Appel des évêques africains et européens aux leaders des deux continents réunis à Lisbonne


Rome, le 11 décembre 2007 - (E.S.M.) - “Nous vous demandons de faire face aux maux de l’esclavage de notre époque” : l’appel adressé par les évêques africains et européens aux leaders des deux continents réunis à Lisbonne

Appel des évêques africains et européens aux leaders des deux continents réunis à Lisbonne
AFRIQUE - “Nous vous demandons de faire face aux maux de l’esclavage de notre époque” : l’appel adressé par les évêques africains et européens aux leaders des deux continents réunis à Lisbonne
“L’esclavage persiste encore aujourd’hui, avec des voies plus imperceptibles : que l’on pense à la façon dont sont traités les migrants, les travailleurs immigrés, les enfants forcés de travailler, ou les femmes et les enfants victimes de la traite des êtres humains. Si le partenariat entre l’Europe et l’Afrique est destiné à apporter la justice sociale et le développement intégral humain pour tous, nous vous demandons de faire face aux maux de ces nouvelles formes d’esclavage de notre époque”. Ainsi les évêques d’Afrique et d’Europe ont-ils fait appel aux chefs d’Etat et de gouvernement des deux continents dans une lettre remise lors du sommet Europe-Afrique qui s’est déroulé les 8 et 9 décembre à Lisbonne, au Portugal. (Lire le message du pape Benoît XVI pour la journée des migrants º Message de Benoît XVI pour la 94è Journée Mondiale des Migrants)

La Lettre a été écrite lors de la rencontre des évêques européens et africains qui s’est tenue en novembre au Ghana (cf Une nouvelle forme d'esclavage). Les évêques des deux continents, rappelant que cette année l’on fête les 200 ans de l’abolition de l’esclavage en Afrique occidentale, ont suggéré aux leaders politiques africains et européens d’adopter certaines mesures pour lutter contre les formes modernes d’esclavage. Parmi ces formes, il y a : la lutte contre la traite des êtres humains; mettre fin à l’exploitation continuelle des ressources africaines, matérielles, mais aussi humaines (en particulier les évêques rappellent le problème de la “fuite des cerveaux” et du personnel médical du continent); s’investir pour atteindre les objectifs du Millénaire (le programme de l’ONU pour éradiquer la pauvreté d’ici 2015); poursuivre le bien commun et le bon gouvernement et lutter contre la corruption; reconnaître la contribution des migrants au développement des pays accueillant et au soutien des familles restées dans les pays d’origine par les sommes qu’ils leur remettent.

Au sommet de Lisbonne, les 27 pays de l’Union Européenne et les 53 pays africains ont donné naissance à un “partenariat stratégique” sur les questions économiques et de développement, et sur les problématiques relatives à la sécurité, à la migration, aux changements climatiques, à l’énergie. L’accord est destiné à créer un “rapport entre égaux”, fondé sur 8 points, dont certains ressemblent à ceux soulevés par les évêques dans leur Lettre. Parmi ceux-ci il y a : l’immigration, avec la proposition de créer un “pacte sur l’immigration”, pour co-gérer les flux d’immigration d’Afrique en Europe; la paix et la sécurité; le bon gouvernement (lutte contre la corruption, la torture, le trafic de drogue et d’êtres humains, et une meilleure gestion des ressources naturelles); le commerce et l’intégration économique, pour aider l’Afrique à produire des marchandises qui soient compétitives sur les marchés internationaux. Sur ce point il y a eu des divergences au cours des négociations pour les nouveaux Accords de partenariat économique, en remplacement des anciens accords de Lomé. La plupart des pays africains repoussent la perspective de créer en 2025-2030 une zone de libre échange entre les deux continents, qui risque de détruire la fragile économie africaine.

Le président de la Commission européenne, Manuel Barroso, a promis plus de temps, l’année prochaine, pour les négociations sur les accords APE, mais a rappelé que les ententes provisoires devaient être signées d’ici la fin de l’année pour éviter des conséquences négatives dans les échanges commerciaux entre les deux continents.

AFRIQUE - “Nous vérifions l’impact sur la vie des gens pour comprendre s’il y aura un vrai tournant entre l’Europe et l’Afrique” dit à Fides un missionnaire

Sur le sommet entre l’Union Européenne et les pays africains qui s’est tenu à Lisbonne, nous publions un commentaire envoyé à l’Agence Fides par le Père Gerardo Caglioni, missionnaire xavérien qui a travaillé 12 ans en Sierra Leone.

“L’Europe et l’Afrique se sont toujours rencontrées : tout d’abord dans le bassin méditerranéen, puis avec les explorations et enfin avec la conquête coloniale. Aujourd’hui principalement avec le commerce. Je crois que c’est là le nœud de la question : les très précieuses matières premières et la main d’œuvre à très bas coût, d’une part, et la dangereuse concurrence des pays asiatiques, de l’autre. En outre, les régimes africains ont toujours davantage besoin de conquérir les clients intéressants et l’Europe ne veut pas perdre un marché intéressant, en particulier les très précieuses matières premières.

Le sommet EU-Afrique de Lisbonne des jours derniers a promis d’être une rencontre d’égal à égal et peut-être l’aura-t-il été officiellement et en paroles, mais les résultats réels se vérifieront (à bref et à moyen terme je pense) par son impact réel sur la vie des gens : si le niveau de vie de millions d’africains change effectivement ou reste -comme toujours- une promesse vaine. La population d’Afrique risque chaque jour sa vie pour pouvoir la changer concrètement (le flux des migrations et les bateaux de la mort le prouvent tristement chaque jour), les richesses abondantes de la terre d’Afrique vont habituellement dans les poches d’un petit nombre (et ce sont justement ceux qui siègent aux tables des négociations avec l’Europe) et l’impact sur la population commune est presque nul.

La vraie négociation -me semble-t-il - n’est pas avec les peuples d’Afrique mais avec les gouvernants de régimes plutôt opportunistes qui cherchent le plus grand avantage dans le plus bref temps possible. Qu’il suffise de penser à la fameuse dette des pays du tiers monde. Qui en a tiré avantage? Certainement pas la population des pays graciés, mais certains gouvernants qui se sont empochés une bonne part de ces gains et ont ensuite oublié les engagements pris pour le développement de leurs populations.

Une présence plus engagée de l’Europe pourra certainement apporter une aide sûre pour la résolution des conflits qui traversent les générations dans l’Afrique noire, mais pas totalement, car la vraie solution ne pourra venir que de l’intérieur. Les droits de l’homme pourront être proposés, mais non imposés; le flux de l’immigration corrigé, mais non résolu; le développement favorisé, mais non implanté; la paix sollicitée, mais non imposée; l’environnement amélioré, mais pas nécessairement plus sûr ni plus sain; le commerce plus équitable, mais pas nécessairement plus juste, etc.

L’Afrique pourra se choisir tous les partenaires qu’elle voudra, mais elle devra se convaincre, une fois pour toutes, que son avenir est seulement entre ses mains... et dans la Providence de Dieu”.

Sources: www.vatican.va (L.M.) - E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
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