Seul l'Infini peut remplir le cœur, affirme Benoît XVI |
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Le 12 janvier 2008 -
(E.S.M.) -
En s'adressant aux jeunes, le pape Benoît XVI leur posa cette question "avez-vous
déjà découvert ce qui est bon" ? "suivez-vous les commandements
du Seigneur" ? Comment voulez-vous que ces jeunes y arrivent si
nous, leurs aînés, sommes démissionnaires et ne leur donnons pas
l'exemple d'une sainte conduite ?
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La
multiplication des pains -
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Seul l'Infini peut remplir le cœur, affirme Benoît XVI
(pour lire la page précédente)
Ne pas sacrifier la jeunesse à
cause de notre mauvaise volonté
(première partie)
Cette page d'évangile afin de nous permettre de prendre conscience de notre
"bonne ou mauvaise volonté" face aux sollicitations du Christ. Notre
conduite (notre sainte conduite !), lourde de conséquences, façonnera les
jeunes qui nous regardent.
En s'adressant à eux, lors de son voyage au Brésil, le pape voulait
entendre de leur part la réponse que le jeune homme de l’Évangile fit à
Jésus. Benoît XVI leur posa cette question "avez-vous déjà découvert ce
qui est bon" ? "suivez-vous les commandements du Seigneur" ?
Comment voulez-vous que ces jeunes y arrivent si nous, les adultes, sommes
démissionnaires ? Écoutons encore le Saint-Père :
"Les années que vous êtes en train de vivre préparent votre avenir.
Le « demain », précise Benoît XVI, dépend beaucoup de votre façon de vivre «
l’aujourd’hui » de votre jeunesse. Vous avez, devant vous, une vie que nous
souhaitons longue ; mais elle est unique : ne permettez pas qu’elle se passe
en vain, ne la gaspillez pas."
(L'appel de Benoît XVI aux jeunes)
Lors du dernier jour de l'année 2007, au cours des Vêpres, Benoît XVI a
prononcé cette
supplication : "Aide Seigneur, par Ta miséricorde, les jeunes, qui sont attirés par une fausse
exaltation ou, pire, la profanation du corps et la banalisation de la
sexualité" ; "comment dénombrer les innombrables défis qui, liés à la
consommation et au sécularisme, interpellent les croyants et les hommes de
bonne volonté ? (Homélie)
De telles paroles devraient interpeller directement tous les
chrétiens, que l'on soit prêtre, parent, éducateur, catéchiste et nous
obliger à nous situer par rapport à l'enseignement du Christ.
Au cours de la Journée mondiale de la jeunesse, le pape Benoît XVI invitait
les jeunes "à suivre le Christ et à
cultiver la liberté intérieure, pour dépasser «
la corruption et l’avidité » qui inondent
le monde".
(Benoît
XVI) L'on pourrait se poser la question :
le monde, qui est-ce... c'est sûrement les autres
?
- Ne craignez pas d'envisager de grands projets positifs, proposait le pape
aux jeunes et ne vous laissez pas décourager par les difficultés.
"Je sais bien - a ajouté Benoît XVI - que ce message est de plus en plus
difficile à comprendre. Quelle accumulation d'échecs autour de nous !
(...) Le Pape vous est proche et
prie pour que la crise de la famille ne devienne pas une
catastrophe
irréversible". (Réponses du Saint Père)
- Jésus a une prédilection
pour les jeunes, comme le souligne le dialogue avec le jeune riche
(cf. Mt
19, 16-22; Mc 10, 17-22); il en respecte la liberté, mais il ne se lasse
jamais de leur proposer des objectifs plus élevés pour la vie:
la nouveauté
de l'Évangile et la beauté d'une conduite sainte. (...) Laissez-vous emporter par la
vie nouvelle qui naît de la rencontre avec le Christ
et vous serez en mesure d'être des apôtres de sa paix... (Homélie du Saint Père)
- Les initiatives de divertissement au cours des week-ends
rassemblent de nombreux jeunes fait remarquer Benoît XVI. On peut "errer"
également virtuellement en "naviguant" sur Internet, en recherchant des
informations ou des contacts en tout genre. Malheureusement, ne manquent pas
- et ils sont même hélas trop nombreux ! - les jeunes qui cherchent des
paysages mentaux aussi vides que destructeurs dans les paradis artificiels
de la drogue. (...) La vérité est que
les choses finies peuvent apporter des lueurs de joie, mais
seul l'Infini
peut remplir le cœur.
