Benoît XVI: Message pour la journée
Mondiale de la Paix 2007 |
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ROME, le 12 décembre 2006 -
(E.S.M.) - Ce matin a été rendu public le texte du message du pape
Benoît XVI pour la prochaine Journée mondiale de la paix (1er janvier
2007), intitulé: "La personne humaine, au coeur de la paix".
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Le pape Benoît XVI joint le
geste à la parole
Benoît XVI: Message pour la journée Mondiale de la Paix 2007
Texte intégral: (1)
Ce matin a été rendu public le texte du message de Benoît XVI pour la
prochaine Journée mondiale de la paix (1er janvier 2007), intitulé: "La
personne humaine, au coeur de la paix". Publié en allemand, anglais,
espagnol, français, italien et portugais, en voici des extraits:
"Au
début de la nouvelle année, je voudrais adresser aux Gouvernants des
Nations, ainsi qu'à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté,
mes voeux de paix", a déclaré Benoît XVI.
"Parce qu'il est créé à
l'image de Dieu, l'individu humain a la dignité de personne; il n'est pas
seulement quelque chose, mais quelqu'un, capable de se connaître, de se
posséder, de se donner librement et d'entrer en communion avec d'autres
personnes".
"La paix est aussi à la fois un don et une tâche. S'il
est vrai que la paix entre les individus et entre les peuples, capacité de
vivre les uns à côté des autres en tissant des relations de justice et de
solidarité, représente un engagement qui ne connaît pas de répit, il est
aussi vrai, et même encore plus vrai, que la paix est un don de Dieu".
"L'ensemble des règles de l'agir individuel et des relations mutuelles
entre les personnes, selon la justice et la solidarité, explique Benoît XVI,
est inscrit dans les consciences, où se reflète le sage projet de Dieu. La
paix est donc aussi une tâche qui oblige chacun à une réponse personnelle en
harmonie avec le plan divin. Le critère dont doit s'inspirer une telle
réponse ne peut être que le respect de la grammaire écrite dans le coeur de
l'homme par son divin Créateur".
"Dans cette perspective, poursuit
le pape, les normes du droit naturel doivent être accueillies comme un appel
à réaliser fidèlement le projet divin universel inscrit dans la nature de
l'être humain. La reconnaissance et le respect de la loi naturelle
constituent par conséquent, aujourd'hui encore, le grand fondement du
dialogue entre les croyants des diverses religions, et entre les croyants et
les non croyants eux-mêmes. C'est là un grand point de rencontre et donc un
présupposé fondamental pour une paix authentique".
"Le devoir de
respecter la dignité de tout être humain, dont la nature reflète l'image du
Créateur, comporte comme conséquence que l'on ne peut pas disposer de la
personne selon son bon plaisir. La personne qui jouit d'un plus grand
pouvoir politique, technologique, économique, ne peut pas s'en prévaloir
pour violer les droits des personnes moins chanceuses.
C'est en effet sur le respect des droits de tous que
se fonde la paix. Consciente de cela, l'Eglise s'emploie à
défendre les droits fondamentaux de toute personne".
"Elle
revendique en particulier le respect de la vie et de la liberté religieuse
de chacun, poursuit Benoît XVI. Le respect du droit à la vie à toutes ses
étapes constitue un point fort d'une importance décisive: la vie est un don;
le sujet n'en a pas la pleine disponibilité. Le droit à la vie et à la libre
expression de la foi en Dieu ne relève pas du pouvoir de l'homme".
"En ce qui concerne le droit à la vie, on doit dénoncer toutes les terribles
violations qui lui sont faites dans notre société: outre les victimes des
conflits armés, du terrorisme et des multiples formes de violence, il y a
les morts silencieuses provoquées par la faim, par l'avortement, par
l'expérimentation sur les embryons et par l'euthanasie. Comment ne pas voir
en tout cela un attentat à la paix? L'avortement et l'expérimentation sur
les embryons constituent la négation directe de l'attitude d'accueil envers
l'autre, qui est indispensable pour instaurer des relations de paix
durables". "Pour ce qui concerne la libre expression de la foi, un autre
symptôme préoccupant du manque de paix dans le monde est constitué par les
difficultés que rencontrent souvent aussi bien les chrétiens que les
croyants d'autres religions à professer publiquement et librement leurs
convictions religieuses. En parlant particulièrement des chrétiens, je dois
relever avec souffrance que, parfois, ils ne sont pas seulement empêchés;
dans certains états, ils sont même persécutés, et récemment encore on a pu
enregistrer de tragiques épisodes de violence abominable".
