Qu’est-ce qui a poussé le Pape Benoît
XVI à publier ce Motu Proprio ? |
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Rome, le 11 juillet 2007 -
(E.S.M.) - C’est à la
condition de ne pas considérer le Concile et la réforme liturgique comme
une rupture avec la tradition de l’Église, mais comme une merveilleuse
étape du développement de cette même tradition, que l’on pourra lire
convenablement le Motu Proprio de Benoît XVI.
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La
duplicité de formes du seul et unique rite romain -
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Qu’est-ce qui a poussé le Pape Benoît XVI à publier ce Motu Proprio ?
1 DEUX FORMES, UN SEUL RITE ROMAIN DE LA MESSE
Introduction au Motu Proprio du Pape Benoît XVI sous
l’aspect liturgico-théologique
Analyse de Mgr Kurt Koch, président de la conférence des évêques suisses
1. Forme ordinaire et extraordinaire
La teneur de la Lettre apostolique, sous forme de Motu Proprio, par laquelle
le Pape Benoît XVI étend la possibilité d’emploi de la liturgie romaine en
vigueur avant la Réforme liturgique approuvée par le Pape Paul VI en 1970 et
donc du Missel Romain publié par le Pape Jean XXIII en 1962, a été largement
discutée ces derniers mois sans qu’on n’en connaisse pour autant le contenu.
Les réactions allaient dès lors de l’accueil reconnaissant jusqu’à un refus
pur et simple ; souvent elles étaient mues par un réel et sincère souci
d’unité.
Le 27 juin dernier, le dit Motu Proprio a été présenté en avant-première aux
présidents de diverses conférences épiscopales. Le Pape était présent pour
entendre quelques-unes des interventions des invités et pour y exprimer son
point de vue. Aujourd’hui, le texte est publié accompagné d’une lettre
personnelle adressée à tous les évêques. Dans cette lettre d’accompagnement,
le Pape étaie les motivations l’ayant conduit à ce Motu Proprio, qu’il
défend surtout par rapport à deux craintes: celle d’attaquer l’autorité du
Concile Vatican II et celle de semer la confusion, voire de produire des
divisions au sein même des paroisses. Selon Benoît XVI, l’ensemble de
dispositions juridiques contenues dans le texte s’avère nécessaire puisque
le Motu Proprio «
Ecclesia
Dei», promulgué en 1988 par le Pape Jean-Paul
II, ne correspondait plus aux attentes de bien des fidèles quant à l’emploi
du Missel Romain de 1962.
Le nouveau Motu Proprio aborde des questions d’ordre pastoral et pratique
aussi bien que théologique et liturgique. Son entrée en vigueur étant fixée
au 14 septembre prochain, les évêques suisses en discuteront ensemble les
aspects pratiques lors de leur assemblée d’automne. Pour pouvoir résoudre
convenablement ces questions pratiques, il est indispensable de mettre en
avant celles d’ordre dogmatique. La clé d’interprétation du Motu Proprio
réside dans la distinction entre la forme postconciliaire du Rite romain
dans l’édition du Missel de 1970, appelée « forme ordinaire », et la forme
de la liturgie célébrée avant la réforme, suivant le Missel Romain de 1962,
appelée « forme extraordinaire ». Ces deux formes ne constituent pas deux
rites dissemblables : il s’agit plutôt, comme le souligne le Pape dans sa
lettre d’accompagnement, d’un double usage de l’unique et même rite.
C’est uniquement sur la base à la fois de cette distinction capitale et de
l’unité persistante du seul et unique rite romain que l’on peut comprendre
les affirmations du Motu Proprio. Pour clarifier cela, il est nécessaire
d’en examiner l’orientation sur la base du développement de la liturgie et
de la réflexion théologique. S’agissant d’un Motu Proprio au sens littéral
du terme, c’est-à-dire d’un document personnellement voulu par le Pape, il
est légitime de faire référence également aux déclarations précédentes du
Pape actuel qui, dans ses responsabilités antérieures, était déjà intervenu
à plusieurs reprises sur les questions liturgiques et particulièrement sur
l’emploi de la liturgie romaine dans sa physionomie d’avant la réforme
liturgique du Concile Vatican II.
