Message de Pâques 2009 de S.B.
Fouad Twal Patriarche latin de Jérusalem |
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Le 07 avril 2009 -
(E.S.M.)
- Comme tous les ans, le Patriarche latin de Jérusalem, S.B.
Fouad Twal adresse un message durant la Semaine sainte, pour
nous préparer à cheminer tout au long de cette semaine et à
accueillir le Christ Ressuscité, dans la joie!
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S.B. Fouad Twal
Patriarche latin de Jérusalem
Message de Pâques 2009 de S.B. Fouad Twal Patriarche latin de Jérusalem
Chers Frères et Sœurs,
Nous voici parvenus au seuil de la Semaine Sainte, la grande semaine et le
sommet de l'année chrétienne. Durant cette semaine bénie, Dieu nous donne la
grâce de revivre l'événement du Salut : avec Jésus, en Jésus, nous allons
passer de la mort à la vie, nous allons nous dépouiller de l'homme ancien
pour revêtir l'homme nouveau. Cette semaine est le résumé de toute notre vie
chrétienne.
Mais ne nous trompons pas! Les récits de la Passion, de la Mort et de la
Résurrection de notre Seigneur Jésus ne relatent pas seulement des
événements historiques révolus, dont nous ferions pieusement mémoire chaque
année tout en restant extérieurs au drame qui se joue... Non, nous sommes à
l'intérieur du drame, et le drame se joue à l'intérieur nous! Nous
participons au mystère du Salut et le mystère du salut s'accomplit en nous!
C'est pourquoi nous nous reconnaissons si bien dans chaque acteur de cet
événement pascal : dans Jésus et ses souffrances, les mêmes qui se répètent
en chacun de nous tout au long de notre vie : faim, trahison, fatigue,
injustice… dans Pierre, impulsif, généreux, mais très vulnérable ; dans
Judas et les apôtres ; dans Pilate et les chefs des prêtres, qui jugent et
frappent sans miséricorde ; dans la foule qui tantôt acclame et tantôt rugit
; dans la Vierge Marie, dont le cœur est transpercé d'un glaive, mais qui
accompagne Jésus dans son chemin de croix et reste à ses côtés dans les
moments les plus dramatiques, en silence mais dans un abandon confiant et
total ; dans les soldats, qui se moquent, frappent ou sont indifférents aux
souffrances du Christ ; dans Véronique et les saintes femmes, qui pleurent
et essaient de soulager les souffrances du Maître ; dans Simon de Cyrène et
Joseph d'Arimathie ; dans le Bon Larron qui appelle Jésus et réussit, aux
derniers moments de sa vie, à dérober le paradis même...
Dans notre vie, nous sommes tour à tour chacun de ces personnages.
Mais Celui qui attire le plus notre regard, qui nous touche, nous émeut et
nous transforme de l'intérieur, c'est le Christ Jésus. C'est Lui que nous ne
devons pas quitter des yeux tout au long de cette Semaine sainte... C'est
vers Jésus que nous devons tourner nos yeux et notre cœur “pour le
connaître, lui, avec la puissance de sa Résurrection et la communion à ses
souffrances, lui devenir conformes dans sa mort afin de parvenir, si
possible, à ressusciter d'entre les morts” (Ph 3,
10-11).
Vivons donc ce drame sacré de l'intérieur, faisons une plongée dans le temps
et reportons-nous deux mille ans en arrière dans cette même ville de
Jérusalem, ses ruelles étroites et sinueuses, usées par le temps et les
hommes, qui témoignent de l’événement le plus important de l’histoire
humaine : la Rédemption. Joignons-nous au groupe des apôtres et à la foule
des pèlerins qui nous arrivent de tous les coins du monde, suivons Jésus en
portant nos propres croix et efforçons-nous de communier avec amour à ses
souffrances, à sa mort et à sa résurrection.
