Au souhait de Benoît XVI, le
sort des enfants qui meurent sans baptême
Le 14 septembre 2007 -
(E.S.M.) - À la demande de Benoît XVI, la
Commission théologique internationale (CTI) a publié, il y a peu, un
document intitulé L’espérance de Salut pour les enfants qui meurent sans
baptême. Explication à partir d’une traduction en français non
officielle réalisée par M. l'abbé Christian Gouyaud.
Léonard Limosin,
Descente aux Limbes, 1534 -
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Au souhait de Benoît XVI, le sort des enfants qui meurent sans baptême
L’espoir de salut pour les enfants morts sans être
baptisés
À la demande de Benoît XVI, la Commission théologique internationale (CTI) a
publié un document intitulé L’espérance de Salut pour les enfants qui
meurent sans baptême. Sans écarter totalement le concept de limbes où
iraient les petits enfants morts sans avoir été baptisés, il affirme qu’il
est le reflet d’une « vision restrictive excessive du
Salut ». Explication à partir d’une traduction en français non
officielle réalisée par nos soins (le texte de la CTI n’est actuellement
disponible qu’en
Anglais et
Italien).
Le 20 avril 2007, la Commission théologique internationale (CTI) a publié un
document intitulé L’espérance du salut pour les enfants qui meurent sans
baptême. Statutairement, la CTI a pour tâche « d’étudier les questions
doctrinales importantes, surtout celles qui revêtent un aspect nouveau, et
d’apporter une assistance au Magistère de l’Église, tout particulièrement à
la Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi, auprès de laquelle elle a
été fondée ». Le service rendu par la CTI à la Congrégation pour la Doctrine
de la foi illustre l’importance de la recherche théologique pour le
Magistère et le caractère fructueux de la collaboration entre les
théologiens et les organes magistériels. Au stade de la publication d’un
document par la CTI, l’autorité de l’Église, il est bon de le rappeler,
n’est absolument pas engagée. Les textes de la CTI peuvent faire l’objet
d’appréciations diverses de la part du public et ne pas être assumés par le
Magistère.
Le document sur le sort de ces enfants morts aborde une question disputée,
c’est-à-dire qui fait l’objet d’un débat ouvert, le Magistère n’y ayant pas
pris une position déterminée. Ces questions disputées sont très stimulantes
pour la théologie, moins du reste pour le problème qui est discuté ou
disputé que pour la mise en œuvre d’un certain nombre de principes. La
grande scolastique raffolait de ces questions disputées, qui permettent
aussi de distinguer soigneusement, d’un point de vue épistémologique, le
niveau d’autorité corrélatif au niveau d’engagement magistériel entre des
propositions. En fin de compte, la question disputée permet de joindre la
vérité concernant les choses nécessaires à la liberté à l’égard des matières
contingentes. On ne peut qu’être surpris, à ce propos, de la réaction
suscitée par ce document en certains milieux, familiers pourtant de saint
Thomas, qui sollicitent une intervention magistérielle pour clore la
discussion. Le jour où il n’y aura plus de question disputée et où le
magistère ne procédera plus que par mode définitoire, la théologie – ainsi
que la liberté afférente – cessera ! Bien qu’il s’agisse d’une question
disputée, l’enjeu pastoral est crucial : l’angoisse de parents, déjà frappés
par le deuil, quant au salut (hypothétique) de leurs enfants. La réflexion
au sujet du sort de ces enfants, loin d’être un jeu futile de théologiens en
chambre, est motivée par la compassion à l’égard de ces parents et de ces
enfants.
Le magistère a déjà réglé, si l’on peut dire, le cas des adultes morts sans
baptême en distinguant le baptême sacramentel (par l’eau) du baptême des
martyrs (par le sang) et du baptême de désir explicite des catéchumènes,
martyrs et catéchumènes morts avant leur immersion baptismale. L’Église
admet aussi une ordination salutaire à l’Église, par un vœu implicite et
inconscient, des adultes qui, ignorant pour des raisons soit objectives (ils
n’en ont jamais entendu parler) soit subjectives (cela ne s’impose pas à
eux) – donc de façon non coupable – que le Christ est l’unique médiateur
dans l’ordre du salut, suivent cependant la loi morale naturelle inscrite en
leur cœur pour autant que leur conscience la leur fait percevoir : ceux-là
peuvent être touchés par la grâce du Christ. Reste la situation de ces
enfants, qui participent au péché d’Adam mais qui n’ont pas commis de péché
personnel ni pu émettre l’acte de désir implicite que l’on vient d’évoquer.