(Jeunes)
Extraits de quelques pages de cours et d'étude sur
l'évangile Johannique (suite)
Où nous situons-nous ?
Si le monde désigne avant tout ceux que leur orgueil, leur dureté, leur
manque de bonne volonté tiennent écartés de la foi, il est, dans l'évangile
johannique une tout autre catégorie d'âmes, chez lesquelles la bonne volonté
existe, mais se heurte à des obstacles qui risquent de l'annihiler. Chez ces
âmes, à la différence des pharisiens, la difficulté provient, non de la
malignité, mais de la faiblesse. L'entraînement des sens et les péchés qui
en dérivent les ont rendues captives, substituant à l'attirance divine une
autre attirance, tyrannique, et bientôt prépondérante.
Cependant, ces âmes ne se sont pas fermées volontairement aux appels de
Dieu, aussi sont-elles encore capables de les entendre, bien qu'elles soient
incapables de les suivre. La bonne volonté, bien qu'inefficace, ne leur fait
pas défaut, et c'est pourquoi Dieu a encore prise sur elles. Il l'a d'autant
plus, qu'elles ont, sur les âmes orgueilleuses et suffisantes, un immense
avantage : celui de se savoir et de se reconnaître coupables.
Elles n'ont
pas élevé de leurs propres mains une infranchissable muraille entre elles et
Dieu. C'est par faiblesse et comme à regret, qu'elles l'ont laissée monter
peu à peu. Mais Dieu, mettant à profit cette faiblesse et leur misère
avouée, se fraiera un chemin jusqu'à elles. Connaissant mieux qu'elles
encore leur désir de se détacher de ce qui, si souvent contre leur gré, les
tient asservies, il fera miséricordieusement naître l'occasion qui les
ouvrira à la grâce et les délivrera.
Ainsi en agit-il avec la Samaritaine, Madeleine et la femme adultère ; ainsi
agit-il encore avec chaque âme faible, mais de bonne volonté.
Jean qui nous a rapporté en des termes d'une rigueur redoutable la
condamnation des pharisiens par le Christ, use au contraire d'une admirable
délicatesse pour nous montrer dans ces âmes, apparemment mal préparées, mais
en fait si peu éloignées de Dieu, les premières lueurs d'un retour et l'aube
d'une foi qui s'éveille sous le souffle de la divine miséricorde.
En revanche, il nous montre le Christ plus sévère pour les âmes pusillanimes
dont la bonne volonté est pratiquement neutralisée,
annihilée par la crainte de s'engager, et par une insuffisante
générosité... Ces âmes s'avèrent incapables de faire le pas, de passer à
l'acte. Ce fut le cas des nombreux témoins de la multiplication des pains.
Ces « disciples » de Jésus, pleins d'enthousiasme et d'une générosité de
surface, s'étaient alors écriés : « Que nous faut-il faire pour
travailler aux œuvres de Dieu (6. 28) ? »
Mais placés, aussitôt après, devant l'obligation d'adhérer aux paroles du
Christ sur le pain de vie, et de poser un acte de foi vraiment onéreux, ils
se récusent et refusent de s'engager. « Ce qu'il dit est trop fort, qui
peut l'écouter ? Dès lors bon nombre de ses disciples se retirèrent et
cessèrent de l'accompagner (6. 66). »
En mettant en lumière les obstacles à la bonne volonté et à la foi, Jean n'a
pas manqué d'en chercher la cause. Sans doute l'inclination au mal de la
nature déchue suffirait à expliquer que l'attirance vers la lumière et la
vérité soit si souvent battue en brèche. Ainsi en va-t-il chez tous ceux qui
appartiennent « au monde » et en sont prisonniers. Cependant les obstacles
ne seraient pas aussi forts, aussi redoutables, sans l'action incessante de
Satan.