"Il y a
des régimes qui imposent à tous une religion unique, tandis que des régimes
indifférents nourrissent non pas une persécution violente, mais une dérision
culturelle systématique des croyances religieuses, dit le pape. Dans tous
les cas, un droit humain fondamental n'est pas respecté, avec des
répercussions graves sur la convivialité pacifique. Cela ne peut que
promouvoir une mentalité et une culture négatives pour la paix".
"A
l'origine des nombreuses tensions qui menacent la paix, il y a assurément
les innombrables et injustes inégalités. On trouve, d'une part, les
inégalités dans l'accès aux biens essentiels, comme la nourriture, l'eau, un
toit, la santé; d'autre part, les inégalités persistantes entre homme et
femme dans l'exercice des droits humains fondamentaux".
"La
reconnaissance de l'égalité essentielle entre les personnes humaines, qui
découle de leur commune dignité transcendante, constitue un élément de
première importance pour l'édification de la paix. Les très graves manques
dont souffrent de nombreuses populations, spécialement sur le continent
africain, sont à la source de revendications violentes et constituent donc
une blessure profonde infligée à la paix", fait remarquer Benoît XVI.
"Le fait que la condition féminine soit insuffisamment prise en
considération introduit aussi des facteurs d'instabilité dans l'ordre
social. Je pense à l'exploitation de femmes traitées comme des objets et aux
nombreuses formes de manque de respect pour leur dignité. Je pense également
aux perspectives anthropologiques persistantes dans certaines cultures, qui
réservent aux femmes une place encore fortement soumise à l'arbitraire de
l'homme, avec des conséquences qui portent atteinte à leur dignité de
personne et à l'exercice des libertés fondamentales elles-mêmes. On ne peut
se faire illusion: la paix ne sera pas assurée tant que ces formes de
discrimination, qui lèsent la dignité personnelle, inscrite par le Créateur
en tout être humain, ne seront pas abolies".
Tout "cela implique
pour l'humanité, si la paix lui tient à coeur, d'avoir toujours plus
présents à l'esprit les liens qui existent entre l'écologie naturelle, à
savoir le respect de la nature, et l'écologie humaine. L'expérience montre
que toute attitude irrespectueuse envers l'environnement porte préjudice à
la convivialité humaine, et inversement".
"Au cours des dernières
années, de nouvelles Nations se sont engagées avec dynamisme dans la
production industrielle, faisant croître les besoins en énergie. En même
temps, dans certaines régions de la planète, il existe encore des situations
de grand retard, où le développement est pratiquement bloqué, notamment en
raison de la hausse des prix de l'énergie".
"La destruction de
l'environnement, son usage impropre ou égoïste et la mainmise violente sur
les ressources de la terre engendrent des déchirures, des conflits et des
guerres, justement parce qu'ils sont le fruit d'une conception inhumaine du
développement".
"Il est donc urgent, même dans le cadre des
difficultés actuelles et des tensions internationales, de s'engager pour
donner vie à une écologie humaine qui favorise la croissance de l'arbre de
la paix. Il est compréhensible que les visions de l'homme varient en
fonction des cultures. Á l'inverse, on ne peut admettre que soient
entretenues des conceptions anthropologiques qui renferment en elles-mêmes
le germe de l'opposition et de la violence. Les conceptions de Dieu qui
incitent à l'intolérance envers nos semblables et au recours à la violence à
leur égard sont également inadmissibles. C'est un point qu'il faut rappeler
avec clarté: une guerre au nom de Dieu n'est jamais acceptable!".
"Aujourd'hui, cependant, la paix "est mise en question" par l'indifférence
pour ce qui constitue la véritable nature de l'homme. Une conception faible
de la personne, qui laisse place à n'importe quelle conception, même
excentrique, ne favorise la paix qu'en apparence. En réalité, elle empêche
le dialogue authentique et elle ouvre la voie à l'apparition de positions
autoritaires, conduisant ainsi à laisser la personne elle-même sans défense
et, par conséquent, à en faire une proie facile de l'oppression et de la
violence".
"Les Organisations internationales font constamment
référence à la sauvegarde des droits humains, en particulier l'Organisation
des Nations unies qui, par la Déclaration universelle de 1948, rappelle
Benoît XVI, s'est donné comme tâche fondamentale la promotion des droits de
l'homme. Cette Déclaration est vue comme une sorte d'engagement moral assumé
par l'humanité tout entière. Cela comporte une vérité profonde, surtout si
les droits décrits dans la Déclaration sont considérés comme ayant leur
fondement non seulement dans la décision de l'assemblée qui les a approuvés,
mais dans la nature même de l'homme et dans son inaliénable dignité de
personne créée par Dieu. Il est donc important que les Organisations
internationales ne perdent pas de vue le fondement naturel des droits de
l'homme. Si cela devait arriver, les Organismes internationaux seraient
privés de l'autorité nécessaire pour jouer leur rôle de défenseur des droits
fondamentaux de la personne et des peuples, principale justification de leur
raison d'être et d'agir".
