Le pape Benoît XVI montre la
prodigieuse cohérence de l'Écriture |
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Rome, le 09 août 2007 -
(E.S.M.) - Benoît XVI
nous expose qu'à partir du Christ, le sens de l'Écriture se manifeste
dans toute sa cohérence comme ce qui est attendu de tous et vers quoi
tout se dirige.
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"Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive" -
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Le pape Benoît XVI montre la prodigieuse cohérence de l'Écriture
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Évangile de Jean -
Pages précédentes, voir en fin
de texte
6) Jésus est le rocher vivant, dont jaillira l'eau
nouvelle
- L'eau (2)
(p.269 à
274)
Benoît XVI poursuite le symbole de l'eau en expliquant que dans sa première Lettre, Jean a encore repris le thème du sang et de
l'eau en lui donnant une autre connotation : « C'est lui, Jésus Christ, qui
est venu par l'eau et par le sang : pas seulement l'eau, mais l'eau et le
sang... Et celui qui rend témoignage, c'est l'Esprit, car l'Esprit est la
vérité. Ils sont trois qui rendent témoignage, l'Esprit, l'eau et le sang,
et tous les trois se rejoignent en un seul témoignage »
(1 Jn 5, 6-8). Ici, nous avons manifestement une tournure
polémique contre un christianisme qui reconnaît, certes, le baptême de Jésus
comme événement salvifique, mais pas sa mort sur la croix. Il s'agit d'un
christianisme qui veut, pour ainsi dire, seulement le Verbe, mais pas la
chair et le sang. Le corps de Jésus et sa mort sont, en dernière instance,
sans importance. Du christianisme, il ne reste ainsi que « de l'eau » — le
Verbe sans la corporéité de Jésus perd sa force. Le christianisme devient
une simple doctrine, un simple moralisme et une affaire de l'intellect, mais
il lui manque la chair et le sang. Le caractère rédempteur du sang de Jésus
n'est plus accepté. Il perturbe l'harmonie intellectuelle.
Comment ne pas y voir des menaces pour notre christianisme actuel ? L'eau et
le sang forment un tout. L'incarnation et la croix, le Baptême, le Verbe et
le sacrement sont indissociables. Et le Pneuma doit se joindre à cette
triade du témoignage. À ce sujet, Schnackenburg
(R. Schnackenburg, Die Johannesbriefe, p.
232, voir bibliographie, p. 401) signale à juste titre que le
témoignage de l'Esprit dans l'Église et par l'Église est à comprendre à
partir de Jean 15, 26 et de Jean 16, 10.
Penchons-nous maintenant sur les paroles de révélation que Jésus prononce
dans le contexte de la fête des Tentes et que Jean nous transmet. C'était le
jour solennel où se terminait la fête. «Jésus, debout, s'écria : "Si
quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, celui qui croit en moi
! Comme dit l'Écriture : Des fleuves d'eau vive jailliront de son cœur »
(Jn 7, 37-38). À l'arrière-plan, nous avons le rite de la fête
consistant à puiser de l'eau dans la source de Siloé afin de pouvoir faire
des libations dans le Temple durant les sept jours que durait la fête. Le
septième jour, les prêtres tournaient sept fois autour de l'autel avec le
récipient d'eau doré avant de procéder à la libation. Ces rites d'eau
renvoient d'abord à l'origine de la fête dans les religions de la nature. La
fêté était à l'origine une prière pour demander la pluie dont un pays menacé
de sécheresse avait cruellement besoin. Ensuite, le rite commémorait un
épisode de l'histoire du salut, c'est-à-dire l'eau que Dieu a fait jaillir
du rocher pour les Hébreux, pendant la marche dans le désert, malgré leurs
doutes et leurs peurs (cf. Nb 20, 1-13).
Finalement, indique Benoît XVI, l'eau jaillissant du rocher était devenue progressivement un
thème de l'espérance messianique. Durant la marche dans le désert, Moïse
avait donné à Israël le pain du ciel et l'eau du rocher. Par conséquent, on
attendait aussi du nouveau Moïse, du Messie, ces deux dons essentiels pour
la vie. Cette interprétation messianique du don de l'eau se reflète aussi
dans la première Lettre de Saint Paul aux Corinthiens : « Tous, ils ont
mangé la même nourriture, qui était spirituelle ; tous, ils ont bu à la même
source, qui était spirituelle ; car ils buvaient à un rocher qui les
accompagnait, et ce rocher, c'était déjà le Christ »
(1 Co 10, 3-4).
