendre le contraire c'est les tromper et les désespérer. La tâche des
parents et des éducateurs n'est pas d'enfermer les jeunes mais de les rendre
à eux-mêmes en leur faisant découvrir leur vocation, une vocation à bâtir le
monde présent avec leurs richesses, leurs talents, leurs compétences
personnelles.
Le projet de loi est-il un progrès ?
On dit que ceux qui sont opposés au projet de loi sur le mariage des
personnes du même sexe vont contre le progrès. Toute la question est là :
s'agit-il d'un progrès ou d'une régression ? Ce n'est pas parce qu'un projet
est nouveau qu'il constitue forcément un progrès. Débattre, réfléchir,
rechercher ensemble, c'est précisément s'interroger pour savoir si une idée
nouvelle est une mode passagère ou un véritable pas en avant pour la
personne et pour la société.
Ce débat aura-t-il lieu ?
Un évêque n'est pas un homme politique et c'est très bien ainsi. Mais il
doit assumer les responsabilités qui lui ont été confiées. Et, dans la
société actuelle, il peut contribuer à la réflexion surtout quand les enjeux
sont aussi importants. N'ayons pas peur de parler et de chercher ensemble ce
qui est vrai et juste pour chacun de nous et pour notre société.
Le 1er octobre 2012
+ Nicolas Brouwet
Evêque de Tarbes et Lourdes
Sources : + Nicolas Brouwet
Evêque de Tarbes et Lourdes
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 15.10.2012 - T/Eglise
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