"A partir de la prise de conscience qu'il
existe des droits humains inaliénables liés à la nature commune des hommes,
on a élaboré un droit international humanitaire, que les états se sont
engagés à observer, même en cas de guerre. Cela n'a malheureusement pas été
mis en oeuvre de manière cohérente, indépendamment du passé, dans certaines
situations de guerre qui se sont déroulées récemment", comme "dans le
conflit qui, il y a quelques mois, a eu pour théâtre le Liban sud, où
l'obligation de protéger et d'aider les victimes innocentes et de ne pas
impliquer les populations civiles a été en grande partie négligée".
"La nouvelle configuration des conflits, surtout depuis que la menace
terroriste a mis en oeuvre des formes inédites de violence, requièrent que
la communauté internationale rappelle le droit international humanitaire et
l'applique à toutes les situations actuelles de conflits armés, y compris à
celles qui ne sont pas prévues par le droit international en vigueur".
"En outre, ajoute Benoît XVI, le fléau du terrorisme nécessite une
réflexion approfondie sur les limites éthiques qui sont inhérentes à
l'utilisation des instruments actuels de maintien de la sécurité nationale.
De plus en plus, en effet, les conflits ne se déclarent pas, surtout
lorsqu'ils sont déclenchés par des groupes terroristes décidés à atteindre
leurs buts par tous les moyens. Devant les scénarios bouleversants de ces
dernières années, les états ne peuvent pas ne pas éprouver la nécessité de
se doter de règles plus claires, capables de s'opposer efficacement à la
dérive dramatique à laquelle nous assistons".
"Un autre élément qui
suscite une vive inquiétude est la volonté manifestée récemment par certains
états de se doter d'armes nucléaires. Face à une possible catastrophe
atomique, un climat diffus d'incertitude et de peur s'est ensuite
développé".
"Malheureusement, des ombres menaçantes continuent à
s'amonceler à l'horizon de l'humanité. La voie qui peut assurer un avenir de
paix pour tous passe non seulement par des accords internationaux en vue de
la non-prolifération des armes nucléaires, mais aussi par l'engagement à
poursuivre avec détermination leur diminution et leur démantèlement
définitif. C'est le destin de la famille humaine tout entière qui est en
jeu!".
"Je désire enfin adresser un appel pressant au peuple de
Dieu, pour que tout chrétien se sente engagé à être un infatigable ouvrier
de paix et un vaillant défenseur de la dignité de la personne humaine et de
ses droits inaliénables, conclut Benoît XVI. Dans le Christ, nous pouvons
trouver les raisons suprêmes de devenir de fermes défenseurs de la dignité
humaine et de courageux bâtisseurs de paix".
MESSAGE DE SA SAINTETÉ
BENOÎT
XVI POUR LA
CÉLÉBRATION DE LA JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er
JANVIER 2007
LA PERSONNE HUMAINE, CŒUR DE LA
PAIX
1. AU DÉBUT DE LA NOUVELLE ANNÉE, je voudrais adresser
aux Gouvernants des Nations, ainsi qu'à tous les hommes et à toutes les
femmes de bonne volonté, mes vœux de paix. Je les adresse en particulier à
ceux qui sont dans la douleur et dans la souffrance, à ceux qui vivent
menacés par la violence et par la force des armes ou encore à ceux qui,
bafoués dans leur dignité, attendent leur réintégration humaine et sociale.
Je les adresse aussi aux enfants, qui, par leur innocence, enrichissent
l'humanité de bonté et d'espérance et qui, par leurs souffrances, nous
incitent tous à être des artisans de justice et de paix. Pensant précisément
aux enfants, spécialement à ceux dont l'avenir est compromis par
l'exploitation et par la méchanceté d'adultes sans scrupules, j'ai voulu, à
l'occasion de la Journée mondiale de la Paix, que l'attention commune se
focalise sur le thème: Personne humaine, cœur de la paix. Je suis en
effet convaincu qu'en respectant la personne on promeut la paix et qu'en
bâtissant la paix on jette les bases d'un authentique humanisme intégral.
