Le pape Benoît XVI propose le chant
grégorien comme le modèle de la musique sacrée
ROME, le 8 Juin 2007 -
(E.S.M.)
- L’idée du pape Benoît XVI comme
celle des Pères du synode est de proposer le chant grégorien comme le
modèle de la musique sacrée, de l’utiliser largement, pour qu’il soit
naturellement utilisable ensuite, le cas échéant, dans les
rassemblements internationaux.
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Le pape Benoît XVI propose le chant grégorien comme le modèle de la musique
sacrée
« Nous avons besoin d’un nouveau mouvement liturgique, qui donne le jour
au véritable héritage de Vatican II. »
Cardinal Ratzinger, Ma Vie, souvenirs. Fayard 1998.
Où l’on reparle de l’exhortation apostolique post synodale sur
l’Eucharistie.
On pourra trouver, sur le site du diocèse de Nancy et Toul,
la transcription de l’interview radiodiffusée donnée à Mgr Papin au cours de
l’émission Parole d’évêque , RCF Jérico le 17.03.07.
Mgr Papin revient sur la question de l’exhortation post-synodale sur
l’Eucharistie «
Sacramentum Caritatis »du pape Benoît XVI.
On peut tout d’abord féliciter Mgr Papin de parler de façon franche d’un
texte magistériel important sur les ondes d’une radio chrétienne,
alors même que ce texte est passé largement inaperçu
des fidèles catholiques, et qu’il a été traité de façon pour le moins
légère – comme à l’accoutumée – par des médias en quête de sensationnel. Mgr
Papin a le mérite de s'expliquer sur le sujet, alors même qu'on avait peur
de voir cette exhortation "tuée par le silence qui l'entoure". Mgr Papin
commence par expliquer – et il a raison, - que ce texte ne fait pas
qu’aborder des questions « médiatiques » du type du célibat des prêtres, de
la communion eucharistique des divorcés remariés, etc. Il aborde ensuite la
question du latin, en cherchant à dédramatiser la question, qui, on le sait,
est éminemment idéologique :
« De plus, lorsqu’on lit dans les journaux que le pape Benoît XVI conseille
le latin pour la célébration de la messe, c’est une contre-vérité ! Il dit
que l’usage du latin est utile pour les grands rassemblements
internationaux, à part les lectures et la prière universelle qui doivent
demeurer dans la langue du pays où l’on se trouve. Quand il dit cela, ce
n’est pas une nouveauté ! Un exemple : l’an dernier, j’étais au pèlerinage
diocésain à Lourdes. Les responsables des sanctuaires m’ont demandé de
présider la messe internationale qui a lieu deux fois par semaine, le
mercredi et le dimanche, à la basilique souterraine. La prière eucharistique
et le Notre Père étaient en latin. J’ai donc dit la messe en latin ce
jour-là devant 20 à 25 000 personnes de nombreux pays ; ce qui permettait
aux gens de s’unir davantage et de chanter ensemble le Sanctus, l’Agnus Dei,
etc. Quoi d’étonnant à cela ? Quoi de scandaleux et surtout quoi de neuf ?
Que Benoît XVI demande ensuite que les séminaristes soient formés un peu au
latin pour pouvoir justement concélébrer dans ces grandes Eucharisties
internationales, qu’y a-t-il là d’étonnant ? J’ai été pendant vingt ans
professeur et supérieur de séminaire, on y a toujours fait cela ! On a
toujours initié les séminaristes à un minimum de latin et on leur a appris
un certain nombre de chants grégoriens importants, comme le Salve Regina et
le Veni Creator, une messe grégorienne pour qu’ils puissent chanter le
Kyrie, le Gloria ou le Credo. Je ne vois pas là ce qui est étonnant et ce
qui est rétrograde. »
Ce que nous observons, quant à nous, c’est que dans son souci d’apaiser les
esprits, l’évêque de Nancy et Toul est un petit peu réducteur : si le synode
des évêques a cru devoir insister aussi lourdement sur la question du latin
dans la liturgie, c’est probablement que la situation actuelle n’est pas
conforme aux désirs des pères. Et c’est tout simplement ce que rappelle le
Saint Père, dans des termes beaucoup plus explicites que veut bien le
laisser entendre Mgr Papin :
62. (...) Nous demandons à tous les futurs prêtres, dès le temps du
séminaire, de se former à comprendre et à célébrer la Sainte Messe en latin,
à employer les textes en latin et à utiliser le chant grégorien ; aucun
effort ne devra être négligé en ce qui concerne les fidèles eux mêmes, pour
qu'ils sachent l'ensemble des prières communes en latin et qu'en même temps
ils connaissent les parties de la liturgie qui doivent être chantées en
chant grégorien.
