Müller écrit à Duka : Fernandez va contre la doctrine
catholique, et avec lui, il y a le pape
Le 13 octobre 2023 -
E.S.M.
-
Dans la lettre ouverte à son ami le cardinal
Dominik Duka publiée aujourd’hui en exclusivité par
Settimo Cielo, le cardinal Gerhard Ludwig Müller
critique sèchement la réponse fournie le 25 septembre
dernier par le cardinal Victor Manuel Fernández, le
nouveau Préfet du Dicastère pour la Doctrine de la foi,
à une série de questions du cardinal Duka sur la
communion eucharistique aux divorcés remariés.
Cardinal Müller -
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(Exclusif) Müller écrit à Duka : Fernandez va contre la doctrine
catholique, et avec lui, il y a le pape
Le 13 octobre 2023 -
E.S.M. - Dans la lettre ouverte à
son ami le cardinal Dominik Duka publiée aujourd’hui en exclusivité
par Settimo Cielo, le cardinal Gerhard Ludwig Müller critique
sèchement la réponse fournie le 25 septembre dernier par le cardinal
Victor Manuel Fernández, le nouveau Préfet du Dicastère pour la
Doctrine de la foi, à une série de questions du cardinal Duka sur la
communion eucharistique aux divorcés remariés.
Le cardinal Duka, qui est archevêque émérite de Prague, avait envoyé
ces questions en juillet dernier, au nom de la Conférence épiscopale
tchèque, au dicastère présidé par le cardinal Fernández dont Müller
était l’avant-dernier prédécesseur, avant d’être sèchement congédié
par le Pape François en 2017, tandis que Fernández est un fervent
partisan du Pape François.
Mais avant le lire la lettre de Müller, il est bon de reparcourir
l’historique de cette controverse animée.
Le 4 octobre dernier, dans son discours d’ouverture du synode sur la
synodalité, le Pape François a polémiqué sur « la pression de
l’opinion publique » qui « à l’époque du synode sur la famille » a
voulu faire croire que « c’était pour donner la communion aux
divorcés ».
Mais il a omis de rappeler que c’est bien lui, le pape, qui en
février 2014, quelques mois avant l’ouverture de ce Synode, avait
convoqué un consistoire de deux jours à huis clos avec tous les
cardinaux pour les forcer à discuter d’une leçon introductive du
cardinal Walter Kasper totalement en faveur à la communion aux
divorcés remariés.
Face au refus de nombreux cardinaux, dont certains de premier plan,
d’adhérer à cette thèse, l’irritation de François fut telle qu’à la
veille du synode sur la famille, il donna ces instructions au
secrétaire spécial du synode, l’archevêque de Chieti, Bruno Forte,
rapportées publiquement par l’intéressé le 2 mai 2016 :
« Si nous parlons explicitement de la communion aux divorcés,
ceux-là [les cardinaux et les évêques contraires, ndlr] vont me
mettre une pagaille pas possible ! Alors, n’en parlons pas de
manière directement, toi tu fais en sorte qu’on jette les bases et
ensuite c’est moi qui tirerai les conclusions ».
Inutile d’ajouter qu’après avoir révélé ce secret d’alcôve, Forte,
qui faisait jusque là partie des favoris du pape, est tombé en
disgrâce et a disparu de la circulation.
Mais ce qu’il avait dit s’est bien produit. Au terme des deux
sessions du synode sur la famille qui n’ont pas abouti à un accord
sur la question, François a tiré ses conclusions personnelles en
glissant dans deux minuscules notes de bas de page de son
exhortation post-synodale « Amoris laetitia » un laisser-passer
allusif à la communion des divorcés remariés. Et face aux questions
des journalistes dans l’avion de retour de Lesbos, le 16 avril 2016,
il n’a pas hésité à dire : « Je ne me souviens pas de cette note ».
Ce qui donna lieu aux « dubia ». En septembre 2016, quatre cardinaux
de premier ordre ont demandé au pape de fournir enfin des réponses
claires à leurs interrogations sur ces questions et quelques autres.
Mais François a refusé de répondre et a imposé également le silence
à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, qui était à l’époque
dirigée par le cardinal Müller. En novembre, les quatre cardinaux
ont décidé de rendre ces « dubia » publics. De nouveau sans obtenir
de réponse, et encore moins d’audience avec le pape.
Mais entretemps, ce dernier avait fait en sorte de tout régler à sa
manière.
