Motu Proprio de Benoît XVI, point de vue d'un
"conciliaire" |
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Le 11 septembre 2007 -
(E.S.M.) - Le Père Michel Gitton nous
dit qu'il a été comme tout le monde le témoin navré des déformations,
abâtardissements, dérives en tout genre dont a souffert la liturgie
catholique depuis le concile. Il espère qu'on va pouvoir commencer un
travail sérieux.
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la richesse complexe de la tradition de l'Église -
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Motu Proprio de Benoît XVI, point de vue d'un "conciliaire"
(1)
En second titre : L'erreur que font les évêques de
France (2)
II faut que je le dise pour ceux qui ne me connaissent pas : je ne suis pas
un inconditionnel du missel de 1962; depuis mon ordination (en 1974), j'ai
toujours célébré la messe selon l'Ordo Missae promulgué par le pape Paul
VI et je ne l'ai jamais regretté, même si j'ai été comme tout le monde le
témoin navré des déformations, abâtardissements, dérives en tout genre dont
a souffert la liturgie catholique depuis le concile. Je crois connaître
assez bien le rite en vigueur jusque-là et l'estimer pour ses valeurs
propres, sans me croire obligé de l'adopter.
L'annonce du Motu proprio de notre Saint-Père Benoît XVI facilitant la
célébration de la messe selon le précédent missel n'aurait donc pas de
raison de me concerner et je pourrais même craindre que la généralisation
de ce rite rende problématiques les tentatives faites par moi et d'autres
depuis vingt ans et plus pour faire goûter la liturgie selon le rite «
restauré », mais en pleine continuité avec la tradition liturgique
antérieure. Là où il existera la possibilité de célébrer en toute
légitimité le culte selon le rite tridentin, quel besoin aura-t-on d'une
messe de Paul VI même solennelle, même respectueuse des règles ?
C'est peut-être là qu'on va pouvoir commencer un travail sérieux et voir,
d'une part, ce qu'a réellement apporté la réforme liturgique et, d'autre
part, ce qui reste à faire pour l'intégrer pleinement dans le développement
multiséculaire du rite latin. Tant qu'on en est resté à une perspective de
rupture, où il s'agissait de déprécier ce qui s'était fait jusque-là pour
marquer les avancées, souvent très illusoires, qu'on attribuait à la dite
réforme, rien ne pouvait avancer et on en restait à un dialogue de sourds.
Aujourd'hui, il devient possible de comprendre les inflexions voulues par
l'Église, tout en reconnaissant la valeur des manières de faire
antérieures. En fait il s'agit le plus souvent de retrouver la richesse
complexe de la tradition de l'Église qui est loin d'aller dans un seul
sens. Si on a mis en valeur, dans la foulée de la déclaration conciliaire
sur la Sainte Liturgie, certains aspects, un peu méconnus jusque-là, ce
n'était pas pour nier les autres, qui restent souvent à l'horizon et qu'il
faudra quelque part réintégrer.
Prenons un exemple, qui pourrait être d'actualité dans les mois à venir, la
question du lectionnaire. Les tenants de la réforme liturgique claironnent
souvent en disant que
le grand bénéfice du nouveau lectionnaire de la messe est d'avoir permis un
accès beaucoup plus large au texte de la Sainte Écriture, puisqu'il existe
maintenant une lecture presque continue de certains livres bibliques, grâce
au fait que les péricopes bibliques se renouvellent sur un cycle de deux
ans (en semaine) et de trois (les dimanches et fêtes). Mais les partisans
du rite antérieur ont beau jeu de montrer que cette diversité n'entraîne
pas forcément un approfondissement chez les fidèles, qui ne peuvent plus
rien mémoriser et qui se noient souvent dans des explications exégétiques
auxquelles ils ne comprennent pas grand-chose. Les lectures indéfiniment
ressassées finissaient par entrer dans les esprits les plus obtus, ruminées
à travers les chants de la liturgie, elles se frayaient un chemin
dans les
cœurs, là où l'amas indigeste des lectures forme une masse que très peu
peuvent maîtriser. Qui pourrait douter néanmoins du bienfait d'un accès
plus large à la Parole de Dieu ? Disons que nous commençons seulement à en
mesurer les exigences et que l'ancien rite peut être précisément une aide
pour comprendre par quelles voies on peut passer de la lecture à son
assimilation croyante et priante: la convergence du texte et du chant, la
fixation sur une fête ou sur un dimanche de lectures qui en deviennent en
quelque sorte emblématiques (comme les Béatitudes à la Toussaint), tout
cela demandera sans doute de lents et patients ajustements, mais c'est dans
ce sens qu'il faut marcher.