2. Nouveau missel ou révision du missel
traditionnel ?
Qu’est-ce qui a poussé le Pape Benoît XVI à publier ce
Motu Proprio ? En première ligne, il souhaite sans doute aller à la
rencontre des catholiques pour lesquels la foi de l’Église et leur propre
piété sont plus convenablement représentées dans le rite remontant au
Concile de Trente et révisé en 1962 par le Pape Jean XXIII. Dans ce sillon,
Benoît XVI voit un nouveau pas sur le chemin certes difficile pour
réintégrer le schisme de Mgr Lefebvre et de ses émules, ouvert il y a près
de 20 ans. Aucun chrétien ne peut honnêtement se réjouir d’une division dans
l’Église – n’importe laquelle – ; le geste du Pape semble donc approprié.
Dans sa lettre d’accompagnement Benoît XVI remarque que dans des moments
critiques de l’histoire de l’Église qui ont abouti à des divisions, les
responsables de l’Église n’ont pas agi suffisamment pour promouvoir la
réconciliation et sauvegarder l’unité. Il en tire cette conséquence : «
Ce regard sur le passé nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous
les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la
possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau »
Cette indulgence n’est bien sûr pas dictée par des motifs uniquement
pragmatiques ou diplomatiques, elle a des motivations théologiques
profondes. Le Pape Benoît XVI est convaincu que la liturgie romaine, qui s’est
développée sur plusieurs siècles et a été fixée dans le Missel Romain de
1962, a légué à l’Église catholique un trésor liturgique qui ne doit pas
être perdu, mais préservé pour l’avenir de l’Église. Dans l’histoire de la
liturgie l’on constate croissances, développements et progrès, mais pas de
ruptures.
Dans les Mémoires publiés lorsqu’il était encore préfet de la Congrégation
pour la Doctrine de la foi, Benoît XVI se disait consterné de l’interdiction
émise à l’encontre de l’ancien missel, puisque « rien de semblable n’a
jamais eu lieu dans toute l’histoire de la liturgie ».(2) Avec une telle
interdiction on a suscité l’impression fatale qu’une telle procédure était
quelque chose d’absolument normal dans la vie de l’Église. Comme le pape Pie
V aurait créé un nouveau Missel en 1570 à l’issue du Concile de Trente, 400
ans après et à la suite d’un nouveau Concile un nouveau Pape présenterait et
édicterait tout simplement, un nouveau Missel. Pourtant l’Histoire nous
apprend que Pie V n’a absolument pas créé un nouveau rite, mais qu’il fit
réviser le Missel Romain antérieur, comme cela est normal dans le processus
de croissance vivante de l’Église.
C’est pourquoi le cardinal Ratzinger en arrivait à cette conclusion : « un
Missel Pie V, qui aurait été créé par lui, n’existe pas. Il a simplement été
réélaboré par Pie V, comme phase d’une longue histoire de croissance. » (3)
De façon analogue, la réforme de la liturgie latine entamée par le Concile
Vatican II est une révision du Missel Romain, comme cela a été souvent le
cas, cette fois-ci il est vrai de façon bien plus décisive, principalement à
cause de l’introduction des langues vernaculaires.
Cette perception de l’histoire de la liturgie conçue non pas comme une série
de ruptures mais comme un processus de croissance, de maturation et de
purification, dans lequel l’identité, et la continuité ne sont jamais
détruites, a encouragé le Pape Benoît XVI à assouplir l’interdiction
prononcée après le Concile d’employer l’ancien Missel Romain. Ceci, pour ne
pas abandonner son héritage au passé mais bien plus l’ouvrir à l’avenir.
3. Théologie et phénoménologie de la liturgie
Il n’y a toutefois aucun doute que la réforme liturgique d’après le Concile
Vatican II a provoqué chez maints fidèles, pasteurs et théologiens
l’impression non pas d’un processus de croissance mais plutôt de rupture.