C'est lui qui cherche à ruiner la bonne volonté dans les âmes, en les
séduisant et en les tenant captives. Si elles ne se libèrent pas de celui :
« qui est homicide dès le commencement (8.
44) », elles ne parviendront pas à connaître la Vérité ; elles
sont vouées à la mort.
Je m'en vais et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché
(8. 21).
Oui, si vous ne croyez pas que je suis, vous mourrez dans votre péché
(8. 24).
Jésus ne précise pas de quel péché il s'agit, parce qu'en définitive tout
péché tend à produire dans l'âme les mêmes effets, à élever les mêmes
obstacles entre elle et Dieu.
Tout homme qui commet le péché est un esclave
(8.34).
Cet esclavage empêche l'âme d'entendre la voix de Dieu, d'écouter ses appels
et de les suivre.
Ma parole n'entre pas en vous (8.37)
Vous ne pouvez pas écouter ma parole (8.43).
Asservie au péché, l'âme ne peut plus, quand bien même elle en aurait le
désir, s'établir dans la vérité et dans la lumière. L'action de celui «
en qui il n'y a pas de vérité (8.44) », qui
est « menteur et père du mensonge (8.44)
», a fini par avoir raison de cette bonne volonté qui pouvait encore
subsister en l'âme et avait mission de préparer les voies à la foi.
L'obstacle à la bonne volonté réside donc dans le péché, dans tous les
péchés, aussi bien ceux qui nous détournent de la lumière que ceux qui nous
asservissent à nos sens. En faisant de nous des esclaves, ils nous placent
sous le pouvoir du démon. Le Christ ira jusqu'à dire à ceux qui se
soumettent au péché :
Vous avez pour père le diable,
et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir
(8.44).
Devenir « enfant de Dieu (1.I4) » par la
foi, ou « avoir pour père le diable (8.44)
», tel est en fin de compte l'enjeu de cette option redoutable qui repose
sur la bonne ou la mauvaise volonté.
Il serait cependant d'une psychologie paresseuse et quelque peu simpliste de
rendre Satan seul responsable de la faillite de notre bonne volonté. Certes,
il exerce sur elle une influence indéniable, constante et multiforme ; mais
les difficultés qu'elle rencontre, tiennent plus encore à notre nature, et à
notre manière de recevoir ou d'écarter les grâces divines.
Or il semble que la bonne volonté s'appuie elle-même sur une disposition
plus cachée et plus intime, exigée de tous ceux que l'Évangile nous présente
: des pharisiens orgueilleux, des âmes faibles et prisonnières de leur
péché, des âmes pusillanimes qui hésitent à s'engager, des âmes droites et
généreuses enfin, qu'il s'agisse du fonctionnaire de Capharnaüm, de
l'aveugle-né, ou des apôtres eux-mêmes.
Cette disposition paraît consister en une volonté d'attention bienveillante,
d'accueil favorable à ce qui nous vient du prochain, et plus encore, en une
ouverture à Dieu, commandées par une humilité, une « pauvreté en esprit »
véritables. Mais le quatrième Évangile n'employant jamais ce mot, on
pourrait parler ici de « modestie », intellectuelle ou spirituelle, selon
les cas.
Celui qui la possède connaît ses limites. Il ne s'enferme pas dans son
propre univers, mais accepte qu'il en existe d'autres, aussi valables que le
sien, encore inconnus de lui, et que le prochain l'aidera à découvrir.
En revanche, ceux qui, dans les Évangiles, ont refusé la lumière,
apparaissent jalousement prisonniers de leur trésor, de leur champ, de leurs
privilèges, de leur volonté ou de leur univers propre, voire de leur
religion elle-même, considérée comme un bien dont ils ont la propriété et
l'usage exclusifs. Plus le « riche » est centré sur lui-même, plus il réagit
fortement à ce qui menace de l'atteindre et de le priver de ses biens, et
moins il est capable de « bonne volonté ». Au contraire, l'humble, le
modeste, même s'il possède beaucoup de biens, garde le sens de leurs
limites, de leur précarité, il est toujours prêt à les quitter pour d'autres
valeurs, plus hautes, plus universelles.