C'est ainsi que se prépare un avenir serein pour les nouvelles générations.
La personne humaine et la paix:
don et tâche
2. La Sainte Écriture affirme: «Dieu créa l'homme à son
image, à l'image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme» (Jn
1,27). Parce qu'il est créé à l'image de Dieu, l'individu humain a la
dignité de personne; il n'est pas seulement quelque chose, mais
quelqu'un, capable de se connaître, de se posséder, de se donner librement
et d'entrer en communion avec d'autres personnes. En même temps, il est
appelé, par grâce, à une alliance avec son Créateur, à Lui offrir une
réponse de foi et d'amour que nul autre ne peut donner à sa place(1).
C'est dans cette admirable perspective que se comprend la tâche confiée à
l'être humain de parvenir lui-même à une maturation de sa capacité d'aimer
et de faire progresser le monde, en le renouvelant dans la justice et dans
la paix. Dans une synthèse saisissante, saint Augustin enseigne: « Dieu, qui
nous a créés sans nous, n'a pas voulu nous sauver sans nous »(2).
Il est par conséquent du devoir de tous les êtres humains d'entretenir en
eux-mêmes la conscience du double aspect de don et de tâche.
3. La paix est aussi à la fois un don et une tâche. S'il est vrai que
la paix entre les individus et entre les peuples — capacité de vivre les uns
à côté des autres en tissant des relations de justice et de solidarité —
représente un engagement qui ne connaît pas de répit, il est aussi vrai, et
même encore plus vrai, que la paix est un don de Dieu. La paix est en
effet une caractéristique de l'agir divin, qui se manifeste à la fois dans
la création d'un univers ordonné et harmonieux, et dans la rédemption de
l'humanité, qui a besoin d'être rachetée du désordre du péché. Création et
rédemption offrent donc la clé de lecture qui introduit à la compréhension
du sens de notre existence sur la terre. Mon vénéré prédécesseur Jean-Paul
II, en s'adressant à l'Assemblée générale des Nations unies le
5 octobre 1995, affirmait que « nous ne vivons pas dans un monde
irrationnel ou privé de sens, mais que, au contraire, il y a une logique
morale qui éclaire l'existence humaine et qui rend possible le dialogue
entre les hommes et entre les peuples ».(3)
La « grammaire » transcendante, à savoir l'ensemble des règles de l'agir
individuel et des relations mutuelles entre les personnes, selon la justice
et la solidarité, est inscrite dans les consciences, où se reflète le sage
projet de Dieu. Comme j'ai voulu le réaffirmer récemment, « nous croyons
qu'à l'origine, il y a le Verbe éternel, la Raison et non l'Irrationalité
».(4) La paix est donc aussi une
tâche qui oblige chacun à une réponse personnelle en harmonie avec le plan
divin. Le critère dont doit s'inspirer une telle réponse ne peut être que
le respect de la « grammaire » écrite dans le cœur de l'homme par son divin
Créateur.
Dans cette perspective, les normes du droit naturel ne
doivent pas être considérées comme des directives s'imposant de l'extérieur,
contraignant presque la liberté de l'homme. Au contraire, elles doivent être
accueillies comme un appel à réaliser fidèlement le projet divin universel
inscrit dans la nature de l'être humain. Guidés par de telles normes, les
peuples — dans leurs cultures respectives — peuvent ainsi s'approcher du
mystère le plus grand, qui est le mystère de Dieu. La reconnaissance et le
respect de la loi naturelle constituent par conséquent, aujourd'hui encore,
le grand fondement du dialogue entre les croyants des diverses religions, et
entre les croyants et les non croyants eux-mêmes. C'est là un grand point de
rencontre et donc un présupposé fondamental pour une paix authentique.
Le droit à la vie et à la
liberté religieuse
4. Le devoir de respecter la dignité de tout être humain,
dont la nature reflète l'image du Créateur, comporte comme conséquence que
l'on ne peut pas disposer de la personne selon son bon plaisir. La
personne qui jouit d'un plus grand pouvoir politique, technologique,
économique, ne peut pas s'en prévaloir pour violer les droits des personnes
moins chanceuses. C'est en effet sur le respect des droits de tous que se
fonde la paix. Consciente de cela, l'Église s'emploie à défendre les droits
fondamentaux de toute personne. Elle revendique en particulier le respect de
la vie et de la liberté religieuse de chacun. Le respect du
droit à la vie à toutes ses étapes constitue un point fort d'une importance
décisive: la vie est un don; le sujet n'en a pas la pleine disponibilité.