Par la parole que Jésus prononce durant le rite de l'eau, il répond à cette
espérance. Il est le nouveau Moïse.
Il est lui-même le rocher qui dispense
la vie. Comme il se révèle comme le pain véritable venant du ciel dans le
discours sur le Pain de vie, de même il se présente, de manière analogue à
ce qu'il a déjà dit face à la Samaritaine, comme l'eau vive à laquelle
l'homme aspire dans sa soif la plus profonde, la soif de vie, de « vie en
abondance » (Jn 10, 10) ; d'une
vie qui ne serait plus marquée par les besoins qu'il faut assouvir en
permanence, mais d'une vie qui jaillirait d'elle-même de l'intérieur. Jésus
répond aussi à cette question : comment boit-on cette eau de la vie ?
Comment vient-on à la source, comment peut-on la puiser ? « Celui qui croit
en moi... » Croire en Jésus, voilà la façon de boire l'eau vive, de boire la
vie qui n'est plus menacée par la mort.
Maintenant, nous devons écouter le texte plus attentivement encore. Il
poursuit ainsi : « Comme dit l'Écriture : Des fleuves d'eau vive jailliront
de son cœur » (Jn 7, 38). De
quel cœur ? À cette question, il y a depuis les premiers temps déjà deux
types de réponse. La tradition alexandrine, inaugurée par Origène
(mort vers 254),
dans laquelle s'inscrivent aussi les éminents Pères latins que sont Jérôme
et Augustin, lit ainsi la phrase « celui qui croit... de son cœur jailliront
» : l'homme qui croit devient lui-même une source, une oasis dont jaillit
l'eau fraîche et saine, la force dispensatrice de vie de l'Esprit Créateur.
L'autre tradition, certes beaucoup moins répandue, celle d'Asie Mineure, par
son origine plus proche de Jean et représentée par Justin
(mort en 165),
Irénée, Hippolyte, Cyprien et Éphrem, modifie la ponctuation. Celui qui a
soif, qu'il vienne vers moi ; celui qui croit en moi, qu'il boive. Comme dit
l'Écriture : de son cœur jailliront des fleuves. Son « cœur » est maintenant
référé au Christ. C'est lui qui est la source, le rocher vivant, dont
jaillira l'eau nouvelle.
D'un point de vue purement linguistique, la première interprétation est plus
convaincante, c'est pourquoi, à la suite des éminents Pères de l'Église, la
plupart des exégètes modernes y souscrivent. Mais du point de vue du
contenu, précise Benoît XVI, on penche plutôt pour la deuxième interprétation, celle d'« Asie
Mineure », à laquelle adhère par exemple Schnackenburg, sans qu'il faille y
voir une opposition de principe qui exclurait l'interprétation « alexandrine
». Une clé importante pour l'interprétation nous est fournie par la tournure
« comme dit l'Écriture ». Jésus tient à s'inscrire dans la continuité de
l'Écriture, dans la continuité de l'histoire de Dieu avec les hommes. Dans
l'Évangile de Jean, mais également dans les Évangiles synoptiques et au-delà
dans toute la littérature néotestamentaire, la croyance en Jésus est
légitimée par le fait qu'en lui se rejoignent tous les fleuves de
l'Écriture. À partir de lui, le sens de l'Écriture se manifeste dans toute
sa cohérence comme ce qui est attendu de tous et vers quoi tout se dirige.
Mais en quel endroit l'Écriture parle-t-elle de cette source vive ?
Manifestement, Jean ne pense pas à un passage précis, mais bien plutôt à «
l'Écriture », à la vision qui en traverse tous les textes. Plus haut, nous
avions déjà mis en lumière un aspect central : l'histoire du rocher
dispensateur de vie, devenu en Israël une image de l'espérance. Le deuxième
grand aspect nous est proposée par Ézéchiel
(cf. 47, 1-12) avec la vision du
nouveau Temple : « Sous le seuil du Temple, de l'eau jaillissait en
direction de l'orient » (Ez 47, 1).