L’état de la question
Le document de la CTI dresse d’abord un « état de la question » où l’on
dégage, à partir de l’histoire, les types fondamentaux de solutions à ce
problème :
1) La patristique grecque, assez éloignée de l’idée d’une faute héréditaire
de nature (le péché originel) et de celle d’une localisation d’une fin
dernière (comme le purgatoire latin : les Grecs préfèrent parler d’un « état
») traite peu de notre problème, sauf Grégoire de Nysse qui met en valeur la
rétribution des mérites personnels, émet l’hypothèse d’une certaine forme de
félicité naturelle et adopte surtout une attitude apophatique, c’est-à-dire
de reconnaissance de notre nescience face au mystère de Dieu.
2) La tradition augustinienne, sur la base des controverses de l’évêque
d’Hippone avec les pélagiens, « met » plutôt ces enfants en enfer, tout en
concédant qu’ils n’y subissent que la plus douce des peines.
3) La scolastique médiévale est encline à concevoir une troisième issue que
seraient les fameux limbes, « bordure de la région inférieure [de l’enfer]
», lieu de repos où ces enfants, privés d’une béatitude surnaturelle qu’ils
ne soupçonnent du reste pas, jouissent d’un bonheur naturel qui leur est
proportionné.
4) Pendant la période moderne et post-tridentine, contre les jansénistes,
les papes affirment le droit d’enseigner soit la position augustinienne
susdite (Paul III, Benoît XIV, Clément XIII), soit la punition de la peine
du dam (la privation de Dieu) à l’exclusion de la peine du sens (le « feu »)
(Pie VI), ou condamnent qu’on ne puisse soutenir la théorie des limbes
(bulle Auctorem fidei).
5) Si les Pères de Vatican I avaient prévu de définir – mais ne le purent en
raison de la fin prématurée de ce concile – la position médiane
correspondante aux limbes, Vatican II s’abstient de s’engager dans cette
voie, d’autant plus que prévaut dans les esprits la thèse du Père de Lubac
du refus d’une destinée naturelle concrète. La constitution pastorale
Gaudium et
Spes tient, avec toutes les précautions requises, que, « par son
Incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni lui-même à tout
homme » et que « l’Esprit-Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît,
la possibilité d’être associé au mystère pascal » (n. 22). Ces passages
intéressent notre sujet en ce qu’ils affirment l’universalité de la
médiation salvatrice du Christ et en ce qu’ils renvoient au mystère du
dessein divin en réponse à la question du « comment ».
Distinguer foi et opinions
D’un point de vue herméneutique, le document de la CTI distingue
soigneusement ce qui appartient à la foi, ce qui peut être considéré comme
doctrine commune et ce qui relève d’opinions théologiques.
1) A la première catégorie (la foi), il faut rattacher la condamnation du
pélagianisme qui accorde de plein droit et avec certitude à ces enfants la
vision béatifique, l’affirmation que la peine du péché originel est la
privation de cette vision (ce qui n’implique pas nécessairement que ces
enfants soient privés de la grâce et de la vision béatifique), l’assignation
des âmes au ciel ou à l’enfer dès le jugement particulier concomitant à la
mort (ce qui, encore, n’implique pas nécessairement que ces enfants meurent
avec le péché originel), la nécessité du baptême comme moyen pour recevoir
la grâce de la vision béatifique (ce qui n’implique pas l’absoluité de cette
nécessité).
2) Dans la seconde catégorie (doctrine commune), il faut mettre
l’affirmation de la privation de la vision béatifique pour ces enfants.
3) Dans la troisième catégorie (opinions théologiques), on trouve,
concernant notre propos, soit négativement pour ces enfants l’exclusion de
la peine du sens, soit positivement l’accès à une béatitude naturelle
correspondante aux « limbes ». Il faut savoir gré à la CTI, en discernant
entre ces différents niveaux, d’éviter la surévaluation d’opinions
théologiques et la promotion de la doctrine dite « classique » en vérité de
foi !
Les principes théologiques
La CTI recense ensuite, et met en ordre, les principes théologiques dont il
faudra tenir compte alors même qu’on tentera d’élargir la perspective
restrictive de la doctrine commune susdite :
1) L’universalité de la volonté salvifique de Dieu (cf. 1 Tm 2, 3-6),
universalité dont personne, et surtout pas les petits, n’est exclu. Le
document prend soin, à la suite de la Déclaration
Dominus Jesus, de ne pas
opposer ce dessein universel divin à la médiation, supposée particulière par
certains théologiens des religions, du Christ, médiation elle-même
indissociable de l’action de l’Esprit et du rôle de l’Église, laquelle, à
titre d’instrument, est requise pour que tout homme, même en lien seulement
mystérieux avec l’institution ecclésiale, soit touché par la grâce du salut.