De la même façon, l'affirmation du droit à la liberté religieuse met l'être
humain en relation avec un Principe transcendant qui le soustrait à
l'arbitraire de l'homme. Le droit à la vie et à la libre expression de
la foi en Dieu ne relève pas du pouvoir de l'homme. La paix a besoin que
s'établisse une frontière claire entre ce qui est disponible et ce qui ne
l'est pas: on évitera ainsi d'introduire des éléments inacceptables dans
le patrimoine de valeurs qui est propre à l'homme en tant que tel.
5.
En ce qui concerne le droit à la vie, on doit dénoncer toutes les
terribles violations qui lui sont faites dans notre société: outre les
victimes des conflits armés, du terrorisme et des multiples formes de
violence, il y a les morts silencieuses provoquées par la faim, par
l'avortement, par l'expérimentation sur les embryons et par l'euthanasie.
Comment ne pas voir en tout cela un attentat à la paix? L'avortement et
l'expérimentation sur les embryons constituent la négation directe de
l'attitude d'accueil envers l'autre, qui est indispensable pour instaurer
des relations de paix durables. Pour ce qui concerne la libre expression
de la foi, un autre symptôme préoccupant du manque de paix dans le monde
est constitué par les difficultés que rencontrent souvent aussi bien les
chrétiens que les croyants d'autres religions à professer publiquement et
librement leurs convictions religieuses. En parlant particulièrement des
chrétiens, je dois relever avec souffrance que, parfois, ils ne sont pas
seulement empêchés; dans certains États, ils sont même persécutés, et
récemment encore on a pu enregistrer de tragiques épisodes de violence
abominable. Il y a des régimes qui imposent à tous une religion unique,
tandis que des régimes indifférents nourrissent non pas une persécution
violente, mais une dérision culturelle systématique des croyances
religieuses. Dans tous les cas, un droit humain fondamental n'est pas
respecté, avec des répercussions graves sur la convivialité pacifique. Cela
ne peut que promouvoir une mentalité et une culture négatives pour la
paix.
L'égalité de nature de toutes
les personnes
6. À l'origine des nombreuses tensions qui menacent la
paix, il y a assurément les innombrables et injustes inégalités qui
sont encore tragiquement présentes dans le monde. Parmi elles, de manière
particulièrement insidieuse, on trouve, d'une part, les inégalités dans
l'accès aux biens essentiels, comme la nourriture, l'eau, un toit, la
santé; d'autre part, les inégalités persistantes entre homme et femme
dans l'exercice des droits humains fondamentaux.
La
reconnaissance de l'égalité essentielle entre les personnes humaines,
qui découle de leur commune dignité transcendante, constitue un élément de
première importance pour l'édification de la paix. L'égalité à ce niveau est
donc un bien de tous inscrit dans la « grammaire » naturelle, qui ressort du
projet divin de la création; un bien qui ne peut pas être laissé de côté ou
bafoué sans provoquer de graves répercussions mettant la paix en péril. Les
très graves manques dont souffrent de nombreuses populations, spécialement
sur le continent africain, sont à la source de revendications violentes et
constituent donc une blessure profonde infligée à la paix.
7. Le fait
que la condition féminine soit insuffisamment prise en considération
introduit aussi des facteurs d'instabilité dans l'ordre social. Je pense à
l'exploitation de femmes traitées comme des objets et aux nombreuses formes
de manque de respect pour leur dignité; je pense également — dans un
contexte différent — aux perspectives anthropologiques persistantes dans
certaines cultures, qui réservent aux femmes une place encore fortement
soumise à l'arbitraire de l'homme, avec des conséquences qui portent
atteinte à leur dignité de personne et à l'exercice des libertés
fondamentales elles-mêmes. On ne peut se faire illusion: la paix ne sera pas
assurée tant que ces formes de discrimination, qui lèsent la dignité
personnelle, inscrite par le Créateur en tout être humain, ne seront pas
abolies.(5)
« L'écologie de la paix »
8. Dans l'encyclique
Centesimus
Anus, Jean-Paul II écrit: « Non seulement la terre a été donnée par
Dieu à l'homme qui doit en faire usage dans le respect de l'intention
primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l'homme, lui aussi,
est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure
naturelle et morale dont il a été doté ».(6)
C'est en répondant à cette consigne, qui lui a été adressée par le Créateur,
que l'homme, avec ses semblables, peut donner vie à un monde de paix. En
plus de l'écologie de la nature, il y a donc une « écologie » que nous
pourrions appeler « humaine », qui requiert parfois une « écologie sociale
». Et cela implique pour l'humanité, si la paix lui tient à cœur, d'avoir
toujours plus présents à l'esprit les liens qui existent entre l'écologie
naturelle, à savoir le respect de la nature, et l'écologie humaine.