Dans la babel des interprétation d’« Amoris
Laetitia », en fait, les
évêques de Buenos Aires avaient également donné leur façon de voir
les choses en faveur de la communion des divorcés remariés, dans une
lettre du 5 septembre 2016 à leurs prêtres, à laquelle François
avait répondu avec enthousiasme le jour même en rédigeant une lettre
d’approbation :
« El escrito es muy bueno y explícita cabalmente el sentido del
capítulo VIII de ‘Amoris laetitia’. No hay otras interpretaciones. Y
estoy seguro de que hará mucho bien ».
« Le texte est très bon et explique de manière exhaustive le sens du
chapitre VIII d’ ‘Amoris laetitia ». Il n’y a pas d’autres
interprétations. Je suis certain qu’il fera beaucoup de bien ».
Restait à savoir quelle autorité avait pour l’Église une lettre
privée de Jorge Mario Bergoglio au secrétaire des évêques de la
région de Buenos Aires.
C’est chose fait depuis la réimpression de ces deux lettres, le 7
octobre, aux « Acta Apostolicae Sedis », c’est-à-dire dans
l’organe officiel du Saint-Siège, accompagné d’un « rescriptum » qui
la promouvait au titre de « magisterium authenticum ».
Et c’est sur ce « rescriptum » que le cardinal Fernández, dans sa
réponse du 25 septembre dernier aux « dubia » du cardinal Duka,
s’est appuyé pour faire valoir l’autorité magistérielle de
l’approbation du Pape François à la communion aux divorcés remariés.
Avec une litanie d’indications concernant sa mise en œuvre.
Se heurtant cependant au désaccord total du cardinal Müller, son
prédécesseur à la tête de ce même dicastère.
Ce dernier, dans cette lettre adressée à son ami le cardinal Duka
démonte point par point les arguments de Fernández, à laquelle même
l’approbation du Pape est apposée de manière incorrecte – fait
remarquer Müller – ajoutée « comme une simple signature datée en bas
de page » plutôt qu’avec les formules canoniques de rigueur.
LE TEXTE INTÉGRAL DE LA LETTRE
Votre Éminence, cher frère cardinal Dominik Duka,
J’ai lu avec grand intérêt la réponse du Dicastère pour la Doctrine
de la Foi (DDF) à votre “dubia” sur l’exhortation apostolique
post-synodale “Amoris Laetitia” (”Risposta a una serie di domande”,
ci-après “Risposta”) et je voudrais partager avec vous mon
évaluation.
L’un des doutes (”dubia”) que vous avez présentés au DDF concerne
l’interprétation d’”Amoris
Laetitia”, donnée dans un document des
évêques de la région de Buenos Aires du 5 septembre 2016, qui permet
l’accès aux sacrements de la confession et de l’Eucharistie aux
personnes divorcées qui ont contracté une seconde union civile, même
si elles continuent à vivre comme mari et femme, sans avoir
l’intention de changer de vie. La “Risposta” affirme que ce texte de
Buenos Aires appartient au magistère pontifical ordinaire, ayant été
accepté par le Pape lui-même. François a en effet affirmé que
l’interprétation proposée par les évêques de Buenos Aires est la
seule interprétation possible d’”Amoris Laetitia”. Par conséquent,
la “Risposta” indique que le texte de Buenos Aires doit recevoir un
assentiment religieux de l’intelligence et de la volonté, comme les
autres textes du Magistère ordinaire du Pape (cf. “Lumen Gentium”
25,1).
Tout d’abord, il est nécessaire de clarifier, du point de vue de
l’herméneutique générale de la foi catholique, quel est l’objet de
cet assentiment de l’intelligence et de la volonté que tout
catholique doit offrir au magistère authentique du Pape et des
évêques. Dans toute la tradition doctrinale, et en particulier dans
“Lumen Gentium” 25, cet assentiment religieux se réfère à la
doctrine de la foi et des mœurs qui reflète et garantit toute la
vérité de la révélation. Les opinions privées des papes et des
évêques sont expressément exclues du magistère. Toute forme de
positivisme magistériel contredit également la foi catholique, car
le magistère ne peut enseigner ce qui n’a rien à voir avec la
révélation, et ce qui contredit spécifiquement la Sainte Écriture (“norma
normans non normata”), la tradition apostolique et les décisions
définitives antérieures du magistère lui-même (“Dei
Verbum ” 10 ; cf.
DH 3116- 3117).