Cela est dû probablement au fait que l’on a moins retenu la théologie et les
normes fondamentales de la Constitution sur la liturgie «
Sacrosanctum Concilium » qu’adopté une phénoménologie de la liturgie au
niveau même de la réforme liturgique. Ainsi, dans la réception de la réforme
liturgique conciliaire, on a retenu comme essentiel le fait que la liturgie
s’exprime dans la langue vernaculaire, qu’elle est célébrée face au peuple,
qu’elle permet davantage de modalités et que les laïcs peuvent exercer des
services liturgiques spécifiques sur la base du baptême et de la
confirmation.
Il est hors de doute et il est compréhensible, que ces éléments immédiatement
perceptibles de la liturgie réformée ont profondément pétri la conscience du
catholique moyen. Cependant, il ne faut pas oublier qu’il s’agit là
d’éléments qui n’ont pas même été traités par le Concile. (5) Il faut se le
rappeler pour mettre le Motu Proprio dans sa juste lumière. Il s’agit
premièrement de souligner que le Concile a donné le mandat de réviser les
livres liturgiques existants et a pour cela formulé de nouvelles normes
liturgiques fondamentales à respecter dans l’emploi de tous les livres
liturgiques.
Deuxièmement, en ce qui concerne la langue de la liturgie, le Concile n’a
nullement abrogé le latin, mais a souligné que dans le rite romain, l’emploi
de la langue latine doit être conservé, sauf droit particulier(6). Il paraît
évident que le Concile ne s’est pas exprimé inconditionnellement pour
l’introduction de la langue vernaculaire. Il prônait plutôt une
inculturation limitée de la liturgie romaine, afin de conserver son unité
substantielle et de promouvoir la synthèse de la langue cultuelle latine
transmise par la Tradition et de la liturgie en langue populaire. C’est
pourquoi la réforme liturgique a élaboré tous les livres liturgiques en
langue latine, avant de les traduire dans les langues vernaculaires.
Troisièmement, les documents du Concile Vatican II ne disent rien de la façon
d’orienter la célébration eucharistique. Il est vrai qu’encore pendant le
Concile, la Congrégation des Rites ainsi que le Conseil de la Liturgie ont
autorisé la célébration face au peuple dans l’Instruction « Inter Oecumenicis », mais ils ne l’ont pas prescrite. L’Introduction générale du
Missel Romain de 1969 se situe dans la même ligne, en notant que l’autel
principal « doit être construit détaché du mur, de sorte que l’on puisse
facilement tourner autour de lui et célébrer, dessus, vers le peuple.“ (7).
Dans la nouvelle édition de 2002, on y ajoute : "Cela devrait être le cas,
si possible". Cette phrase accessoire ne constitue pas une obligation, mais
une recommandation.
Dans l’histoire de l’Église et aussi lors du Concile Vatican II, le problème
de l’orientation de la célébration n’a joué aucun rôle décisif, car dès les
origines de l’Église, la prière chrétienne était essentiellement orientée
vers l’Orient, vers l’oriens. Les Juifs prient tournés vers Jérusalem, les
Musulmans vers la Mecque : ainsi, les chrétiens prient le Christ, le
Ressuscité, le soleil levant. La basilique de St-Pierre à Rome l’illustre à
merveille : pour des raisons pratiques elle est orientée vers l’Ouest, mais
la messe y est célébrée vers l’Orient, en l’occurrence donc en se tournant
vers le peuple. L’orientation vers laquelle se tournent les célébrations de
l’Église est l’est – et c’est littéralement le sens du mot orientation.