C'est le Dimanche des Rameaux. La ville de Jérusalem est en liesse, la
fièvre messianique atteint son paroxysme. Nous aussi, venus de tout le pays
avec nos paroissiens, nos jeunes et nos scouts, mêlés aux nombreux groupes
de touristes, de pèlerins et de soldats, nous faisons partie de la foule,
aux côtés des apôtres, des disciples et des enfants enthousiastes. Avec eux
nous crions : “Un grand prophète s'est levé parmi nous! Dieu a visité son
peuple!” “Hosanna au Fils de David! Béni soit celui qui vient au nom du
Seigneur!” Nous sommes dans la joie, la fête et la louange. Nous acclamons
ce messie qui a accompli tant de signes et de prodiges autour de nous et en
nous, qui enseigne avec une telle autorité, qui est l'envoyé de Dieu. Nous
sommes fiers d'être de sa suite, d'être de ses proches, d'être vus en sa
compagnie. Il est acclamé comme un roi, et nous sommes heureux de faire
partie de sa cour... Comme nous avons raison!
Mais en même temps, comprenons-nous bien à ce moment-là que Jésus est le
messie éternel, le Sauveur de l’humanité, et qu'il se situe bien au-dessus
de nos systèmes humains, de nos structures politiques et de nos divisions?
Quelle image avons-nous du Christ Jésus? Et par suite quels sont les signes
caractéristiques de notre identité chrétienne?
Sommes-nous seulement fiers de faire partie d'un groupe à part, guidé par un
chef puissant? Ou bien sommes-nous éblouis devant l'immense amour du Christ
pour nous, et désireux de l'aimer en retour?
Jeudi saint, l'ambiance est très différente de celle de dimanche dernier. Le
soir est tombé. Nous participons avec les disciples au dernier repas de
Jésus. L'atmosphère est solennelle, mystérieuse, pesante. La tristesse
empoigne nos cœurs, sans que nous sachions expliquer pourquoi... Nous ne
comprenons pas vraiment le sens de ce qui se passe. Les paroles du Maître
nous paraissent obscures, ses gestes énigmatiques. “Prenez et mangez, ceci
est mon corps... Prenez et buvez, ceci est mon sang...”
Puis il nous donne ses dernières recommandations, son testament. Pourquoi?
Va-t-il mourir, lui qui a ressuscité tant de morts? Va-t-il partir, nous
quitter, lui qui a marché avec nous pendant trois années entières? “ -
Maître, où vas-tu? - Là où je vais, vous ne pouvez pas venir maintenant”
(Jn 13, 36).
Et voilà que le Maître s'agenouille devant nous pour nous laver les pieds!
Lui dont Jean le Baptiste avait déclaré n'être pas digne de toucher les
pieds... Comme Pierre, nous sommes bouleversés par l'humilité de Jésus.
Comme il est différent du Roi et du Messie que nous attendions!... “Je ne
suis pas venu pour être servi mais pour servir et donner ma vie en rançon
pour la multitude.”
Puis nous l'accompagnons jusqu'au jardin des Oliviers, de l'autre côté du
Cédron. Jésus est oppressé, angoissé. Il nous emmène avec Pierre, Jacques et
Jean à l'écart, et nous demande de veiller avec lui. Mais nos paupières sont
lourdes, aussi lourdes que nos cœurs, et nous nous endormons, laissant le
Maître souffrir seul son agonie.... Pardonne-nous, Seigneur, de “n'avoir pu
veiller une heure avec toi”!
Alors arrive une troupe en armes, guidée par Judas. - Traître!, lui
crions-nous. Nous voudrions le frapper, le tuer pour avoir trahi le
Maître... Mais nous même, combien de fois avons-nous trahi la confiance du
Maître et celle de nos amis, de nos aimés ou de nos supérieurs? Et comme les
disciples nous nous enfuyons souvent au moment où notre présence et notre
témoignage seraient les plus nécessaires! Pourtant, comme Pierre, nous
avions dit à Jésus : “Je donnerai ma vie pour toi!”