Y a-t-il un assentiment religieux à rendre au texte de Buenos Aires
? Sur la forme, il est déjà contestable d’exiger l’assentiment de
l’intelligence et de la volonté à une interprétation théologiquement
ambiguë d’une conférence épiscopale partielle (la région de Buenos
Aires), qui interprète à son tour une déclaration d’”Amoris
Laetitia” qui requiert d’être expliquée et dont la cohérence avec
l’enseignement du Christ (Mc 10,1-12) est discutable.
Le texte de Buenos Aires semble en discontinuité au moins avec les
enseignements de Jean-Paul II (“Familiaris
Consortio -” 84) et de
Benoît XVI (“Sacramentum
Caritatis” 29). Et, bien que la “Risposta”
ne le dise pas, les documents du magistère ordinaire de ces deux
papes doivent aussi recevoir un assentiment religieux de
l’intelligence et de la volonté.
Cependant, la “Risposta” soutient que le texte de Buenos Aires
propose une interprétation d’”Amoris Laetitia” en continuité avec
les papes précédents. Est-ce bien le cas ?
Examinons d’abord le contenu du texte de Buenos Aires, qui est
résumé dans la “Risposta”. Le paragraphe décisif de la “Risposta” se
trouve dans la réponse à la troisième question. Là, après avoir dit
que Jean-Paul II et Benoît XVI permettaient déjà l’accès à la
communion lorsque les divorcés-remariés acceptaient de vivre dans la
continence, on indique la nouveauté de François:
“François maintient la proposition de la pleine continence pour les
personnes divorcées et remariées (civilement) dans une nouvelle
union, mais admet qu’il peut y avoir des difficultés à la pratiquer
et permet donc, dans certains cas et après un discernement
approprié, l’administration du sacrement de la réconciliation même
si l’on ne parvient pas à être fidèle à la continence proposée par
l’Église” [souligné dans le même texte].
En soi, la phrase “même si l’on ne parvient pas à être fidèle à la
continence proposée par l’Église” peut être interprétée de deux
manières. La première : ces personnes divorcées essaient de vivre
dans la continence, mais, compte tenu des difficultés et à cause de
la faiblesse humaine, elles n’y parviennent pas. Dans ce cas, la
“Risposta” pourrait s’inscrire dans la continuité de l’enseignement
de saint Jean-Paul II. La seconde : ces personnes divorcées
n’acceptent pas de vivre dans la continence et n’essaient même pas
de le faire (il n’y a pas d’intention d’amendement), étant donné les
difficultés qu’elles rencontrent. Dans ce cas, il y aurait une
rupture avec le magistère précédent.
Tout semble indiquer que la “Risposta” se réfère ici à la seconde
possibilité. En fait, cette ambiguïté est résolue dans le texte de
Buenos Aires qui sépare le cas où la continence est tentée (n.5) des
autres cas où la continence n’est même pas tentée (n.6). Dans ce
dernier cas, les évêques de Buenos Aires disent : “Dans d’autres
circonstances plus complexes, et lorsqu’une déclaration de nullité
n’a pu être obtenue, l’option mentionnée [tentative de vivre dans la
continence] peut en fait ne pas être réalisable”.
Il est vrai que cette phrase contient une autre ambiguïté, en
affirmant : “et lorsque la déclaration de nullité n’a pu être
obtenue”. Certains, notant que le texte ne dit pas “et quand le
mariage était valide”, ont limité ces cas complexes à ceux où, même
si le mariage est nul pour des raisons objectives, ces raisons ne
peuvent pas être prouvées devant le for ecclésial. Comme nous le
voyons, bien que le pape François ait présenté le document de Buenos
Aires comme la seule interprétation possible d’”Amoris Laetitia”, la
question herméneutique n’est pas résolue, car il existe encore
diverses interprétations du document de Buenos Aires. En fin de
compte, ce que nous observons, que ce soit dans la “Risposta” ou
dans le texte de Buenos Aires, c’est un manque de précision dans la
formulation, qui peut permettre des interprétations alternatives.
Quoi qu’il en soit, en laissant de côté ces imprécisions, ce que
veulent dire le texte de Buenos Aires et la “Risposta”, semble
clair. On pourrait le formuler ainsi : il existe des cas
particuliers où, après un temps de discernement, il est possible de
donner l’absolution sacramentelle à un baptisé qui, ayant contracté
un mariage sacramentel, a des relations sexuelles avec une personne
avec laquelle il vit une seconde union, sans que le baptisé doive
prendre la résolution de ne pas continuer à avoir ces relations
sexuelles, soit parce qu’il discerne que ce n’est pas possible pour
lui, soit parce qu’il discerne que ce n’est pas la volonté de Dieu
pour lui.