L'expérience montre que toute attitude irrespectueuse envers
l'environnement porte préjudice à la convivialité humaine, et
inversement. Un lien indissoluble apparaît toujours plus clairement entre la
paix avec la création et la paix entre les hommes. L'une et l'autre
présupposent la paix avec Dieu. La poésie-prière de saint François, connue
aussi comme « le Cantique de Frère Soleil », constitue un exemple admirable
— toujours actuel — de cette écologie multiforme de la paix.
9. Le
problème, chaque jour plus grave, des approvisionnements énergétiques
nous aide à comprendre combien est étroit le lien entre ces deux écologies.
Au cours des dernières années, de nouvelles Nations se sont engagées avec
dynamisme dans la production industrielle, faisant croître les besoins en
énergie. Cela est en train de provoquer une course aux ressources
disponibles sans précédent. En même temps, dans certaines régions de la
planète, il existe encore des situations de grand retard, où le
développement est pratiquement bloqué, notamment en raison de la hausse des
prix de l'énergie. Que deviendront les populations de ces régions? Quelle
sorte de développement ou de non-développement leur sera imposée par la
raréfaction des approvisionnements énergétiques? Quelles injustices et
quelles oppositions provoquera la course aux sources d'énergie? Et comment
réagiront les exclus de cette course? Ce sont des questions qui mettent en
évidence que le respect de la nature est étroitement lié à la nécessité de
tisser entre les hommes et entre les Nations des relations dans lesquelles
on porte attention à la dignité des personnes et qui puissent satisfaire
leurs besoins authentiques. La destruction de l'environnement, son usage
impropre ou égoïste et la mainmise violente sur les ressources de la terre
engendrent des déchirures, des conflits et des guerres, justement parce
qu'ils sont le fruit d'une conception inhumaine du développement. En effet,
un développement qui se limiterait à l'aspect technique et économique,
négligeant la dimension morale et religieuse, ne serait pas un développement
humain intégral et finirait, parce qu'il est unilatéral, par encourager la
capacité destructrice de l'homme.
Visions réductrices de l'homme
10. Il est donc urgent, même dans le cadre des
difficultés actuelles et des tensions internationales, de s'engager pour
donner vie à une écologie humaine qui favorise la croissance de l'arbre
de la paix. Pour tenter une telle entreprise, il est nécessaire de se
laisser guider par une vision de la personne qui ne soit pas corrompue par
les préjugés idéologiques et culturels, ou par des intérêts politiques et
économiques, qui incitent à la haine et à la violence. Il est compréhensible
que les visions de l'homme varient en fonction des cultures. À l'inverse, on
ne peut admettre que soient entretenues des conceptions anthropologiques
qui renferment en elles-mêmes le germe de l'opposition et de la
violence. Les conceptions de Dieu qui incitent à l'intolérance envers
nos semblables et au recours à la violence à leur égard sont également
inadmissibles. C'est un point qu'il faut rappeler avec clarté: une guerre
au nom de Dieu n'est jamais acceptable! Quand une certaine conception de
Dieu est à l'origine de pratiques criminelles, c'est le signe qu'une telle
conception s'est déjà transformée en idéologie.
11. Aujourd'hui,
cependant, la paix n'est pas mise en question seulement par le conflit entre
les visions réductrices de l'homme, à savoir entre les idéologies. Elle
l'est aussi par l'indifférence pour ce qui constitue la véritable nature
de l'homme. En effet, de nombreux contemporains nient l'existence d'une
nature humaine spécifique et ils rendent ainsi possibles les interprétations
les plus extravagantes au sujet des éléments qui sont essentiellement
constitutifs de l'être humain. Ici aussi la clarté est nécessaire: une
conception « faible » de la personne, qui laisse place à n'importe quelle
conception, même excentrique, ne favorise la paix qu'en apparence. En
réalité, elle empêche le dialogue authentique et elle ouvre la voie à
l'apparition de positions autoritaires, conduisant ainsi à laisser la
personne elle-même sans défense et, par conséquent, à en faire une proie
facile de l'oppression et de la violence.
Droits humains et Organisations
internationales
12. Une paix véritable et stable présuppose le respect
des droits de l'homme. Si ces droits se fondent cependant sur une conception
faible de la personne, comment n'en sortiraient-ils pas eux-mêmes affaiblis?