L'invitation à la foi adressée à chaque homme le prend là où il est et comme
il est. Elle lui demande seulement de ne pas se considérer comme un absolu,
mais d'accepter de voir ses positions remises en question. Ceci exige qu'il
fasse confiance à un autre et avance dans l'inconnu.
Le quatrième Évangile qui illustre admirablement cet état d'esprit, nous
permet également de comprendre qu'en ses débuts cette modestie manque encore
sur certains plans, tandis que déjà elle se manifeste sur d'autres. C'est
ainsi que chez la Samaritaine aucun changement notable d'attitude
n'apparaît, alors pourtant que déjà la grâce progresse en son âme.
Et cependant, le récit évangélique nous la montre véritablement sur ces
frontières où l'immodestie des mœurs et de l'esprit risque de constituer un
infranchissable obstacle. Mais, aussi bien son persiflage que son attitude
désinvolte apparaissent assez vite comme le bouclier derrière lequel elle
s'abrite, afin de se défendre contre une emprise qu'elle redoute. Poursuivie
dans ses retranchements, elle finit par s'avouer vaincue. C'est qu'en dépit
des apparences, son âme n'avait jamais opposé aux avances divines une
véritable fin de non-recevoir.
De cela, ses actes bien plus que ses paroles permettent de prendre
conscience. Ils nous la montrent en effet acceptant d'être mise en face
d'elle-même, reconnaissant sa faiblesse, sa misère (4.29),
et ne s'opposant pas à ce que le «Prophète (4.19)»
renverse l'édifice intérieur qu'elle s'était efforcée de maintenir dans un
équilibre précaire. Elle accepte même, en définitive, qu'il la place devant
cet absolu dont elle avait soif, mais dont elle redoutait les exigences. Dès
lors les voies sont ouvertes par où la grâce va cheminer et la conduire à la
foi.
Quant à Marie Madeleine, — dont la présence se devine à l'arrière-plan de
l'évangile johannique, bien avant que l'apôtre ne la mette en scène — c'est,
pourrait-on dire, par état de vie qu'elle est immodeste ; ayant pour métier
de susciter et d'accaparer les hommages dont elle s'enrichit, de servir pour
son propre compte. Convertie, ses attitudes gardent encore la « forme » de
jadis ; et cependant, par-delà l'immodestie — ce parfum à l'odeur
persistante dont sa personne ne saurait se déprendre d'un seul coup — on
perçoit l'effort qu'elle fait pour se dépouiller d'elle-même, son âme étant
éprise d'une autre Beauté. Si ses gestes demeurent encore semblables à ce
qu'ils furent hier, l'intention qui les lui dicte est toute autre.
Désormais, en effet, ils ne sont plus commandés par le culte exclusif du
moi, mais tournés vers l'oblation et le sacrifice.
Aussi ne se soucie-t-elle plus de voir moqués et méprisés les moyens qu'elle
employait hier encore pour séduire et pour plaire. Qu'importe dès lors si la
même grâce humaine émane encore de tout son être, de tous ses gestes, si à
nouveau elle dénoue sa chevelure (Lc 7.38), et
si la demeure s'emplit toute de l'odeur de son parfum; puisque désormais
elle ne se recherche plus en tout cela et que tout en elle est
définitivement renoncé et offert.
Modestie et bonne volonté d'une âme alors que les apparences demeurent
inchangées... Dieu seul peut juger cette transformation intérieure ; seul il
peut juger les cœurs. Les cheminements secrets de la bonne volonté demeurent
cachés aux hommes (Lc 7.29) et ne sont connus
que de Dieu. La parole du Sauveur, admirable en sa profondeur comme en sa
mansuétude : « Ses nombreux péchés lui seront remis parce qu'elle a montré
beaucoup d'amour (Lc 7.47)» permet de saisir
comment le Christ met sa connaissance divine de « ce qu'il y a dans
l'homme (2.25) » au service de son infinie
miséricorde.
