La France divisée
par le Motu Proprio de Benoît XVI |
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Le 08 septembre 2007 -
(E.S.M.) -
Chacun appréciera en conscience les propos du cardinal Ricard, Président
de la Conférence des Évêques de France, sur son analyse de la décision
du Saint-Père Benoît XVI relative à la promulgation du Motu Proprio Summorum Pontificum.
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Mgr
Jean-Pierre Ricard -
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La France divisée par le Motu Proprio de Benoît XVI
Sortir de l'affrontement
Pour ce dossier spécial sur le
Motu Proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI, nous avons
demandé leur analyse à dix-huit autorités ecclésiastiques représentant
divers courants dans l'Église de France. Le cardinal Jean-Pierre Ricard,
archevêque de Bordeaux et président de la Conférence des Évêques de France
répond à nos questions.
La Nef - Comment recevez-vous et percevez-vous
personnellement ce Motu proprio de Benoît XVI ?
Cardinal Jean-Pierre Ricard
— J'ai eu l'occasion de parler personnellement de ce projet de Motu proprio
avec le pape lui-même. Ce qui m'a frappé chez lui, c'est sa préoccupation de
la réconciliation entre catholiques. Bon connaisseur de l'histoire
des conciles et des schismes, Benoît XVI s'est plusieurs fois demandé si, à
certains moments cruciaux, on avait vraiment tout fait pour éviter la
rupture irrémédiable. N'y a-t-il pas eu des occasions manquées, des gestes
attendus qui n'ont pas été posés ? Vis-à-vis des fidèles de Mgr Lefebvre, le
pape Benoît XVI veut faire un geste pour permettre au dialogue de se
poursuivre, même s'il sait bien que les différends avec eux ne sont pas que
d'ordre liturgique. Mais au-delà de cet objectif qui est plus lointain, le
pape veut aussi faire un geste vis-à-vis de tous ces prêtres et ces fidèles,
ralliés à Rome, qui souhaitaient un plus grand usage dans l'Église des
livres liturgiques de 1962. Benoît XVI pense qu'un accueil généreux des
différences pour une plus grande communion ne peut que contribuer à la paix
à l'intérieur de l'Église. On ne peut qu'être sensible à cet appel.
Dans votre
conférence de presse du 7 juillet, vous avez repris les propos du pape
dans sa lettre aux évêques où il regrette « les omissions dans l'Église
(qui) ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient
réussi à se consolider » : quelles leçons tirez-vous de ce constat ?
Je crois que c'est le durcissement idéologique de part et d'autre qui a
contribué à consolider ces divisions. Au lieu de voir la liturgie ancienne
et la liturgie née de la volonté de réforme du concile, comme deux richesses
de l'unique tradition liturgique de l'Église (pour le rite romain de
l'Église latine), on en fait deux formes antagonistes, dont l'une devait
chasser automatiquement l'autre. Missel de Paul VI contre Missel de saint
Pie V et réciproquement. Il fallait choisir son camp.
Aucun compromis n'était toléré. Cela a certainement contribué à ne pas
permettre au Motu proprio de Jean-Paul II, en 1988, de porter tous ses
fruits.
Beaucoup de médias, voire même de catholiques,
interprètent la reconnaissance de la forme extraordinaire du rite romain
codifié par Jean XXIII comme un retour aux temps préconciliaires : n'y
a-t-il pas une pédagogie à développer sur la continuité qui existe dans
l'Église entre le passé et le présent, en s'appuyant sur le discours
fondamental de Benoît XVI à la
Curie romaine du 22 décembre 2005 ?
De fait, le pape Benoît XVI est revenu plusieurs fois dans ses écrits, et
tout particulièrement dans l'important discours que vous citez, sur ce que
doit être la bonne interprétation de l'événement et des textes du concile
Vatican II. L'apport de ce concile doit être pensé en termes de croissance,
d'éclairage, d'approfondissement et non en termes de rupture. Le concile ne
saurait être vu comme un élément de rupture avec la grande Tradition de
l'Église. Il ne s'agit donc pas de faire, à partir de lui, table rase du
passé ni de revenir aux temps préconciliaires. Ce qui me frappe d'ailleurs
dans la Lettre du pape, c'est son regard tourné vers l'avenir. Il ne voit
pas dans les deux formes « ordinaire » et « extraordinaire » du rite romain
deux objets de musée mais deux formes vivantes, qui pourraient dans le futur
s'enrichir mutuellement.
Toujours dans votre conférence de presse, vous avez
appelé à finir « la. guerre des rites », en disant qu'« il n'y avait ni
perdants, ni gagnants » : pourriez-vous expliquer cela ?
Le pape invite à sortir de l'affrontement idéologique dont je parlais plus
haut. Il déplace les positions et demande à chacun d'intégrer dans sa
réflexion un point de vue qui ne lui était pas familier. À ceux qui sont
très attachés à la réforme liturgique voulue par le concile, le pape Benoît
XVI dit: vérifiez que ce que vous mettez en œuvre est
bien ce qui a été voulu par la réforme conciliaire et acceptez que la
forme liturgique ancienne qui a nourri pendant des siècles la foi des
fidèles puisse nourrir encore aujourd'hui ceux qui y sont attachés. À
ceux-ci, il dit qu'ils doivent reconnaître l'autorité du concile Vatican II
en la matière, admettre que la liturgie issue de la réforme liturgique soit
la forme « ordinaire » du rite romain. Il demande aux prêtres de ne pas
exclure la célébration selon le missel de Paul VI. Il n'y a ni perdants ni
gagnants. Chacun a à parcourir une part du chemin pour découvrir toutes
les richesses de la Tradition liturgique de l'Église.
Certains évêques, prêtres et laïcs ont manifesté
leur inquiétude face à ce Motu proprio. Cette inquiétude n'est-elle pas
surtout révélatrice de la méconnaissance de la mouvance « traditionnelle » ?
Dans un but de paix qui est celui de Benoît XVI, l'Assemblée plénière de la
Conférence des évêques ne pourrait-elle pas inviter à s'exprimer des
supérieurs de communautés attachées à l'ancien Missel ?
Reconnaissons que cette mouvance « traditionnelle » est fort diverse. Il y a
ceux qui se réjouissent du Motu proprio. Il y en a d'autres qui ne le voient
que comme une première bataille gagnée dans une guerre qui doit être encore
remportée. Avouons que ceux-ci sont loin de la pensée du pape Benoît XVI. Par ailleurs,
je rencontre moi-même la plupart des supérieurs des communautés attachées à
l'ancien Missel. Je n'exclus pas qu'ils puissent un jour être invités à
l'Assemblée plénière. Mais, l'urgence première est de voir aujourd'hui dans
les diocèses, avec les premiers concernés que sont les curés, comment ce
Motu proprio va pouvoir concrètement être mis en œuvre.
Propos recueillis par Christophe Geffroy
Table :
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Motu Proprio
Sources:
La Nef
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 08.09.2007 - BENOÎT XVI -
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