On voit ici de manière évidente l'insuffisance profonde d'une conception
relativiste de la personne, lorsqu'il s'agit d'en justifier et d'en
défendre les droits. L'aporie est ici manifeste: les droits sont proposés
comme absolus, mais le fondement qu'on invoque pour eux est seulement
relatif. Faut-il donc s'étonner si, face aux exigences « dérangeantes » de
tel ou tel droit, quelqu'un puisse se présenter pour le contester ou pour
décider de le mettre de côté? Les droits qui sont attribués à l'homme
peuvent être affirmés sans crainte d'être démentis seulement s'ils sont
enracinés dans les exigences objectives de la nature, données à l'homme par
le Créateur. Par ailleurs, il va de soi que les droits de l'homme impliquent
pour ce dernier des devoirs. À ce sujet, le mahatma Gandhi déclarait
à juste titre: « Le Gange des droits descend de l'Himalaya des devoirs ».
C'est seulement en faisant la clarté sur ces présupposés de fond que les
droits humains, aujourd'hui soumis à des attaques continuelles, peuvent être
défendus de manière appropriée. Sans une telle clarté, on finit par utiliser
la même expression « droits humains », sous-entendant alors des sujets très
différents entre eux: pour certains, la personne humaine marquée par une
dignité permanente et des droits toujours valables, partout et pour
quiconque; pour d'autres, une personne à la dignité changeante et avec des
droits négociables dans leur contenu, dans le temps et dans l'espace.
13. Les Organisations internationales font constamment référence à la
sauvegarde des droits humains, en particulier l'Organisation des Nations
unies qui, par la Déclaration universelle de 1948, s'est donné comme tâche
fondamentale la promotion des droits de l'homme. Cette Déclaration est vue
comme une sorte d'engagement moral assumé par l'humanité tout entière.
Cela comporte une vérité profonde, surtout si les droits décrits dans la
Déclaration sont considérés comme ayant leur fondement non seulement dans la
décision de l'assemblée qui les a approuvés, mais dans la nature même de
l'homme et dans son inaliénable dignité de personne créée par Dieu. Il est
donc important que les Organisations internationales ne perdent pas de vue
le fondement naturel des droits de l'homme. Cela les soustraira au risque,
malheureusement toujours latent, de glisser vers une interprétation qui
serait uniquement positiviste. Si cela devait arriver, les Organismes
internationaux seraient privés de l'autorité nécessaire pour jouer leur rôle
de défenseur des droits fondamentaux de la personne et des peuples,
principale justification de leur raison d'être et d'agir.
Droit international humanitaire
et droit à l'intérieur des États
14. À partir de la prise de conscience qu'il existe des
droits humains inaliénables liés à la nature commune des hommes, on a
élaboré un droit international humanitaire, que les États se sont
engagés à observer, même en cas de guerre. Cela n'a malheureusement pas été
mis en œuvre de manière cohérente, indépendamment du passé, dans certaines
situations de guerre qui se sont déroulées récemment. Cela s'est ainsi
produit par exemple dans le conflit qui, il y a quelques mois, a eu pour
théâtre le Liban sud, où l'obligation de « protéger et d'aider les victimes
innocentes » et de ne pas impliquer les populations civiles a été en grande
partie négligée. Le douloureux conflit du Liban et la nouvelle configuration
des conflits, surtout depuis que la menace terroriste a mis en œuvre des
formes inédites de violence, requièrent que la communauté internationale
rappelle le droit international humanitaire et l'applique à toutes les
situations actuelles de conflits armés, y compris à celles qui ne sont pas
prévues par le droit international en vigueur. En outre, le fléau du
terrorisme nécessite une réflexion approfondie sur les limites éthiques qui
sont inhérentes à l'utilisation des instruments actuels de maintien de la
sécurité nationale. De plus en plus, en effet, les conflits ne se déclarent
pas, surtout lorsqu'ils sont déclenchés par des groupes terroristes décidés
à atteindre leurs buts par tous les moyens. Devant les scénarios
bouleversants de ces dernières années, les États ne peuvent pas ne pas
éprouver la nécessité de se doter de règles plus claires, capables de
s'opposer efficacement à la dérive dramatique à laquelle nous assistons. La
guerre représente toujours un échec pour la communauté internationale et une
grave perte d'humanité. Quand, malgré tout, on en arrive à ce point, il
convient au moins de sauvegarder les principes essentiels et les valeurs qui
fondent toute convivialité civile, en établissant des normes de comportement
qui en limitent le plus possible les dommages et qui tentent d'atténuer les
souffrances des civils et de toutes les victimes des conflits.(7)
15. Un autre élément qui suscite une vive inquiétude est la volonté
manifestée récemment par certains États de se doter d'armes nucléaires.