Voyons tout d’abord si cette déclaration peut être en continuité
avec les enseignements de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI.
L’argument de la “Risposta” selon lequel Jean-Paul II a déjà admis à
la communion certains de ces divorcés et que François ne fait donc
qu’un pas dans la même direction ne tient pas. En effet, la
continuité n’est pas à rechercher dans le fait que quelqu’un soit
autorisé à recevoir la communion, mais dans le critère d’admission.
En effet, Jean-Paul II et Benoît XVI admettent à la communion des
personnes qui, pour des raisons sérieuses, vivent ensemble sans
avoir de relations sexuelles. Mais ils ne le permettent pas lorsque
ces personnes ont habituellement des relations sexuelles, parce
qu’il y a là un péché objectivement grave, dans lequel les personnes
veulent rester, et qui, en attaquant le sacrement du mariage,
acquiert un caractère public. La rupture entre l’enseignement du
document de Buenos Aires et le magistère de Jean-Paul II et de
Benoît XVI est perceptible si l’on considère l’essentiel, qui est,
comme je l’ai dit, le critère d’admission aux sacrements.
Pour être plus clair, imaginons que, par souci d’absurdité, un futur
document de le DDF présente un argument similaire dans le cas de
l’avortement, en disant : “Les Papes Jean-Paul II, Benoît XVI et
François ont déjà autorisé l’avortement dans certains cas, par
exemple lorsque la mère a un cancer de l’utérus et que ce cancer
doit être traité ; maintenant, il est autorisé dans d’autres cas,
par exemple en cas de malformation du fœtus, dans la continuité de
ce qu’ils ont enseigné”. On voit bien le caractère fallacieux de cet
argument. Le cas d’une opération pour un cancer de l’utérus est
possible parce qu’il ne s’agit pas d’un avortement direct, mais
d’une conséquence involontaire d’une action curative sur la mère (ce
que l’on a appelé le principe du double effet). Il n’y aurait pas
continuité, mais discontinuité entre les deux doctrines, car la
seconde nie le principe qui régissait la première position, et qui
soulignait le caractère erroné de tout avortement direct.
Cependant la difficulté de l’enseignement de la “Risposta” et du
texte de Buenos Aires ne réside pas seulement dans sa discontinuité
avec l’enseignement de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI. En
effet, cette formulation s’oppose à d’autres enseignements de
l’Église, qui ne sont pas seulement des affirmations du magistère
ordinaire, mais qui ont été enseignés de manière définitive comme
appartenant au dépôt de la foi.
Le Concile de Trente enseigne en effet les vérités suivantes : la
confession sacramentelle de tous les péchés graves est nécessaire au
salut (DH 1706-1707) ; vivre dans une seconde union comme mari et
femme alors que le lien conjugal existe est un péché grave
d’adultère (DH 1807) ; une condition pour donner l’absolution est la
contrition du pénitent, qui comprend la douleur du péché et la
résolution de ne plus pécher (DH 1676) ; il n’est pas impossible à
toute personne baptisée d’observer les préceptes divins (DH
1536,1568). Toutes ces affirmations ne requièrent pas seulement un
assentiment religieux, mais doivent être crues avec une foi ferme,
comme étant contenues dans la révélation, ou au moins acceptées et
tenues fermement comme des vérités proposées par l’Église de manière
définitive. En d’autres termes, il ne s’agit plus d’un choix entre
deux propositions du Magistère ordinaire, mais de l’acceptation
d’éléments constitutifs de la doctrine catholique.
Le témoignage de Jean-Paul II, de Benoît XVI et du Concile de Trente
est, en fait, redirigé vers le témoignage clair de la Parole de
Dieu, que le Magistère sert. C’est sur ce témoignage que doit se
fonder toute la pastorale des catholiques qui vivent en secondes
noces après un divorce civil, car seule l’obéissance à la volonté de
Dieu peut servir au salut des personnes. Jésus dit : “Celui qui
répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère à son
égard. La femme aussi commet un adultère lorsqu’elle répudie son
mari et en épouse un autre” (Mc 10, 11s). Et la conséquence est la
suivante : “Ni les fornicateurs, ni les adultères… n’hériteront du
royaume de Dieu” (1 Co 6,10). Cela signifie également que ces
personnes baptisées ne sont pas dignes de recevoir la Sainte
Communion avant d’avoir reçu l’absolution sacramentelle, qui à son
tour exige le repentir de ses péchés, ainsi que la résolution de
s’amender à partir de ce moment. Il ne s’agit pas ici d’un manque de
miséricorde, bien au contraire. En effet, la miséricorde de
l’Évangile ne consiste pas à tolérer le péché, mais à régénérer le
cœur des fidèles pour qu’ils puissent vivre selon la plénitude de
l’amour que le Christ a vécu et qu’il nous a appris à vivre.