Là où Mgr Papin a raison, c’est que ces demandes instantes ne sont pas
nouvelles, et qu’elles correspondent à un désir très profond non pas
seulement des Pères du Synode sur l’Eucharistie, mais des Pères du Concile
Vatican II, qui, pour la première fois dans le magistère le 4 décembre 1963,
par la promulgation de la constitution dogmatique
Sacrosanctum Concilium, a « canonisé » le chant
grégorien comme « chant propre de la liturgie romaine
» qui doit avoir dans la liturgie « la première place » (on pourrait aussi
traduire le texte conciliaire latin par « place du Prince »).
Ce n’est donc pas rien, tout de même, qui est demandé par l’exhortation
apostolique, et
c’est bien effectivement ce que soulignait Mgr Miserachs Grau, directeur de
l’Institut Pontifical du Musique Sacrée, à Rome, en 2005 :
« Le nouveau missel romain propose les textes latins à côté des traductions
en langues courantes. L'Eglise souhaite que ce missel soit mis en œuvre.
Pourquoi aurions-nous peur d'une conversion allant dans ce sens?
Le chant grégorien n'a pas à devenir une musique de conservatoires ou de
concerts, ou de disques: il n'a pas à être momifié pour être présenté dans
des musées. Il doit demeurer vivant, redevenir vivant au sein de nos
assemblées; c'est en l'entendant et en le chantant au cours des liturgies
qu'il pourra nourrir les fidèles au point que ceux-ci se sentiront davantage
encore faire partie du peuple de Dieu.
Il est grand temps de sortir de notre torpeur: les exemples lumineux doivent
venir des cathédrales, des grandes églises, des monastères et des couvents,
des séminaires et des maisons de formation religieuse. Ainsi les plus
petites paroisses seront-elles "contaminées" à leur tour par la suprême
beauté du chant de l'Eglise. Ainsi, le pouvoir de persuasion du chant
grégorien va-t-il rayonner pour aller jusqu'à conforter le peuple dans son
authentique sens de la foi catholique. »
Il est manifeste que l’idée du pape Benoît XVI comme celle des Pères du
synode
n’est pas de laisser au chant grégorien une fonction exceptionnelle en
certains lieux particuliers (par exemple les messes internationales de
Lourdes). L’idée générale, c’est de proposer le chant grégorien comme le
modèle de la musique sacrée, de l’utiliser largement, pour qu’il soit
naturellement utilisable ensuite, le cas échéant, dans les rassemblements
internationaux. Ce qui est intéressant, par ailleurs, c'est que Mgr Miserachs Grau parle ici d'une conversion. Et il n'y a pas de conversion non
douloureuse.
Il ne s’agit pas ici de retour en arrière ou de nostalgie. La crainte – bien
légitime – de Mgr Papin de se voir étiqueté comme « traditionaliste » l’a
probablement fait minimiser cet aspect des choses. C’est bien dommage que
ces questions essentielles soient occultées pour des raisons
d’instrumentalisation par la presse de ces questions.
Il fallait tout de même le mentionner. Sur ces points particuliers,
l’avancée des directives pastorales provenant du S. Siège est significative,
et même fondamentale. Cette orientation énergique de l’exhortation
Sacramentum Caritatis - qui est d'ailleurs tout à fait en
ligne avec d'autres textes émanant soit du magistère soit de la Curie - en
faveur de l’application des directives conciliaires sur le latin et le
grégorien n’a pas à être minimisée, bien au contraire. La lecture
idéologique des livres de la réforme liturgique a pu faire beaucoup de mal
au rite romain depuis 1970. On voit bien,
avec les derniers textes publiés par le préfet de la Congrégation du culte
divin, le Cardinal Arinze, notamment sur la langue liturgique :
« Il est à noter que beaucoup de religions du monde, ou leurs ramifications
principales, ont une langue qui leur est chère. On ne peut pas penser à la
religion judaïque sans penser à l’hébreu. Pour l’islam, la langue sacrée est
l’arabe du Coran. L’hindouisme classique considère le sanscrit comme sa
langue officielle, tandis que les textes sacrés du bouddhisme sont rédigés
en pali.