Quatrièmement, en ce qui concerne la collaboration des laïcs dans la
liturgie, le Concile Vatican II a bien sûr souligné la participation pleine
et active des fidèles à la liturgie. Pourtant, avec la "plena et actuosa
participatio“ il n’a pas pensé en premier lieu à
l’introduction de services spécifiquement attribués aux laïcs comme forme
extérieure de collaboration, mais de façon inséparable à la participation
intérieure des fidèles à la liturgie par l’écoute, la méditation et la
prière, qui constitue l’aspect décisif conférant le sens plénier à tout
autre participation liturgique extérieure. Le Concile était
intimement convaincu qu’un accès plus facile à la compréhension de la
liturgie et la possibilité d’une participation active et communautaire du
peuple de Dieu résultaient de la transparence vis-à-vis du sacré et non pas
de l’inverse. Le Concile a indiqué comme objectif du renouvellement des
livres et des rites liturgiques : « qu’ils expriment avec plus de clarté les
réalités saintes qu’ils signifient, et que le peuple chrétien, autant qu’il
est possible, puisse facilement les saisir et y participer par une
célébration pleine, active et communautaire. » (9). L’actuosa
participatio souhaitée par le Concile inclut la transparence
mystagogique pour les choses saintes et doit être interprétée à partir de
cette transparence.
4. Occasion pour un examen de conscience réciproque
L’introduction de la langue vernaculaire dans la liturgie, l’orientation de
la célébration face au peuple l’accent mis sur l’actuosa participatio
du peuple de Dieu sont certainement les changements les plus apparents dans
la Réforme de la liturgie introduite par le Concile. Même si elles touchent
l’essence de la liturgie, elles se présentent d’abord comme renouvellement
de sa forme extérieure. Cependant, le Concile Vatican II se proposait
d’amener à une nouvelle lumière surtout le noyau central de la liturgie.
Comment est-il donc possible que surtout l’aspect extérieur de ces éléments
ait été accueilli comme la vraie nouveauté de la réforme liturgique du
Concile Vatican II ? Les motifs sont beaucoup plus profonds que ne le
laisseraient entendre les réactions souvent superficielles au Motu Proprio
annoncé par le Pape, réactions exprimées par ailleurs avant même la
publication. Ces motifs plus profonds viennent au jour lorsqu’on soumet à
une analyse critique les principaux reproches au Motu Proprio.
a) Obéissance déficiente envers le Concile Vatican II
?
Le premier reproche qui est fait face au maintien et à la réintroduction de
la forme traditionnelle de la célébration liturgique est celui du manque
d’obéissance envers le Concile Vatican II, voire d’une « trahison » du
Concile. C’est un fait que pour la Fraternité sacerdotale St-Pie X, le refus
de la Réforme liturgique après le Concile est intrinsèquement lié au refus
d’autres points importants de ce Concile, tels les efforts œcuméniques, le
décret fondamental sur la liberté religieuse et, au sens plus large, toute
la nouvelle orientation donnée au rapport entre l’Église et le monde
moderne. A ce propos, le Supérieur général de la Fraternité sacerdotale
St-Pie X a pu s’exprimer en ces termes encore en 2007 : «
l’œcuménisme et la liberté religieuse demeurent les points saillants qui
nous écœurent ».
Il va de soi que de tels propos ne peuvent pas être acceptés par un
catholique fidèle au Concile. Le Motu Proprio s’adresse donc à des
catholiques qui reconnaissent le caractère obligatoire du Concile Vatican II
et qui sont en union avec le Pape et les évêques, mais qui voudraient
célébrer la liturgie selon le Rituel romain de 1962.
Force est de constater aussi que ceux qui reprochent à la Fraternité
sacerdotale St-Pie X et plus largement aux adeptes du rite traditionnel des
désobéissances par rapport au Concile font eux-mêmes preuve d’une non moins
grande désobéissance, évidemment dans une autre direction. De ce point de
vue, on associe à la réforme liturgique du Concile des postulats et des
visions qui n’ont rien à faire avec le Concile lui-même. Ceci est partout le
cas où le Concile Vatican II n’est plus pris comme point de repère pour le
travail théologique et pastoral, mais uniquement comme une situation de
départ à partir de laquelle on peut écrire de façon tout à fait autonome
dans « l’esprit du Concile » si souvent invoqué. Dans cette vision des
choses, le Concile apparaît comme une piste de départ pour s’envoler
n’importe où.