Plus aisés à interpréter sont les autres exemples de bonne volonté
rencontrés dans le quatrième Évangile.
Le fonctionnaire de Capharnaüm, l'aveugle-né, ne réclament pas de preuve ;
ils s'en remettent avec confiance à la parole du Maître. Tous deux acceptent
qu'un Autre prenne en mains leur destinée et, faisant irruption dans leur
vie, en modifie le cours.
Plus remarquable encore la modestie des futurs apôtres. Quoi d'étonnant,
dira-t-on peut-être, si le Christ en impose à de simples pêcheurs du lac de
Tibériade, à des hommes de peu! Il faudrait en réalité retourner l'argument
: S'Il s'est révélé à eux, s'Il a trouvé le chemin de leur cœur, c'est qu'Il
les a connus humbles, ouverts, perméables à la lumière et à la vérité.
En effet, à moins de voir dans leur vocation et leur réponse un coup de
force de la grâce, foulant aux pieds leur liberté, il faut bien admettre que
chez eux, la rapide victoire de la foi s'explique par leur modestie
foncière. S'ils ont répondu à l'appel du Christ, c'est que leur âme était
celle de véritables pauvres en esprit, c'est qu'ils n'étaient pas
prisonniers d'eux-mêmes. Ces âmes d'espérance, d'attente et de désir,
n'étaient à aucun degré « des âmes propriétaires
(L'expression est de saint JEAN DE LA CROIX. Montée, 11,26) ».
Aussi, lorsque la route du Maître rencontra la leur, il leur fut aisé de le
suivre, comme les feuilles que le grand vent d'automne soulève et entraîne
après lui.
En face de ces âmes, l'attitude des pharisiens, des docteurs de la Loi, de
tous les « sages », apparaît pleine de suffisance et fermée. Leur modestie
feinte cache un orgueil foncier, une volonté arrêtée de ne rien accepter —
fût-ce la Vérité elle-même — de ce qui viendrait bousculer leur univers.
Dans un tel climat, l'attirance divine, se heurtant à des portes closes,
demeure impuissante. Pleins d'eux-mêmes et sûrs d'eux-mêmes, les pharisiens
regardent toutes choses de haut : «Nous savons, nous
(9.24)...» En tous domaines, leur siège est fait.
Pour que la grâce ait pu les atteindre, il leur aurait fallu considérer la
Vérité comme un absolu vers lequel chaque homme se doit de tendre, dans une
attitude de renoncement total à ses propres lumières, de dépendance
amoureuse et de service.
Une telle attitude, impossible « aux sages et aux habiles
(Mt 11.25) », est en revanche aisée et douce aux
humbles et aux petits, ces véritables « enfants de Dieu » chez
lesquels il semble que l'on aperçoive encore un reflet du Paradis. Si le
péché a eu prise sur eux comme sur tous, du moins il ne semble pas qu'il les
ait séparés, retranchés, opposés à Dieu, à l'égal des autres hommes,
refermés sur eux-mêmes et qui ont pris l'habitude de n'admettre que ce
qu'ils ont d'abord fait passer au crible de leur propre jugement. A de tels
hommes, tout paraît menacer leur autonomie, leur indépendance. Et c'est
ainsi qu'élevant des barrières autour d'eux, ils deviennent peu à peu
prisonniers d'eux-mêmes.
Seuls l'humilité, le renoncement, l'ouverture généreuse à la Vérité et à ses
exigences leur permettraient de recouvrer cette liberté intérieure que le
Christ est venu leur proposer et dont ils ne veulent pas, parce que trop
onéreuse :
Si vous demeurez dans ma parole... vous connaîtrez alors la vérité
et la vérité vous fera libres, dit alors Jésus à ceux des Juifs qui
l'avaient cru.