Il s’ensuit que ceux qui rejettent l’interprétation d’”Amoris
Laetitia” proposée par le texte de Buenos Aires et la “Risposta” ne
peuvent pas être accusés de dissidence. En effet, ce n’est pas
qu’ils voient une opposition entre ce qu’ils comprennent et ce que
le Magistère enseigne, mais ils voient une opposition entre
différents enseignements du même Magistère, dont l’un a déjà été
affirmé de manière définitive par le Magistère. Saint Ignace de
Loyola nous invite à considérer que ce que nous voyons comme blanc
est noir si l’Église hiérarchique en décide ainsi. Mais saint Ignace
ne nous invite pas à croire, en nous appuyant sur le Magistère, que
ce que le Magistère lui-même nous a dit auparavant, et de manière
définitive, être noir est désormais blanc.
En outre, les difficultés soulevées par le texte de la “Risposta” ne
s’arrêtent pas là. En effet, la “Risposta” va au-delà de ce qui est
affirmé dans “Amoris
Laetitia” et dans le document de Buenos Aires
sur deux points graves.
Le premier touche à la question de qui décide de la possibilité
d’administrer l’absolution sacramentelle au terme du chemin de
discernement ? Dans le “dubium”, que vous avez présenté à la DDF,
cher frère, vous proposez plusieurs alternatives qui vous semblent
possibles : ce pourrait être le curé, le vicaire épiscopal, le
pénitencier…. Mais la solution donnée par la “Risposta” a dû être
pour vous une vraie surprise que vous ne pouviez même pas imaginer.
En effet, selon le DDF, la décision finale doit être prise en
conscience par chaque fidèle (n.5). Il faut en déduire que le
confesseur se limite à obéir à cette décision en conscience. Il est
frappant de constater qu’il est dit que la personne doit “se placer
devant Dieu et lui exposer sa propre conscience, avec ses
possibilités et ses limites” (ibid.). Si la conscience est la voix
de Dieu dans l’homme (“Gaudium
et Spes” 36), on ne comprend pas bien
ce que veut dire “placer sa propre conscience devant Dieu”. Il
semble qu’ici la conscience soit plutôt le point de vue privé de
chaque individu, qui se place ensuite devant Dieu.
Mais laissons cela de côté pour nous pencher sur l’affirmation
surprenante du texte de le DDF. Il s’avère que les fidèles décident
eux-mêmes de recevoir ou non l’absolution, et que le prêtre n’a qu’à
accepter cette décision ! Si cela s’applique de manière générale à
tous les péchés, le sacrement de la réconciliation perd son sens
catholique. Ce n’est plus l’humble demande de pardon de celui qui se
présente devant un juge miséricordieux, qui reçoit l’autorité du
Christ lui-même, mais l’absolution de soi-même après avoir exploré
sa propre vie. On n’est pas loin d’une vision protestante du
sacrement, condamnée par Trente, lorsqu’elle insiste sur le rôle du
prêtre comme juge dans la confession (cf. DH 1685 ; 1704 ; 1709).
L’Évangile affirme, en se référant au pouvoir des clés : “Tout ce
que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel” (Mt 16,19).
Mais l’Évangile ne dit pas : “ce que les hommes décident en
conscience de délier sur la terre sera délié au ciel”. Il est
surprenant que le DDF ait pu présenter à la signature du Saint-Père,
au cours d’une audience, un texte comportant une telle erreur
théologique, compromettant ainsi l’autorité du Saint-Père.