La lecture sélective du Concile constitue une tentation dans l’Église, comme
l’a analysé habilement le théologien pastoral Hubert Windisch : « Il n’est
pas rare de constater que l’on fait appel au Concile pour légitimer des
visions pastorales tout à fait personnelles, sans leur offrir pour autant un
fondement objectif. Les textes du Concile sont devenus, comme jadis la
Bible, une carrière de concepts pastoraux privés. On y choisit dans les
étagères ce qui plaît des textes du Magistère, comme dans un self-service. »
(10) Quelle différence y a-t-il entre la Fraternité St- Pie X qui ne veut
reconnaître que le troisième chapitre de la Constitution dogmatique
Lumen Gentium sur l’Église, et encore que partiellement; et
d’autre part, des théologiens qui, à l’intérieur de l’Église, n’acceptent
que le deuxième chapitre sur le Peuple de Dieu, et encore que partiellement
? Ces exemples confirment la vieille maxime selon laquelle les extrêmes se
rejoignent.
Au lieu de se lancer réciproquement le reproche d’une réception sélective du
Concile Vatican II, il serait plus conforme de faire un examen de conscience
et de voir quelle est la position acquise par le Concile Vatican II dans
l’actuelle situation de l’Église. Le Motu Proprio nous en offre une occasion
à saisir avec urgence.
b) Fracture de l’unité de l’Église
Le deuxième reproche capital au maintien et encore plus à l’autorisation de
célébrer selon le rite liturgique traditionnel, est de dire que cela ne sert
pas l’unité de l’Église mais encourage plutôt la division. Ce danger ne doit
pas être sous-évalué, quoiqu’un regard porté sur l’histoire de l’Église nous
montre que la division ne doit pas fatalement arriver. En fait dans l’Église,
ont coexisté différentes formes de rites latins, comme le rite ambrosien ou
le rite de Tolède, sans parler de la multiplicité de rites dans l’Église
ancienne ayant pour origine les divers points de cristallisation de la
tradition liturgique, à savoir Rome, Alexandrie, Antioche et, après le
Concile de Nicée, Byzance. L’on ne peut vraiment rapporter ces états de fait
à la situation actuelle, puisque le Motu Proprio mettra en vigueur deux
formes d’un unique et même rite. Des communautés religieuses telles les
dominicains, ont cultivé leur propre rite, assez différent du rite romain, là
même où ce dernier était en usage. Le Pape Pie V quant à lui avait prévu, à
l’issue du Concile de Trente, que le nouveau missel romain devait être
introduit partout où il n’existait pas de forme liturgique vieille d’au
moins deux cents ans. Dans les régions où ces rites anciens existaient, il
était possible de demeurer dans l’ancienne liturgie, qui s’avérait
catholique par son ancienneté. (11) Ainsi l’existence parallèle de la
liturgie romaine universelle et de liturgies diocésaines ou monastiques
était permise sans que cela ne blesse l’unité de l’Église. De manière
analogue, le Pape Benoît XVI promeut la richesse des
traditions liturgiques et se défend d’une uniformité liturgique au sein de
la même tradition.
Par ailleurs, les possibilités ouvertes à la
Réforme liturgique d’après Vatican II ont été interprétées durant les
dernières décennies et dans de nombreux lieux de façon tellement large que
l’on pourrait parler de péril ou de dommages à l’unité de l’Église. Dans sa
lettre d’accompagnement personnelle, le Pape Benoît XVI indique que
l’attachement d’un nombre non négligeable de catholiques à la liturgie
romaine dans sa forme d’avant 1970 s’explique surtout parce que ces
catholiques ont été blessés par des déformations arbitraires de la liturgie
et que dans maints endroits, la messe n’est pas célébrée selon les
prescriptions du nouveau missel. Il en tire la conclusion que le Missel
romain du Pape Paul VI, considéré comme la forme ordinaire, offre la plus
sûre garantie que la messe unit les paroisses là où elle est célébrée «
avec beaucoup de révérence et en conformité avec les
prescriptions ». Nous sommes maintenant confrontés à une question
d’envergure : qu’entendons-nous par réforme et en quoi la réforme se
différencie-t-elle de la réformation ? L’historien de l’Église Walter Brandmüller a écrit que « la réforme ne peut jamais avoir pour résultat que
la chose réformée soit substantiellement différente de ce qui était à
réformer. Cela signifie que la réforme concerne toujours la forme ou la
réalisation concrète, mais jamais l’essence de ce qui doit être réformé. »
(13) Par contre, lorsque la chose réformée a abouti à une modification
essentielle en devenant tout à fait nouvelle et autre que la chose qu’il
fallait réformer, il n’y a plus réforme mais réformation.
c) Église avant ou après le Concile ?
