Homélie de Benoît XVI lors de la
Messe célébrée à Viterbe |
 |
Le 08 septembre 2009 -
(E.S.M.)
- Dans la matinée du dimanche 6 septembre 2009, à l'occasion de
sa visite pastorale à Viterbe et Bagnoregio (Italie), le Pape Benoît XVI a célébré la
Messe sur l'esplanade de la vallée Faul, derrière le Palais des Papes de
Viterbe. Nous publions ci-dessous l'homélie prononcée par le Saint-Père au
cours de la célébration:
|
Le pape Benoît XVI -
Pour agrandir l'image ►
Cliquer
Homélie de Benoît XVI lors de la Messe célébrée à Viterbe
Une nouvelle humanité de l'écoute et du dialogue
Le 08 septembre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- Dans la matinée du dimanche 6 septembre 2009, à l'occasion de sa visite
pastorale à Viterbe et Bagnoregio (Italie), le Pape Benoît XVI a célébré la
Messe sur l'esplanade de la vallée Faul, derrière le Palais des Papes de
Viterbe. Nous publions ci-dessous l'homélie prononcée par le Saint-Père au
cours de la célébration:
Chers frères et soeurs!
Le cadre dans lequel nous célébrons la Messe est véritablement inédit et
suggestif: nous nous trouvons dans la "vallée" qui donne sur l'antique Porte
appelée faul, dont les quatre lettres rappellent les quatre collines de
l'antique Viterbium, c'est-à-dire Fanum-Arbanum-Vetulonia-Longula. D'un côté
s'élève, imposant, le Palais, autrefois résidence des Papes, qui - comme l'a
rappelé votre évêque -, au xiii siècle, a vu se dérouler cinq conclaves;
nous sommes entourés d'édifices et de places qui témoignent des multiples
événements du passé, aujourd'hui tissu de vie de votre ville et province.
Dans ce cadre, qui évoque des siècles d'histoire civile et religieuse, se
trouve à présent idéalement rassemblée, avec le Sucesseur de Pierre, toute
votre communauté diocésaine, pour qu'il nous confirme dans la fidélité au
Christ et à son Evangile.
A vous tous, chers frères et soeurs, j'adresse avec affection ma pensée
reconnaissante pour l'accueil chaleureux que vous m'avez réservé. Je salue
en premier lieu votre bien-aimé pasteur, Mgr Lorenzo Chiarinelli, que je
remercie pour ses paroles de bienvenue. Je salue les autres évêques, en
particulier ceux du Latium avec le cardinal-vicaire de Rome, les chers
prêtres diocésains, les diacres, les séminaristes, les religieux et les
religieuses, les jeunes et les enfants, et j'étends mon souvenir à toutes
les composantes du diocèse, qui, dans un passé récent, a vu s'unir à
Viterbe, avec l'abbaye San Martino au Mont Cimino, les diocèses
d'Acquapendente, de Bagnoregio, de Montefiascone et de Tuscania. Cette
nouvelle configuration est à présent sculptée de façon artistique dans les "Portes
de bronze" de l'Eglise-cathédrale que, commençant ma visite de la Place
Sain-Laurent, j'ai pu bénir et admirer. Je m'adresse avec déférence aux
autorités civiles et militaires, aux représentants du gouvernement, de la
région et de la province, et de façon particulière au maire de la ville, qui
s'est fait l'interprète des sentiments cordiaux de la population de Viterbe.
Je remercie les forces de l'ordre, et je salue les nombreux militaires
présents dans cette ville, ainsi que ceux qui sont engagés dans les missions
de paix dans le monde. Je salue et je remercie les volontaires, ainsi que
tous ceux qui ont apporté leur contribution à la réalisation de ma visite.
Je réserve un salut particulier aux personnes âgées et aux personnes seules,
aux malades, aux détenus dans les prisons, et à tous ceux qui n'ont pas pu
prendre part à notre rencontre de prière et d'amitié.
Chers frères et soeurs, chaque assemblée liturgique est un espace de la
présence de Dieu. Réunis pour la Sainte Eucharistie, les disciples du
Seigneur proclament qu'il est ressuscité, qu'il est vivant et donne la vie,
et témoignent que sa présence est grâce, est devoir, est joie. Ouvrons notre
coeur à sa parole et accueillons le don de sa présence! Dans la première
lecture, le prophète Isaïe (35, 4-7) encourage les "coeurs défaillants" et
annonce cette nouveauté merveilleuse, que l'expérience confirme: lorsque le
Seigneur est présent, les yeux de l'aveugle se déssillent, les oreilles du
sourd s'ouvrent, le boîteux "bondit" comme un cerf. Tout renaît et tout
revit car des eaux bénéfiques irriguent le désert. Le "désert", dans son
langage symbolique, peut évoquer les événements dramatiques, les situations
difficiles, et la solitude qui marque souvent la vie; le désert plus profond
est le coeur humain lorsqu'il perd la capacité d'écouter, de parler, de
communiquer avec Dieu et avec les autres. On devient alors aveugle car l'on
est incapables de voir la réalité; les oreilles se referment pour ne pas
entendre le cri de ceux qui implorent de l'aide; notre coeur se durcit dans
l'indifférence et dans l'égoïsme. Mais à présent - annonce le prophète -
tout est destiné à changer; la "terre aride" d'un coeur fermé sera irriguée
par une nouvelle sève divine. Et lorsque le Seigneur vient, aux coeurs
défaillants de toute époque, il dit avec autorité: "Soyez forts, ne craignez
pas"! (v. 4).
