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Benoît XVI plaide pour que l'on associe foi et raison
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Rome, MERCREDI 13 SEPTEMBRE 2006 - Dans une très longue intervention
en allemand, intitulée "Foi, raison et Université - Souvenirs et
réflexions", Benoît XVI a ainsi proposé une réflexion sur la
conception chrétienne de Dieu et sur la vision de l’islam à son
égard.
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Benoît XVI dans l'Aula Magna de l'Université de Ratisbonne
"Foi, raison et
Université - Souvenirs et réflexions"
Pour un véritable dialogue des cultures et des
religions
C’est seulement en réconciliant foi et raison
"que nous serons capables d’un véritable dialogue" des cultures et des
religions, un dialogue dont nous avons un besoin urgent. C’est ce qu’a
déclaré Benoît XVI, le 12 septembre 2006, en fin d’après-midi, lors de sa
rencontre avec les représentants du monde scientifique, à l’Université de
Ratisbonne. Citant l'exemple de la guerre sainte de l'islam, le djihad, le
pape s'est opposé à "la diffusion de la foi par la violence".
Dans
une très longue intervention en allemand, intitulée "Foi, raison et
Université - Souvenirs et réflexions", Benoît XVI a ainsi proposé une
réflexion sur la conception chrétienne de Dieu et sur la vision de l’islam à
son égard. Devant plusieurs centaines d'invités, dans l'Aula Magna de
l'Université de Ratisbonne, il a aussi critiqué la société occidentale
moderne qui a écarté la foi de la raison.
Même devant "un
scepticisme radical" sur l’existence de Dieu, il reste "nécessaire et
raisonnable de s’interroger sur Dieu au travers de la raison", a d’abord
affirmé le pape, "et cela doit être fait dans le contexte de la tradition de
la foi chrétienne". Il s’est ainsi penché sur l’articulation entre foi et
raison, offrant aussi une réflexion sur l’Islam et le christianisme,
l'Orient et l'Occident.
Se fondant sur un texte publié par le prêtre
et universitaire Théodore Khoury, il a proposé un regard chrétien sur le
djihad, la guerre sainte, contenue dans le Coran. Pour les chrétiens, "la
diffusion de la foi par la violence" est "déraisonnable", a affirmé le pape
en citant l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, au 14e siècle. Car "la
violence est en contraste avec la nature de Dieu et la nature de l’âme". La
foi étant "le fruit de l’âme", celui qui "veut conduire quelqu’un à la foi a
besoin de la capacité de bien parler et de raisonner correctement, et non de
la violence et de la menace", a poursuivi le pape, citant les propos de
l’empereur byzantin.
La société occidentale
moderne a écarté la foi de la raison
"L’affirmation
décisive dans cette argumentation contre la conversion par la violence est:
ne pas agir selon la raison est contraire à la nature de Dieu". Pour
l’empereur byzantin, ayant grandi dans la philosophie grecque, cette
affirmation est "évidente". "Pour la doctrine musulmane, au contraire, Dieu
est absolument transcendant" et sa volonté "n’est liée à aucune de nos
catégories", fût-ce celle même "de la raison", a expliqué le pape.
"C'est là que s’ouvre, dans la compréhension de Dieu et donc dans la
réalisation concrète de la religion, un dilemme qui nous défie aujourd’hui
de façon très directe", a alors estimé Benoît XVI: "la conviction qu’agir
contre la raison est en contradiction avec la nature de Dieu est-elle
seulement une pensée grecque ou vaut-elle toujours, et pour elle-même ?". Et
le pape de répondre: "je pense que, sur ce point, se manifeste la profonde
concordance entre ce qui est grec, dans le meilleur sens du terme, et ce
qu’est la foi en Dieu sur le fondement de la Bible". En effet, d’après lui,
"Dieu agit avec logos", avec "raison et parole", une raison "qui est
créatrice et capable de se communiquer".
Le pape a alors opéré un
développement sur l’articulation entre le message biblique et la pensée
grecque. Ce rapprochement, "engagé depuis longtemps" entre la foi biblique
et l’interrogation philosophique de la pensée grecque est "une donnée
d’importance décisive non seulement du point de vue de l’histoire des
religions, a-t-il estimé, mais aussi de celui de l’histoire universelle, une
donnée qui nous engage encore aujourd’hui".
"Il n’est donc pas
surprenant que le christianisme, malgré son origine et ses développements
importants en Orient, ait finalement trouvé sa marque historiquement
décisive en Europe", a aussi commenté le pape. Cette rencontre "a créé
l’Europe et reste le fondement de ce qu’on peut appeler l’Europe".
Benoît XVI a regretté ensuite que l’ethos et la religion "tombent dans
l’environnement de la discrétion personnelle", ce qui est "une condition
dangereuse pour l’humanité". "Nous le constatons dans les pathologies
menaçantes de la religion et de la raison, a estimé le souverain pontife,
pathologies qui nécessairement doivent éclater quand la raison est réduite
au point que les questions de la religion et de l’ethos ne la regardent
plus".
Ce qui dans le développement moderne est "valide" doit
néanmoins "être reconnu sans réserve", a poursuivi le pape. "Nous savons
tous gré des grandioses possibilités qu’il a ouvertes à l’homme et pour les
progrès dans le champ humain". "L’ethos de la scientificité" est d’ailleurs
"volonté d’obéissance à la vérité" et donc "expression" d’une attitude
chrétienne, a-t-il souligné.
Le pape Benoît XVI a seulement appelé à
un "élargissement de notre concept de raison et de son usage". "Parce que,
voyant les menaces qui émergent des possibilités de l’homme, nous devons
nous demander comment les dominer". Nous y réussissons seulement "si raison
et foi se retrouvent unies de façon nouvelle", si nous "dépassons la
limitation auto-décrétée de la raison à ce qui est vérifiable dans
l’expérience, et si nous lui ouvrons à nouveau toute son amplitude", a-t-il
estimé.
"Seulement ainsi, nous devenons aussi capables d’un vrai
dialogue des cultures et des religions – un dialogue dont nous avons un
besoin si urgent", a-t-il encore insisté. En effet, une raison qui devant le
divin "est sourde et repousse la religion dans le cadre des sous-cultures,
est incapable de s’insérer dans le dialogue des cultures". C’est donc à "la
grandeur de la raison que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue
des cultures", a conclu le pape sous les applaudissements nourris des
enseignants et des élèves de l'Université de Ratisbonne où il enseigna dans
les années 70. Dans "sa leçon" donnée à ses pairs, le pape a confié que
c’était pour lui un moment "émouvant" que de se tenir à nouveau sur la
chaire de l’Université.
Texte intégral
du discours du saint Père:
Discours de Benoît XVI à l'Université des sciences
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Eucharistie sacrement de la miséricorde - 13.09.2006 - BENOÎT XVI |