Plus de cinquante ans plus tard, Zacharie a repris cette image : « En ce
jour-là, il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et les
habitants de Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure
» (Za 13, 1). « En ce jour-là,
des eaux vives sortiront de Jérusalem »
(Za 14, 8). Le dernier chapitre de l'Écriture Sainte réinterprète
ces images et c'est lui qui leur donne à présent toute leur grandeur : «
Puis l'ange me montra l'eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du
cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l'Agneau »
(Ap 22, 1).
Un bref regard sur la scène de la purification du Temple nous a déjà montré
que Jean considère le Seigneur ressuscité, son corps, comme le nouveau
Temple, attendu non seulement par l'Ancien Testament, mais par toutes les
nations (cf. Jn 2, 21). Ainsi,
nous sommes autorisés à entendre aussi dans ce qui est dit des fleuves d'eau
vive une annonce du nouveau Temple : oui, ce Temple existe. Il existe, ce
fleuve de vie promis qui épure la terre saline pour faire mûrir la vie et
pour faire pousser les fruits en abondance. Il est celui qui est allé dans
l'amour jusqu'au bout, celui qui est passé par la Croix pour vivre
maintenant dans une vie que nulle mort ne pourra plus menacer. C'est lui, le
Christ vivant. Ainsi, la phrase prononcée pendant la fête des Tentes
préfigure non seulement la nouvelle Jérusalem dans laquelle Dieu lui-même
demeure et dans laquelle il est source de vie, mais indique aussi par avance
directement le corps du crucifié, duquel sortent du sang et de l'eau
(cf.Jn 19, 34). Elle le révèle
comme le vrai Temple, qui n'est pas fait de pierres ni de la main de
l'homme. Pour cette raison précisément, parce qu'il est la demeure vivante
de Dieu dans le monde, il est et restera source de vie aussi pour tous les
temps.
Celui qui regarde l'histoire d'un œil attentif,
indique Benoît XVI, peut voir ce fleuve qui, à
travers les temps, coule du Golgotha, du Jésus crucifié et ressuscité. Là où
parvient ce fleuve, il peut voir comment la terre est purifiée, comment
poussent les arbres fruitiers, comment jaillit la vie, la vie véritable, de
la source d'amour qui s'est donnée et qui se donne.
Cette interprétation centrale qui se réfère au Christ ne peut nullement
exclure, comme nous l'avons déjà dit, que cette phrase vaille aussi, de
manière dérivée, pour les croyants. Une expression de l'évangile apocryphe
de Thomas (10, 6) indique une
direction qui est conforme à celle de l'Évangile de Jean : « Celui qui boit
de ma bouche deviendra comme moi (Ch. K. Barrett, Das Evangelium nach
Johannes, p. 334, voir bibliographie, p. 401). » Le croyant
s'unit au Christ, il a part à sa fécondité. L'homme qui croit et qui aime
avec le Christ devient un puits qui dispense la vie. Cela aussi, on peut
très bien le voir dans l'histoire. On peut aussi constater cela dans
l'histoire de manière merveilleuse : à savoir comment les saints sont des
oasis autour desquelles la vie éclôt et où revient quelque chose du paradis
perdu. Et la source qui se donne en abondance reste finalement toujours le
Christ lui-même.
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"Jésus de Nazareth"
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Evangile de Jean -
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1) Introduction : la question johannique (p.
245 à 249)
L'image de Jésus proposée par Jean
2) C'est le Paraclet qui interprète et conduit à la
vérité (p. 249 à 255)
Benoît XVI
3) Le caractère Ecclésial du 4e Évangile
(p.255 à 259)
Benoît XVI
4) L'Évangile de Jean repose entièrement sur l'Ancien
Testament (p.260 à 264)
Benoît XVI
5) Les grandes images de l'Évangile de Jean - L'eau (1) (p.265 à
268)
Benoît XVI
6) Jésus est le rocher vivant, dont jaillira l'eau
nouvelle
- L'eau (2)
(p.269 à
274)
Sources:
www.vatican.va
-
E.S.M.
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.08.2007 - BENOÎT XVI -
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