L'épisode évangélique, rapporté par saint Marc (7, 31-37) se relie ici
parfaitement: Jésus guérit un sourd-muet en terre païenne. D'abord, il
l'accueille et prend soin de lui avec le langage des gestes, plus immédiat
que les paroles; puis, avec une expression en langue araméenne, il lui dit:
"Ephphata", c'est-à-dire "ouvre-toi", redonnant à cet homme l'ouïe et la
voix. Emplie d'émerveillement, la foule s'exclame: "Il a bien fait toutes
choses" (v. 37). Nous pouvons voir dans ce "signe" l'ardent désir de Jésus
de vaincre dans l'homme la solitude et le manque de communication suscitées
par l'égoïsme, pour donner forme à une "nouvelle humanité", l'humanité de
l'écoute et de la parole, du dialogue, de la communication, de la communion,
de la communion avec Dieu. Une humanité "bonne", comme toute la création de
Dieu est bonne; une humanité sans discrimination, sans exclusion - comme
avertit l'apôtre Jacques dans sa Lettre (2, 1-5) - afin que le monde soit
véritablement et pour tous "le lieu d'une réelle fraternité" (Gaudium et
spes, n. 37) dans l'ouverture de l'amour pour le Père commun qui nous a
créés et a fait de nous ses fils et ses filles.
Chère Eglise de Viterbe, que le Christ, que, dans l'Evangile, nous voyons
ouvrir les oreilles et dénouer le noeud de la langue au sourd-muet, ouvre
ton coeur et te donne toujours la joie de l'écoute de sa Parole, le courage
de l'annonce de son Evangile, la capacité de parler avec Dieu et, ainsi, de
parler avec tes frères et soeurs, et enfin le courage de la découverte de
son Visage et de sa Beauté! Mais, pour que cela puisse avoir lieu, -
rappelle saint Bonaventure de Bagnoregio, où je me rendrai cet après-midi -
l'esprit doit "aller au-delà de tout à travers la contemplation et aller
au-delà non seulement du monde sensible, mais également au-delà de lui-même"
(Itinerarium mentis in Deum, VII 1). Tel est l'itinéraire de salut, illuminé
par la lumière de la Parole de Dieu et nourri par les sacrements, qui unit
tous les chrétiens.
Je voudrais à présent reprendre quelques orientations spirituelles et
pastorales de ce chemin que toi aussi, Eglise bien-aimée qui vis sur cette
terre, tu es appelée à parcourir. Une priorité qui tient profondément au
coeur de ton évêque est l'éducation à la foi, comme recherche, comme
initiation chrétienne, comme vie dans le Christ. C'est le "devenir chrétien"
qui consiste en cette façon d'"apprendre le Christ" que saint Paul exprime
par la formule: "Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en
moi" (Ga 2, 20). A cette expérience participent les paroisses, les familles
et les différentes associations. Les catéchistes et tous les éducateurs sont
appelés à s'engager; l'école est appelée à offrir sa contribution, du
primaire à l'Université de la Tuscia, toujours plus importante et
prestigieuse, et, en particulier, l'école catholique, avec l'Institut
philosophique et théologique "San Pietro". Il existe des modèles toujours
actuels, d'authentiques pionniers de l'éducation à la foi auxquels
s'inspirer. J'ai plaisir à citer, entre autres, sainte Rosa Venerini
(1656-1728) - que j'ai eu la joie de canoniser il y a trois ans - véritable
précurseur des écoles féminines en Italie, précisément "au siècle des
Lumières"; sainte Lucia Filippini (1672-1732) qui, avec l'aide du vénérable
cardinal Marco Antonio Barbarigo (1640-1706), a fondé les "Maîtresses pies"
dignes d'éloges. On pourra encore puiser avec bonheur à ces sources
spirituelles, pour affronter, avec lucidité et cohérence, l'"urgence
éducative" actuelle, inéluctable et prioritaire, grand défi pour chaque
communauté chrétienne et pour toute la société, qui est précisément un
processus "Ephphata", d'ouvrir les oreilles, délier le noeud de la langue et
aussi d'ouvrir les yeux.