Le troisième reproche, de loin le plus important, est que le Motu Proprio
nous ramène avant le Concile Vatican II. Dans la mesure où l’on voit dans le
missel de 1970 quelque chose d’apparemment tout à fait nouveau, la liturgie
antérieure doit être classée comme vieillie, dépassée et abandonnée. Et
comme la liturgie est la réalisation la plus visible de l’Église, c’est à
partir de là que l’on fait la différence voire la séparation entre Église
préconciliaire et postconciliaire – comme si après le Concile il ne
s’agissait plus de la même mais d’une nouvelle Église. De ce point de vue,
on ne regarde plus le Concile Vatican II comme il s’est lui-même considéré,
c’est-à-dire comme approfondissement et renouvellement de la foi reçue et
transmise, mais comme le point final de la tradition à partir duquel quelque
chose de nouveau a commencé. Nous en arrivons à la question fondamentale de
l’herméneutique de l’interprétation du Concile. Il s’agit là de la question
la plus profonde qui se situe en amont des querelles sur les différentes
formes du rite liturgique. Pour le Pape Benoît XVI, ce problème est si
virulent et urgent qu’il l’a traité déjà lors de sa première allocution de
Noël devant le collège des cardinaux et les membres de la Curie romaine,
le 22 décembre 2005. Il constatait deux interprétations tout
à fait différentes dans la réception du Vatican II, à savoir d’un côté
l’herméneutique de la discontinuité et de la rupture, d’autre côté
l’herméneutique de la réforme. La première présuppose que les textes
approuvés par le Concile expriment d’une façon très incomplète l’esprit même
du Concile et sa nouveauté, il devient ainsi nécessaire d’en dépasser la
lettre, fruit de divers compromis, pour laisser la place au nouvel esprit et
distinguer entre Église pré et post-conciliaire. La deuxième herméneutique
en jeu, celle de la réforme, sous-entend le renouvellement de l’unique
Église en en préservant la continuité fondamentale, afin de renouveler l’Église
à partir de ses sources et donc de sa dimension originelle. (14)
La différence entre ces deux herméneutiques du Concile a été relevée de
façon assez précise par le futur Benoît XVI tout de suite après le Concile:
« La vraie réforme est celle qui se préoccupe de la dimension vraiment
chrétienne, même lorsqu’elle est cachée, et qui se laisse promouvoir et
pétrir par elle. La fausse réforme est celle qui chemine derrière les hommes
au lieu de les conduire et qui transforme ainsi le christianisme en une
brocante mal conduite qui cherche bruyamment des clients. » (15) Nous
apercevons aujourd’hui la vraie profondeur de ce conflit, éclaté lors du
Concile et surtout après. Une partie était convaincue que la réforme
nécessaire de l’Église nécessite un ressourcement probant, à savoir un
retour aux sources de la foi – l’Écriture sainte et les Pères de l’Église –
et qu’en conséquence l’aggiornamento était à comprendre à partir de ce
ressourcement. Une autre partie coupait ledit aggiornamento du ressourcement
biblique et patristique, le retour aux sources n’intéressait donc plus
vraiment et l’aggiornamento fut interprété
uniquement dans le sens d’une adaptation à la culture moderne.