La surprise est d’autant plus grande que la “Risposta” tente de
s’appuyer sur Jean-Paul II pour soutenir que la décision appartient
à chaque fidèle, tout en ignorant que le texte de Jean-Paul II est
directement opposé à la “Risposta”. En effet, la “Risposta” cite “Ecclesia
De Eucharistia” 37b, où il est dit, dans le cas de la
réception de l’Eucharistie : “Évidemment, le jugement sur l’état de
grâce appartient au seul intéressé, puisqu’il s’agit d’un jugement
de conscience”. Mais voyons la phrase que Jean-Paul II ajoute
aussitôt et que la “Risposta” ne mentionne pas, et qui est l’idée
principale du paragraphe cité de “Ecclesia de Eucharistia” :
“Toutefois, en cas de comportement extérieur gravement,
manifestement et durablement contraire à la norme morale, l’Église,
dans son souci pastoral du bon ordre communautaire et par respect
pour le Sacrement, ne peut pas ne pas se sentir concernée. Cette
situation de contradiction morale manifeste est traitée par la norme
du Code de Droit canonique sur la non-admission à la communion
eucharistique de ceux qui « persistent avec obstination dans un
péché grave et manifeste »” (ibid).
Comme on peut le voir, le DDF a sélectionné une partie mineure du
texte de saint Jean-Paul II et a omis la partie principale, qui est
opposée à l’argument de le DDF. Si le DDF veut présenter un
enseignement contraire à celui de saint Jean-Paul II, le moins
qu’elle puisse faire est de ne pas essayer d’utiliser le nom et
l’autorité du saint Pontife. Il vaudrait mieux reconnaître
honnêtement que, selon le DDF, Jean-Paul II s’est trompé dans cet
enseignement de son Magistère.
La deuxième nouveauté incluse dans la “Risposta” est que chaque
diocèse est encouragé à produire ses propres directives pour ce
processus de discernement. Il en découle une conclusion : si les
directives sont différentes, certaines personnes divorcées pourront
recevoir l’Eucharistie selon les directives d’un diocèse et non
selon celles d’un autre. Or, l’unité de l’Église catholique signifie
depuis les temps les plus anciens l’unité dans la réception de
l’Eucharistie : en mangeant le même pain, nous sommes le même corps
(cf. 1 Co 10, 17). Si un fidèle catholique peut communier dans un
diocèse, il peut communier dans tous les diocèses qui sont en
communion avec l’Église universelle. C’est là l’unité de l’Église
qui se fonde et s’exprime dans l’Eucharistie. Par conséquent, le
fait qu’une personne puisse recevoir la communion dans une église
locale et ne puisse pas recevoir la communion dans une autre est une
définition exacte du schisme. Il est impensable que la “Risposta” de
la DDF veuille promouvoir une telle chose, mais tels seraient les
effets probables de l’adoption de son enseignement.
Face à toutes ces difficultés, quelle est l’issue pour les fidèles
qui veulent rester fidèles à la doctrine catholique ? J’ai souligné
précédemment que le texte de Buenos Aires et celui de la “Risposta”
ne sont pas précis. Ils ne disent pas clairement ce qu’ils veulent
dire, et laissent donc ouvertes d’autres interprétations, aussi
improbables soient-elles. Cela laisse place à des doutes quant à
leur interprétation. D’autre part, la manière dont la “Risposta”
note l’approbation du Saint Père, par une simple signature datée en
bas de page, est inhabituelle. La formule habituelle serait : “Le
Saint-Père approuve le texte et ordonne (ou permet) la publication”,
mais rien de tout cela n’apparaît dans cet “Appunto” peu soigné.
Cela ouvre encore un doute sur l’autorité de la “Risposta”.
Ces questions nous permettent de soulever un nouveau “dubium”:
existe-t-il des cas dans lesquels, après un temps de discernement,
il est possible de donner l’absolution sacramentelle à un baptisé
qui a des relations sexuelles avec une personne avec laquelle il vit
en seconde union, si ce baptisé ne veut pas prendre la résolution de
ne plus avoir ces relations?
Cher frère, tant que ce “dubium” n’est pas résolu, l’autorité de la
réponse à votre “dubia” et de la lettre de Buenos Aires reste en
suspens, étant donné l’imprécision qu’elles reflètent. Cela ouvre
une petite place à l’espoir qu’il y aura de réponse negative à ce “dubium”.
Les bénéficiaires ne seraient pas en premier lieu les fidèles, qui
de toute façon ne seraient pas obligés d’accepter une réponse
positive au “dubium” comme contredisant la doctrine catholique. Le
principal bénéficiaire serait l’autorité répondant au “dubium”, qui
serait préservée intacte, puisqu’elle ne demanderait plus aux
fidèles un assentiment religieux pour des vérités contraires à la
doctrine catholique.
En espérant que cette explication clarifiera le sens de la réponse
que vous avez reçue du DDF, je vous adresse mes salutations
fraternelles “in Domino Iesu”,
Card. Gerhard Ludwig Müller, Rome
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Sources
: diakonos.be
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E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 13.10.2023