(Jn 13, 37) ; et encore : “Si tous viennent à tomber, moi je
ne tomberai pas!” (Mc 14, 29).
Seigneur, pardonne-nous nos lâchetés.
Plus tard, dans la soirée, Pierre dira par trois fois : “Je ne connais pas
cet homme.” En chacun de nous il y a un Pierre, petit ou grand, qui a
l’audace de promettre des miracles et le courage de renier.
Seigneur, pardonne-nous nos reniements.
Vendredi saint. Jésus a passé la nuit en prison, seul, angoissé. Il a dû
prier comme jamais les paroles du psaume 87 : “Tu m’a mis au plus profond de
la fosse, en des lieux engloutis, ténébreux. Ma compagne, c'est la ténèbre...”
Puis au matin, il a été emmené au tribunal de Pilate comme un criminel, lui
l'Innocent... Il a été jugé au terme d'un procès inique, lui le juste Juge
des vivants et des morts... Il a été condamné, lui qui jamais n'a condamné
personne... On l'a cruellement flagellé, lui qui caressait la tête des
petits enfants et touchait avec douceur les lépreux et les malades pour les
guérir... On l'a condamné à mort, lui qui est la Résurrection et la vie des
morts... Comment les hommes ont-ils pu se rendre coupables d'une telle
injustice, d'un tel aveuglement, d'un tel déchaînement de haine?... Comment
avons-nous pu infliger tout cela à Jésus?...
Et le voilà, Jésus, le Messie que nous avons tant acclamé il y a quelques
jours, qui sort en titubant de chez Pilate, portant sur ses épaules sa
lourde croix. Il marche dans les ruelles étroites, sinueuses et montantes de
Jérusalem. Nous, nous suivons la scène, mais de loin ; de cette manière,
personne ne remarquera notre présence... Nous avons trop peur de souffrir et
de mourir comme lui. Les soldats crient et frappent le Maître pour le
stimuler et réveiller les dernières forces qui lui restent. Et voilà que
Jésus tombe! Voir notre Maître tomber, lui que nous avons contemplé debout
dans la gloire sur le mont Thabor... Trois fois il tombe, mais il se relève
et poursuit péniblement sa “via crucis”...
Arrivé au Golgotha, il est crucifié entre deux malfaiteurs. Marie sa mère
est près de lui, avec d'autres femmes. Jean est là lui aussi. Quel terrible
spectacle! C'est trop dur à supporter... Notre cœur est partagé entre la
compassion et la révolte. La compassion pour le Maître qui souffre le
martyre alors “qu'il n'a rien fait de mal”, bien au contraire : “Il est
toujours passé en faisant le bien.” La révolte, car ce Maître-là, qui tant
de fois a révélé sa puissance en paroles, laisse faire les hommes et demeure
muet “comme une brebis devant les tondeurs”... ce Maître-là, qui tant de
fois a révélé sa puissance en actes, reste impuissant... Nous avons parfois
envie de dire, avec les chefs des prêtres : “Mais descends de la croix!
Sauve-toi toi-même, toi qui en a sauvé tant d'autres!”
(Mt 27, 42)
Voir Jésus en croix est une épreuve pour notre foi. Il a accompli tant de
signes durant son ministère public... mais cette fois, où est le signe?
Quelle est la signification de tout ceci?
Or voici que Jésus clame en un grand cri : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi
m'as-tu abandonné?” (Mt 27, 46).
Puis il expire. Il est mort. Tout est fini.
Pourquoi rester là à le regarder, à contempler ce pitoyable échec? Rentrons
chez nous.