On comprendra pourquoi je me réjouis sans réserve de la nouvelle
disposition. Loin de tout intérêt partisan, j'y vois le signe qu'on est
sorti d'un temps de violence et d'ignorance mutuelle. J'espère que ce
réajustement ne s'arrêtera pas à la liturgie, car c'est tout notre héritage
théologique et spirituel qu'il s'agit de libérer de l'illusion d'une
rupture: nous n'avons pas réinventé la foi et la vie chrétienne au XXe
siècle. Mais tout ce qui a été redécouvert et approfondi doit contribuer à
l'intelligence de ce que nous portons et qui, seulement à cette condition,
pourra convertir le monde.
Père Michel Gitton *
* Recteur de la basilique Saint-Quiriace de Provins, directeur de la revue
Résurrection, fondateur de Aïn Karim et auteur de Initiation à la liturgie
romaine, préfacé par le cardinal Joseph Ratzinger, Ad Solem, 2003.
(2) L'ERREUR QUE FONT LES ÉVÊQUES DE FRANCE
A la suite de la publication du Motu proprio Summorum pontificum par Benoît
XVI, et pour répondre aux demandes des fidèles qui préfèrent la liturgie
d'avant Vatican II, les évêques de France sont en train d'indiquer les
paroisses où pourront être célébrées des messes selon la forme
"extraordinaire" du rite romain.
C'est très généreux de leur part et il faut les remercier.
Ce faisant, ils commettent cependant une erreur: cette erreur consiste à
présupposer que partout où la messe ne sera pas célébrée selon la forme
"extraordinaire", elle sera célébrée selon la forme "ordinaire".
Voilà donc les évêques de France en train d'ouvrir des sanctuaires à la
forme "extraordinaire" du rite romain, sans chercher, en même temps, à
corriger les innombrables liturgies paroissiales qui ne respectent pas la
forme "ordinaire" de ce même rite. C'est à croire que nos évêques n'ont
pas bien lu ou n'ont pas bien compris la Lettre que le Saint-Père leur a
adressée. (ndlr : ou n'ont pas envie !)
Dans cette Lettre, en effet, Benoît XVI leur explique très
clairement que le refus de la liturgie romaine restaurée à la suite de
Vatican II "s'est produit avant tout parce qu'en de nombreux endroits on ne
célébrait pas fidèlement selon les prescriptions du nouveau Missel, [mais
qu'] au contraire, celui-ci finissait par être interprété comme une
autorisation, voire même une obligation de créativité [qui] a souvent porté
à des déformations de la Liturgie à la limite du supportable."
Certains de nos évêques donnent l'impression d'avoir "zappé" ce passage de
la Lettre su Souverain Pontife. comme ils semblent avoir "zappé" cet autre
passage où il est dit que "la meilleure garantie pour que le Missel de Paul
VI puisse unir les communautés paroissiales et être aimé de leur part,
est de célébrer avec beaucoup de révérence et en
conformité avec les prescriptions [car] c'est ce qui rend visible la
richesse spirituelle et la profondeur théologique de ce Missel."
Donner de pouvoir célébrer le rite romain sous sa forme "extraordinaire"
sans chercher à corriger, en même temps, ce qui doit être corrigé dans la
façon de mettre en œuvre la forme "ordinaire" de ce rite, est une grave
erreur que sont en train de commettre les évêques lorsqu'ils ne prennent en
compte qu'une moitié - la question de la forme "ordinaire" - du problème
liturgique.
Tant que les évêques de France refuseront d'admettre que ce qu'ils
imaginent être la forme "ordinaire" du rite romain célébré dans les
paroisses, n'est en réalité qu'un patchwork de formes "anormales" qui n'ont
pas lieu d'être, les données du problème liturgique seront faussées et les
solutions proposées seront vouées à un échec qui décevra tous les fidèles.
Nous disons bien: tous les fidèles. Autant ceux qui sont attachés à la
forme "extraordinaire" dans le respect du Motu proprio, que ceux qui sont
attachés à la forme "ordinaire" du rite romain dans le respect de Vatican
II. Le Motu proprio ne pouvant pas, bien sûr, être compris correctement -
de façon authentiquement "catholique" - si on le détache de l'enseignement
conciliaire.
Denis CROUAN docteur en théologie,
Pdt de Pro Liturgia
Table :
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Motu Proprio
Sources:
PRO LITURGIA
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.09.2007 - BENOÎT XVI -
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