Ce conflit est à la base des débats autour du Motu
Proprio du Pape Benoît XVI. C’est à la condition de ne pas considérer
le Concile et la réforme liturgique comme une rupture avec la tradition de
l’Église, mais comme une merveilleuse étape du développement de cette même
tradition, que l’on pourra lire convenablement le Motu Proprio. Pour cela,
il nous faut renouveler notre conscience liturgique, afin qu’elle comprenne
l’identité et l’unité de l’histoire de la liturgie malgré toutes les
variations historiques et finalement la réforme liturgique du Concile comme
une partie de cette histoire. Dans ce sens, dans la seule et unique Église
peuvent exister différentes formes du rite liturgique – ensemble ou au moins
l’une à côté de l’autre. Pourquoi cela ne serait-il pas possible
précisément dans l’actuelle situation de l’Église, qui juge suspect
l’unicité et loue la diversité ?
Cela dit, le Pape est exigeant avec les deux parties. Il attend de tous les
fidèles qu’ils reconnaissent le rite romain de la messe de 1962 comme forme
extraordinaire et il attend des soi-disant traditionalistes qu’ils
reconnaissent la conception renouvelée de la liturgie romaine de 1970 comme
forme ordinaire, comme il le dit expressément dans sa lettre
d’accompagnement : « Pour vivre la pleine communion, les prêtres des
communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par
principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion
totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa
valeur et de sa sainteté ».
Il est clair que par son Motu Proprio, Benoît XVI ne
souhaite pas ouvrir un conflit au sujet de la liturgie. Il lui tient plutôt
à cœur la réconciliation à l’intérieur de l’Église. C’est pourquoi il ne
faut pas se battre au sujet de la liturgie au sein de l’Église catholique,
mais plutôt encourager une prise de conscience commune et renouvelée des
fondements théologiques de la liturgie du Concile Vatican II. Ces fondements
sont toujours valables et sont à réaliser dans la duplicité de formes du
seul et unique rite romain. A ces conditions, le Motu Proprio aura pleinement
rempli son objectif.
C:Dokumente und Einstellungenkurt.kochEigene DateienDateien
Kurt KochtridentinischerRitus2007.doc
http://www.sbk-ces-cvs.ch/ressourcen/download/20070710162...
2 Cf. Cardinal J. Ratzinger, Aus meinem Leben,
Lebenserinnerungen, Stuttgart 1998, p. 172. En français: Ma vie. Souvenirs
(1927-1977), Paris 1998.
3 Ibidem.
5 Cf. K. Koch, Liturgie als Zeichendienst am Heiligen.
Vierzig Jahre nach der Liturgiekonstitution des II. Vatikanischen Konzils,
in: „Communio“ 33 (2004), pp. 73-92.
6 Sacrosanctum concilium, n°. 36.
7 Missel Romain, Introduction générale, n° 262.
9 Sacrosanctum concilium, Nr. 21. 5
10 H. Windisch, Laien – Priester. Rom oder der Ernstfall. Zur
„Instruktion zu einigen Fragen über die Mitarbeit der Laien am Dienst der
Priester ,Würzburg 1998, p. 11.
11 Cf.. H. Jedin, Das Konzil von Trient und die Reform
des Römischen Messbuchs, in: „Liturgisches Leben“ 6 (1939), pp. 30-66. 13 W.
Brandmüller, Licht und Schatten. Kirchengeschichte zwischen Glaube, Fakten
und Legenden, Augsburg 2007, p. 108. 14 Discours
à la Curie romaine du 22 décembre 2005, in: “Documentation catholique” n°
2350 du 15 janvier 2006, pp. 59-63.
15 J. Ratzinger, Was heisst Erneuerung der Kirche?, in: idem,
Das neue Volk Gottes. Entwürfe zur Ekklesiologie, Düsseldorf 1969, pp.
267-281, cit. p. 271.
Table :
►
Motu Proprio
Texte intégral du Motu
Proprio: ►
Publication du "Motu Proprio Summorum Pontificum"
Motu
Proprio Summorum Pontificum
(doc. word)
Lettre explicative: ►
Lettre du pape Benoît XVI aux évêques
Lettre du pape Benoît XVI accompagnant le motu proprio
(doc. word)
Sources:
www.sbk-ces-cvs.ch
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.07.2007 - BENOÎT XVI -
Table Motu Proprio |