Aujourd'hui, Samedi saint, tout est vide. Le Maître est mort. Nos espoirs
les plus fous se sont envolés. Nous sommes rassemblés avec les apôtres et
les disciples, et nous ressassons notre tristesse, notre désillusion, mais
aussi notre honte et notre culpabilité de n'avoir pas été “à la hauteur”. Le
seul réconfort que nous trouvons nous vient de Marie, la Mère. Elle souffre,
cela se voit, mais en même temps elle est dans la paix. Elle nous invite à
croire, à espérer contre toute espérance. Jésus ne peut ni se tromper ni
nous tromper. La lumière va se lever. Quand? Comment? Et pourquoi tout cela?
C’est le jour des “pourquoi”, mais aucune réponse n’arrive encore... Seul le
cœur de mère de Marie pressent l'indicible... Marie croit de tout son cœur,
de toute son âme et de toute sa force. Faisons comme elle.
Dimanche de la Résurrection. Nous avons d'abord du mal à croire ce que Marie
Madeleine et les femmes viennent nous raconter. Elles disent avoir vu le
Maître vivant! Elles disent qu'il nous attend en Galilée. Des racontars de
bonnes femmes, rien de plus...
Et pourtant?
Et pourtant, si c'était vrai?
Voici que Pierre et Jean courent au tombeau. Nous les suivons. Notre cœur
bondit dans notre poitrine... Que s'est-il passé? Quelqu'un a-t-il volé le
corps? Le Sanhédrin? Les Romains? Mais non, nous pressentons qu'il s'agit
d'autre chose... Des bribes de paroles du Maître, qui dormaient en nous,
reviennent à notre mémoire. “Le fils de l'Homme sera livré aux grands
prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort, le livreront aux païens
pour qu'il soit humilié, flagellé, crucifié. Et le troisième jour, il
ressuscitera.”(Mt 17, 22) C'est justement la parole que les anges ont
rappelée aux femmes. Mais que signifie donc “ressusciter d'entre les
morts”?...
Dans le tombeau, le corps a disparu! Il ne peut s'agir d'un vol puisque,
comme les femmes et Marie Madeleine nous l'ont confirmé, tout est à sa place
: voici le linceul, comme vidé de l'intérieur, à l'endroit exact où le corps
avait été déposé... voici le linge qui entourait la tête du Maître, affaissé
sur lui-même...
Mais alors, les femmes auraient-elles dit vrai? Le Maître, qui était mort,
serait vivant?!
Avec les onze disciples, nous nous rendons en hâte en Galilée, à la montagne
que Jésus a indiquée. Le Maître nous attend en Galilée. La Galilée, c’est
l’Eglise, c’est notre maison, c’est là que nous accomplissons notre service
; la Galilée, c’est tout lieu où le Seigneur nous envoie pour être les
témoins joyeux de Sa mort et de Sa résurrection.
Nous arrivons à la montagne. Le Maître est là! Oui, c'est bien lui! A la
fois différent et le même. Oui, c’est bien nous! Les mêmes, et pourtant très
différents.
Avec Thomas, nous nous écrions : “Mon Seigneur et mon Dieu!” Avec Marie,
nous lui disons de tout notre cœur : “Rabbouni!”
Oui, le Christ est ressuscité! Il est vraiment ressuscité!
L'aventure peut continuer. Ou plutôt : tout peut recommencer, tout est
nouveau! Pour nous-mêmes, pour notre pays et pour notre Eglise. Le salut est
accompli et doit être annoncé à tous les hommes.
La Pâque est à nouveau accomplie dans nos Eglises, nos maisons, dans nos
villes et villages, dans nos communautés paroissiales, chez nos moines et
moniales, dans nos âmes et nos cœurs, et sur les beaux visages de tous nos
chers pèlerins et touristes. L’Alléluia retentit de nouveau!
C’est la fête! Et participant à notre joie, Jésus nous dit : “Je suis avec
vous tous les jours jusqu'à la fin du monde” (Mt 28, 20).
Il est ressuscité, il est vraiment ressuscité! Bonne fête à vous tous.
Sources : lpj
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 07.04.09 -
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