Il serait superficiel de notre part de croire qu’il s’agit là d’une tendance
ésotérique, bizarre, désuète, vieux jeu ou médiévale. Ce serait ignorer une
composante subtile de la psychologie humaine. Dans les questions
religieuses, les personnes tendent à conserver ce qu’elles ont reçu depuis
les origines, la manière dont leurs prédécesseurs ont formulé leur religion
et prié. Les paroles et les formules utilisées par les premières générations
sont chères à ceux qui en ont hérité aujourd’hui. S’il est vrai qu’on ne
peut certes pas identifier une religion avec une langue, la façon dont elle
se comprend peut créer un lien affectif avec une expression linguistique
particulière en usage dans sa période de croissance classique.
(…) Mais l’exhortation du Pape Benoît XVI aux étudiants de la Faculté de
lettres classiques et chrétiennes de l’Université pontificale salésienne de
Rome, à l’issue de l’Audience générale du
mercredi 22 février 2006, garde
toute sa valeur et son importance. Et il l’a prononcée en latin ! En voici
une traduction libre en français : « Avec raison, nos prédécesseurs ont
insisté sur l’étude de la grande langue latine afin que l’on puisse mieux
apprendre la doctrine salvifique contenue dans les disciplines
ecclésiastiques et humanistiques. De même, je vous invite à cultiver cette
activité, afin que le plus grand nombre possible de personnes puissent
accéder à ce trésor et en apprécier l’importance »
(in L’Osservatore Romano, 45, 23 fév. 2006,
p.5).
(…) Le chant grégorien est caractérisé par une cadence méditative et
émouvante. Il touche les profondeurs de l’âme. Il manifeste la joie, la
tristesse, le repentir, la requête, l’espérance, la louange ou l’action de
grâce propres à une fête particulière, à une partie de la Messe ou à toute
autre prière. Il rend les Psaumes plus vivants. Il exerce une fascination
universelle, qui le rend approprié à toutes les cultures et à tous les
peuples. Il est apprécié aussi bien à Rome, qu’à Solesmes, Lagos, Toronto ou
Caracas. Il résonne dans les cathédrales, les séminaires, les sanctuaires,
les centres de pèlerinage et les paroisses traditionnelles.» (*)
Nulle part dans les textes romains, on ne voit apparaître l’idée que le
latin et le chant grégorien doivent être limités aux réunions
internationales. Et d’ailleurs, on voit bien que ce serait parfaitement
artificiel : que serait l’expression d’une foule rassemblée pour célébrer la
Foi si, par exemple au cours des JMJ, elle n’utilisait que des chants
qu’elle n’a jamais entendus ? Ce serait à la fois plaqué et injuste. Et
pastoralement contre productif. Donc commençons dès maintenant à utiliser le
latin et le chant grégorien dans les célébrations paroissiales. Et c’est
d’ailleurs clairement ce que préconise le dernier document magistériel sur
l’Eucharistie. Nous pouvons vous y aider.
Bien sûr, l'application des directives magistérielles notamment par les
évêques sur ce point est très difficile ; spécialement sur le territoire
français, où cette question est spécialement délicate. L'intelligentsia
"bobo" voit dans l'usage du latin un retour "en arrière" inacceptable,
parce que soit disant cela rendrait la liturgie incompréhensible. Les
coteries traditionalistes quant à elles se méfient plus que tout de
célébrations dignes, en latin, en chant grégorien et même "orientées". Il
n'y a qu'à voir l'hostilité constante de la Fraternité Saint Pie X envers
par exemple l'Opus Dei - qui a l'habitude de messes entièrement latines et
grégoriennes pour comprendre que le terrain est particulièrement glissant.
Mais peu importe, car le successeur de Pierre est ambitieux. Donc nous
aussi, humblement, dans son sillage.
* NDLR : Quand le Cardinal Arinze parle des "paroisses traditionnelles", il
ne cherche pas à désigner les paroisses "traditionalistes" ou bénéficiant du
motu proprio Ecclesia Dei adflicta. Il parle des paroisses normales, dans
leur forme et gouvernement habituel. Bref, les paroisses "lambda".
Écrit par F X
Sources:
Schola Saint Maur
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 08.06.2007 - BENOÎT XVI -
Musique sacrée