Face à une possible catastrophe atomique, un climat diffus d'incertitude et
de peur s'est ensuite développé. Cela fait revenir en arrière, aux peurs et
aux angoisses de la période dite de « la guerre froide ». On espérait alors
que le péril atomique serait définitivement conjuré et que l'humanité
pourrait finalement pousser un soupir de soulagement durable. Comme il
apparaît actuel, à ce sujet, l'avertissement du Concile œcuménique Vatican
II: « Tout acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de
villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants est un crime
contre Dieu et contre l'homme lui-même, qui doit être condamné fermement et
sans hésitation ».(8)
Malheureusement, des ombres menaçantes continuent à s'amonceler à l'horizon
de l'humanité. La voie qui peut assurer un avenir de paix pour tous passe
non seulement par des accords internationaux en vue de la
non-prolifération des armes nucléaires, mais aussi par l'engagement à
poursuivre avec détermination leur diminution et leur démantèlement
définitif. Que rien ne soit laissé de côté pour parvenir, par la
négociation, à la réalisation de tels objectifs! C'est le destin de la
famille humaine tout entière qui est en jeu!
L'Église pour la défense de la
transcendance de la personne humaine
16. Je désire enfin adresser un appel pressant au peuple
de Dieu, pour que tout chrétien se sente engagé à être un infatigable
ouvrier de paix et un vaillant défenseur de la dignité de la personne
humaine et de ses droits inaliénables. Dans un esprit de gratitude envers le
Seigneur pour avoir été appelé à faire partie de son Église qui est, dans le
monde, « signe et sauvegarde de la transcendance de la personne humaine »,(9)
le chrétien ne se lassera jamais d'implorer du Seigneur le bien fondamental
de la paix, qui a tant d'importance dans la vie de chacun. De plus, il
éprouvera la fierté de servir avec un généreux dévouement la cause de la
paix, allant à la rencontre de ses frères, spécialement de ceux qui, non
seulement souffrent de la pauvreté et de privations, mais sont aussi privés
de ce bien précieux. Jésus nous a révélé que «
Deus Caritas Est" » (1 Jn 4,8) et que la vocation
la plus grande de toute personne est l'amour. Dans le Christ, nous pouvons
trouver les raisons suprêmes de devenir de fermes défenseurs de la dignité
humaine et de courageux bâtisseurs de paix.
17. Que ne cesse donc
jamais la contribution de chaque croyant à la promotion d'un véritable
humanisme intégral, selon les enseignements des encycliques
Populorum Progressio et
Sollicitudo
rei socialis, dont nous nous apprêtons à célébrer respectivement le
40e et le 20e anniversaires. Au début de l'année 2007,
je confie ma prière insistante pour l'humanité entière à la Reine de la
Paix, Mère de Jésus Christ « notre paix » (Ep 2,14), vers laquelle
nous nous tournons, au milieu des dangers et des problèmes, avec un cœur
rempli d'espérance. Puisse Marie nous montrer en son Fils le chemin de la
paix et illuminer nos yeux, pour qu'ils sachent reconnaître son Visage dans
le visage de toute personne humaine, cœur de la paix!
Du Vatican, le 8 décembre 2006.
BENEDICTUS PP. XVI
(1) Cf. Catéchisme
de l'Église catholique, n. 357.
(2) Saint
Augustin, Sermon 169, 11, 13; PL 38, 923.
(3) N. 3: La
Documentation catholique 92 (1995), p. 918.
(4)
Homélie à l'Islinger Feld de Ratisbonne (12 septembre 2006):
La Documentation catholique 103 (2006), p. 922.
(5) Cf.
Congrégation pour la Doctrine de la Foi,
Lettre aux Évêques de l'Église catholique sur la collaboration de l'homme et
de la femme dans l'Église et dans le monde (31 mai 2004), nn. 15-16:
La Documentation catholique 101 (2004), pp. 783-784.
(6) N. 38: La
Documentation catholique 88 (1991), p. 537.
(7) À ce sujet,
le Catéchisme de l'Église catholique a donné des critères sévères et
précis: cf. 2307-2317.
(8) Const. past.
sur l'Église dans le monde de ce temps
Gaudium et spes, n. 80.
(9) Ibid.,
n. 76.
© Copyright 2006 - Libreria
Editrice Vaticana
Sources:
www.vatican.va
-
E.S.M.
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.12.2006 - BENOÎT XVI |