Avec l'éducation, le témoignage de la foi. "La foi - écrit saint Paul - agit
par la charité" (cf. Ga 5, 6). C'est dans cette perspective que l'action
caritative de l'Eglise acquiert son visage: ses initiatives, ses oeuvres
sont des signes de la foi et de l'amour de Dieu, qui est Amour - comme je
l'ai largement rappelé dans les encycliques Deus caritas est et Caritas in
veritate. Ici fleurit et doit toujours être davantage développée la présence
du bénévolat, aussi bien sur le plan personnel, que sur celui associatif,
qui trouve dans la Caritas son élément propulseur et éducatif. La jeune
sainte Rose (1233-1251), co-patronne du diocèse et dont la fête tombe
précisément ces jours-ci, est un exemple lumineux de foi et de générosité
envers les pauvres. En outre, comment ne pas rappeler que sainte Giacinta
Marescotti (1585-1640), de son monastère, promut dans la ville l'adoration
eucharistique et donna naissance à des institutions et des initiatives pour
les détenus et les exclus? On ne peut pas non plus oublier le témoignage
franciscain de saint Crispin, capucin (1668-1759), qui à l'heure actuelle,
inspire encore des oeuvres d'assistance méritoires. Il est significatif que
dans ce climat de ferveur évangélique soient nés de nombreux cas de vie
consacrée, masculine et féminine, et en particulier des monastères de
clôture, qui constituent un rappel visible du primat de Dieu dans notre
existence et qui nous rappellent que la première forme de la charité est
précisément la prière. A cet égard, l'exemple de la bienheureuse Gabriella
Sagheddu (1914-1939), trappiste, est emblématique: dans le monastère de
Vitorchiano, où elle est enterrée, continue à être proposé cet oecuménisme
spirituel, nourri par une prière incessante, vivement sollicité par le
Concile Vatican ii (cf. Unitatis redintegratio, n. 8). Je me rappelle
également du bienheureux Domenico Bàrberi (1792-1849), Viterbien,
passionniste, qui en 1845, accueillit dans l'Eglise catholique John Henry
Newman, devenu ensuite cardinal, une figure de grande envergure
intellectuelle et à la spiritualité lumineuse.
Je voudrais enfin mentionner une troisième direction de votre plan pastoral:
l'attention aux signes de Dieu. Comme l'a fait Jésus avec le sourd-muet,
Dieu continue de la même manière à nous révéler son projet à travers des
"événements et des paroles". Ecouter sa parole et discerner ses signes doit
donc être l'engagement de chaque chrétien et de chaque communauté. Le plus
concret des signes de Dieu est certainement l'attention à l'égard du
prochain, selon ce que Jésus a dit: "Chaque fois que vous l'avez fait à l'un
de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25,
40). En outre, comme l'affirme le Concile Vatican ii, le chrétien est appelé
à être "face au monde un témoin de la résurrection et de la vie du Seigneur
Jésus, et un signe du Dieu vivant" (Lumen gentium, n. 38). C'est tout
d'abord le prêtre, que le Christ a choisi entièrement pour lui, qui doit
l'être. Au cours de cette Année sacerdotale, priez avec une plus grande
intensité pour les prêtres, pour les séminaristes et pour les vocations,
afin qu'ils soient fidèles à leur vocation! Chaque personne consacrée et
chaque baptisé doit, par ailleurs, être un signe du Dieu vivant.
Fidèles laïcs, jeunes et familles, n'ayez pas peur de vivre et de témoigner
la foi dans les différents milieux de la société, dans les multiples
situations de l'existence humaine! Viterbe a été à l'origine, également à
cet égard, de figures prestigieuses. En cette occasion, c'est une joie et un
devoir de rappeler le jeune Mario Fani de Viterbe, créateur du "Cercle de
sainte Rose", qui alluma, avec Giovanni Acquaderni, de Bologne, cette
première lumière qui deviendra ensuite l'expérience historique du laïcat en
Italie: l'Action catholique. Les saisons de l'histoire se succèdent, les
contextes sociaux se transforment, mais la vocation des chrétiens à vivre l'Evangile
en solidarité avec la famille humaine, avec leur temps, ne change pas et ne
passe pas de mode. Voilà l'engagement social, voilà le service
caractéristique de l'action politique, voilà le développement humain
intégral.
Chers frères et soeurs! Lorsque le coeur s'égare dans le désert de la vie,
n'ayez pas peur, confiez-vous au Christ, le premier-né de l'humanité
nouvelle: une famille de frères construite dans la liberté et dans la
justice, dans la vérité et dans la charité des fils de Dieu. A cette grande
famille appartiennent des sains qui vous sont chers: Laurent, Valentin,
Hilaire, Rose, Lucie, Bonaventure et de nombreux autres. Notre Mère commune
est Marie, que vous vénérez sous le titre de Madone du Chêne, comme Patronne
de tout le diocèse dans sa nouvelle configuration. Que ce soient eux qui
vous gardent toujours unis et qui nourrissent en chacun le désir de
proclamer, à travers les paroles et les oeuvres, la présence et l'amour du
Christ! Amen.
►
Benoît XVI en visite à Viterbe
►
Angelus de Benoît XVI depuis Viterbe, la Cité des Papes
►
Benoît XVI rend hommage au travail des théologiens
►
Discours de Benoît XVI à Bagnoregio : Bonaventure, un chantre séraphique de la création
Texte original du
discours du Saint Père
►L'homélie
en italien
►
Angelus de Benoît XVI depuis Viterbe, la Cité des Papes
Regarder
la vidéo en Italien
(1) ou en
Français
Regarder
la vidéo en
Italien(2)
►
Les photos
Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
©L'Osservatore Romano - 8 septembre 2009)
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 08.09.09 -
T/Benoît XVI |