Ils lui répondirent : Nous sommes de la race d' Abraham, et jamais nous
n'avons été esclaves de personne. Comment peux- tu dire : Vous deviendrez
libres ?
Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, tout homme
qui commet le péché est un esclave...
Si le Fils vous affranchit vous serez réellement libres...
Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ?
C'est que vous ne pouvez pas écouter ma parole...
Ma parole n'entre pas en vous...
Si vous n'entendez pas, c'est que vous n'êtes pas de Dieu
(8. 31-47).
Dans cette libération par la dépendance, l'humilité, et le renoncement, Jean
voit le secret de la bonne volonté et la condition de ses progrès.
En effet, le véritable obstacle à la bonne volonté chez un homme n'est pas
tant sa faiblesse, que son refus de renoncer à ce qui s'oppose en lui à la
foi, et surtout de se renoncer lui-même.
Réalité beaucoup plus religieuse que morale, le renoncement est le moyen
universel et nécessaire sans lequel le travail divin ne peut s'accomplir. Il
apparaît lié à l'attirance divine, c'est-à-dire à la grâce de foi prise à
ses débuts, comme le moyen est lié à la fin. Or on ne répond à un appel
qu'en quittant le lieu où l'on se trouve ; on ne suit une grâce qui vous
attire, qu'en renversant ou brisant les obstacles ou du moins en les
dépassant. Répondre à Dieu, même lorsque son appel n'a pas encore la forme
claire et personnelle que la foi lui conférera par la suite, exige déjà que
l'on se mette en état de répondre, que l'on se libère de ce qui nous tient
prisonniers, pour aller là où Dieu nous appelle et nous attend.
Tel était déjà l'enseignement de l'Ancien Testament. En le méditant, Jean
n'avait pu manquer d'y découvrir, dès les premières pages de l'histoire du
peuple de Dieu, les rapports étroits qui unissent le renoncement et la foi.
A celui qui devait devenir le « Père des croyants » et « notre Père dans la
foi » : Abraham, la première parole de Yahvé avait été : « Quitte ton pays,
ta parenté et la maison de ton père pour le pays que je t'indiquerai
(Gn 12. 1) ». La première étape sur le chemin qui
devait conduire le patriarche à la foi, s'accompagnait d'un premier et
nécessaire renoncement.
A la seconde étape devait correspondre un second renoncement, plus onéreux
encore, celui de ses espérances. Abraham avait coupé tous les ponts derrière
lui, il lui fallait maintenant renoncer à se survivre. A Yahvé qui lui
promet une récompense très grande, le vieillard sans descendance et désabusé
ne peut que répondre : « Monseigneur Yahvé, que me donnerais-tu ? Je m'en
vais sans enfant »... Le conduisant dehors, Yahvé lui dit alors : « Lève les
yeux au ciel et dénombre les étoiles si tu peux... telle sera ta postérité».
«Abraham crut en Yahvé qui le lui compta comme justice (Gn
15-6) », car le vieillard, renonçant à ses propres lumières,
se
jeta en Dieu avec une absolue confiance.
Cependant, une troisième étape était encore nécessaire pour que la foi
d'Abraham parvînt à sa pureté et à sa perfection. Cela ne pouvait se faire
sans un ultime renoncement, le plus douloureux et le plus incompréhensible.
N'atteignait-il pas Abraham dans sa propre chair, ne tuait-il pas le
présent, après lui avoir ôté le passé et l'avenir ? : « Prends ton fils, ton
unique que tu chéris, Isaac, et va-t'en au pays de Moriyya, et là tu
l'offriras en holocauste sur une montagne que je t'indiquerai
(Gn 22.2) ». Abraham obéit, et ce renoncement
héroïque établit sa foi dans la perfection de l'amour. Telles avaient été
les exigences de Yahvé pour établir la foi d'Abraham sur une base
inébranlable. Elles ne devaient pas êtres moindres pour Jean le Baptiste, le
maître du disciple bien-aimé.