2) L’universalité du péché, qui place tout homme en situation de besoin
vital à l’égard de la rédemption, laquelle s’offre toujours à lui comme un
don gratuit.
3) La nécessité du baptême sacramentel, dont l’effet peut être aussi obtenu
par le baptême de sang ou celui de désir explicite, nécessité qui n’est pas
absolue au sens où Dieu serait lié par les sacrements au point de ne pas
pouvoir produire leur effet (la grâce) sans ces moyens qu’il a institués. Il
est parfaitement faux d’affirmer, comme on peut l’entendre ici ou là que,
depuis le
Le Catéchisme de l’Église Catholique, le baptême serait plus sûr mais
pas nécessaire (cf. CEC 1257). Si la nécessité du baptême ne relève pas
seulement d’une « nécessité de précepte » (dont on pourrait se dispenser, à
la manière d’une loi positive, en cas d’inconvénient) mais bien d’une «
nécessité de moyen », cette dernière nécessité n’est pas « intrinsèque » (ce
qui, en soi, de par sa nature propre, ne peut pas ne pas être utilisé pour
parvenir à une fin) mais « par institution divine » (Dieu, auteur des
sacrements, peut prodiguer sa grâce autrement que par les sacrements). Par
contre, il nous semble que la CTI fait un peu trop l’impasse sur les motifs
de l’insistance de l’Église quant à l’importance du baptême des petits
enfants.
La CTI s’enquiert enfin des raisons d’espérer que ces enfants jouissent de
la vision béatifique. Cette partie comporte, à notre avis, une faiblesse :
le Magistère manifesterait aujourd’hui « une ouverture croissante envers la
possibilité du salut des enfants non baptisés » en se fondant sur le « sens
des fidèles » qui s’est « développé dans le même sens » (n. 78). Si le
sensus fidelium peut être effectivement considéré comme un « lieu
théologique », il convient de ne pas le confondre avec l’opinion courante de
nos jours selon laquelle « on ira tous au paradis » – ce qui règle
effectivement la question du salut des enfants morts sans baptême ! On
regrette aussi que le document exhume la théorie, qui nous semble sujette à
caution, d’un vœu de baptême des parents ou de l’Église pour ces enfants :
du vœu explicite des catéchumènes, en passant au vœu implicite de ceux qui,
ignorant le Christ et l’Église, observent la loi naturelle, on aboutirait au
vœu d’un autre (les parents) !
Les motifs d’espérance
Au nombre des motifs particulièrement profonds d’espérer en la consécution
du Royaume pour ces enfants plutôt que de spéculer sur des limbes, la CTI
pointe avec pertinence les éléments suivants :
1) « La primauté du Christ et de sa grâce, qui l’emporte clairement sur Adam
et le péché » (n. 7). Il est vrai que la doctrine commune sur la peine de
ces enfants et l’option théologique sur les limbes – où « il n’est pas clair
de savoir si les âmes qui y sont ont une relation quelconque au Christ » (n.
90) – mettent « l’accent plus sur la solidarité avec Adam que sur celle avec
le Christ » (n. 91).
2) L’espérance en la miséricorde de Dieu est exprimée par le suffrage des
vivants pour (tous) les défunts (notons à ce propos que le nouveau missel
comporte une messe pour ces enfants) (nn. 68-69 ; 100). Espérance fondée sur
des raisons sérieuses et non certitude (comme dans le cas du baptême
sacramentel) car le mode d’agir de Dieu en dehors de l’économie
sacramentelle ne fait pas l’objet d’une révélation.
Pages d'archives :
La Commission
théologique internationale soutient que l'idée des limbes "peut être
abandonnée". Dans un sens analogue s'était exprimé il y a plus de 20 ans le
pape Benoît XVI, alors card. Ratzinger: º
Le pape compte rejeter le concept des limbes
Le Pape Benoît XVI a invité les
théologiens à étudier le « sort des enfants morts sans baptême » : c’est la
question des "limbes": (page
assez complète) º
Benoît XVI et le destin des enfants morts sans le baptême
LES LIMBES: CE QU'EN PENSE L'EGLISE
:
La problématique des limbes comme l'écrivait
Benoît XVI
Sources:
www.vatican.va/20.04.07 -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.09.2007 - BENOÎT XVI -
Théologie