Quel exemple de renoncement le Précurseur chargé par Dieu de frayer les
chemins de la foi en Israël, et géant de la foi lui-même, n'avait-il pas
donné ! Renoncement à toute gloire personnelle : «Qui es-tu ? — Je ne
suis pas le Christ — Es-tu Élie ? —Je ne le suis pas — Es-tu le prophète ?
Non — Qui es-tu, que nous donnions réponse à ceux qui nous ont envoyés ? —
Moi, je suis une voix qui crie dans le désert...(1.19-23)
»
Renoncement à toute influence personnelle : «Fixant les yeux sur Jésus qui
passait, il dit : 'Voici l'Agneau de Dieu', ses deux disciples l'entendant
parler, suivirent Jésus (1.36) ».
Désintéressement total : « Je ne suis pas le Christ... mais je suis
envoyé devant lui. Il faut qu'il grandisse et que moi, je décroisse
(1.20; 3. 29,30) » qui aboutira au martyre,
(Mt 14.10) mais que la joie, la suavité viennent
visiter parce que c'est un renoncement d'amour :
L'ami de l'époux qui est là et qui l'entend
est ravi de joie à la voix de l'époux.
C'est là ma joie, elle est maintenant parfaite (3-29).
Mais était-il besoin de chercher des exemples dans le passé ? Son expérience
personnelle montrait à l'apôtre Jean que sa foi avait suivi des voies toutes
semblables : renoncement à sa famille, à son père, à son métier
(Mt 4.22), renoncement à son maître le Baptiste
(1.27). Et les mots : «Viens, suis-moi
(1. 39,43,46) »
qui scandent le début du quatrième Évangile, sont liés dans son souvenir à
la naissance à la foi de ses compagnons : pour eux comme pour lui, elle
avait fleuri sur un renoncement essentiel, définitif, total.
Certes, l'appel est toujours premier et l'amour divin précède notre réponse,
donc notre renoncement. Mais le renoncement est inscrit dans cet appel même
et la foi ne jaillit pour ainsi dire que d'une terre dépouillée, comme
certaines fleurs n'éclosent en forêt que lorsque le bûcheron a abattu la
futaie, dont le couvert faisait écran aux rayons du soleil.
A plusieurs reprises Jean laisse entendre que l'incapacité à pratiquer le
détachement paralyse en nous cette grâce d'attirance qui, fidèlement suivie,
aurait abouti à la foi :
Comment pourriez-vous croire, vous qui tirez les uns des autres votre
gloire et de la gloire qui vient du seul Dieu n'avez nul souci
(5-44)?
Renoncement à l'égoïsme, à l'orgueil, à la vanité, renoncement aux lumières
que nous croyons avoir, à l'estime, à l'espérance humaine, renoncement au
péché sous toutes ses formes :
Tout homme qui commet le péché est un esclave
(8.34).
Quiconque fait le mal, hait la lumière
et ne vient pas à la lumière (3.20).
Renoncement à l'esprit de lucre et de possession que Jean stigmatise en
Judas, ce « voleur (12.6) » et qui
devait si fortement contribuer à son naufrage.
Renoncement à la triple concupiscence, qui tient les hommes enchaînés et
dont on ne se délivre que par un véritable détachement, condition de cette «victoire
sur le monde qu'est notre foi (1 Jn 5- 5)
».
Renoncement à nous-mêmes enfin, qui contient tous les autres et les
accomplit :
Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ;
s'il meurt, il porte beaucoup de fruit.
Qui aime sa vie la perd ;
et qui hait sa vie en ce monde
la conservera en vie éternelle (12.24,25).
Telles apparaissent, dans le quatrième Évangile, les exigences de celui qui
vient nous proposer la foi.
Cependant, renoncement et bonne volonté ne sont pas nécessaires seulement
sur le chemin qui mène à la foi : ils le demeurent encore, lorsque ayant
répondu à l'attirance divine et reçu du Christ la grâce de foi, l'homme
désire progresser dans cette foi, en découvrir et en vivre les inépuisables
richesses.
Sources: www.vatican.va
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.01.2008 - BENOÎT XVI
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