Benoît XVI : le dialogue peut-il remplacer la mission
Le 06 mai 2023 - E.S.M. - Le pape Benoît XVI à confié dans un ultime ouvrage, publié récemment, quelques sujets sorte de testament spirituel dans lequel il nous livre la quintessence de son expérience. vous trouverez ci- dessous un extrait du 1er chapitre qui a pour titre L'amour à l'origine de la mission


L'amour à l'origine de la mission- Pour agrandir l'image º Cliquer
Benoît XVI : le dialogue peut-il remplacer la mission
C'est à l'occasion d'une visite à l'université pontificale urbanienne, que le pape Benoît XVI s'est adressé aux représentants des étudiants. C'est une source de grande joie pour moi de pouvoir continuer à être présent aux travaux de l'université pontificale urbanienne. Aujourd'hui encore, je vois devant moi une communauté composée de tant de jeunes, qui nous fait percevoir concrètement la merveilleuse réalité de l'Église catholique. Il leur a livré une réflexion au sujet du christienisme.

« Catholique » : cet attribut de l'Église, qui fait partie de la profession de la foi depuis les temps les plus anciens, porte en soi quelque chose de la Pentecôte. Elle nous rappelle que l'Église de Jésus-Christ n'a jamais concerné un seul peuple ou une seule culture, mais que, dès le début, elle était destinée à l'humanité tout entière. En effet, les dernières paroles de Jésus à ses disciples ont été : « De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19). Et à la Pentecôte, les apôtres ont parlé dans toutes les langues, pouvant ainsi manifester, par la puissance de l'Esprit Saint, toute l'étendue de leur foi.
Depuis lors, l'Église a véritablement grandi dans tous les continents. Vous reflétez, chers étudiants, le visage universel de l'Église. Le prophète Zacharie avait annoncé un royaume messianique qui s'étendrait d'une mer à l'autre et qui serait un royaume de paix (Za 9,9s). Et, en effet, partout où l'Eucharistie est célébrée et où les hommes deviennent un seul corps à partir du Seigneur, il y a quelque chose de cette paix que Jésus-Christ a promis de donner à ses disciples. Vous, chers amis, soyez les coopérateurs de cette paix qui, dans un monde déchiré et violent, devient toujours plus urgente à construire et à préserver. C'est pourquoi est si important le travail de votre université, lieu que vous avez choisi pour approfondir votre connaissance de Jésus-Christ afin de devenir ses témoins.
Le Seigneur ressuscité a chargé ses apôtres, et à travers eux les disciples de tous les temps, de porter sa parole jusqu'aux extrémités de la terre et de faire des hommes ses disciples. Le concile Vatican II, reprenant dans le décret Ad gentes une tradition présente au cours des siècles, a mis en évidence les raisons profondes de cette tâche missionnaire et l'a transmise à l'Église d'aujourd'hui avec une force renouvelée.
Mais beaucoup de personnes, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Église, se demandent si la mission est vraiment toujours d'actualité. Est-elle réellement toujours pertinente ? Ne serait-il pas plus approprié de se rencontrer dans le cadre d'un dialogue entre les religions et de servir ensemble la cause de la paix mondiale ? Autrement dit : le dialogue peut-il remplacer la mission ? En effet, nombreux sont ceux qui estiment aujourd'hui que les religions devraient se respecter mutuellement et, en dialoguant les unes avec les autres, devenir force commune pour la paix. Ce point de vue suppose le plus souvent que les différentes religions soient des variantes d'une seule et même réalité ; que la « religion » est le genre commun qui prend des formes différentes selon les cultures, mais qui exprime une seule et même réalité. La question de la vérité, celle qui, à l'origine, a le plus remué les chrétiens, est ici mise entre parenthèses. En effet, le postulat de départ est que la vérité authentique sur Dieu est en définitive inaccessible et que, au mieux, on ne peut rendre présent ce qui est ineffable qu'à l'aide de divers symboles. Ce renoncement à la vérité semble réaliste et utile à la paix entre les religions dans le monde, mais il est fatal pour la foi. De fait, celle-ci perd son caractère contraignant, et son sérieux si tout est réduit à des symboles au fond interchangeables, capables de renvoyer seulement de loin au mystère inaccessible du divin.
Chers amis, vous voyez que la question de la mission nous confronte non seulement aux questions fondamentales de la foi, mais aussi à la question de ce qu'est l'homme. Dans le cadre d'une brève allocution de salutation, je ne peux évidemment pas tenter d'analyser de manière exhaustive ce problème, qui nous touche tous profondément aujourd'hui. Je voudrais cependant donner au moins une idée de la direction que devrait prendre notre réflexion. Je le fais à partir de deux points de départ différents.
I
1) L'opinion commune est que les religions sont juxtaposées, à la manière des continents et des pays sur la carte, sans lien les uns avec les autres. Or, ceci n'est pas exact. Les religions sont en mouvement dans l'histoire, tout comme les peuples et les cultures sont en mouvement. Il y a des religions en attente. Les religions tribales sont de ce type : elles ont leur moment historique, et pourtant elles attendent un plus grand événement qui les mènera à leur accomplissement. En tant que chrétiens, nous sommes convaincus que, dans le silence, elles attendent leur rencontre avec Jésus-Christ, seule la lumière qui vient de lui peut les conduire complètement à leur vérité. Et le Christ les attend. La rencontre avec lui n'est pas l'irruption d'un étranger qui détruit leur propre culture et leur histoire. Il s'agit plutôt de l'entrée dans quelque chose de plus grand, vers lequel elles sont en chemin. Ainsi, cette rencontre est toujours, à la fois, une purification et une maturation. En outre, la rencontre est toujours réciproque. Le Christ attend leur histoire, leur sagesse, leur vision des choses. Aujourd'hui, nous voyons aussi un autre aspect de plus en plus clairement : alors que dans les pays de sa grande histoire, le christianisme, à bien des égards, s'est lassé et que certaines branches du grand arbre qui a poussé à partir du grain de moutarde de l'Évangile se sont desséchées et sont tombées à terre, une vie nouvelle jaillit de la rencontre avec le Christ des religions en attente. Là où il n'y avait auparavant que de la lassitude, de nouvelles dimensions de la foi se manifestent et apportent la joie.
2) La religion en soi n'est pas un phénomène unitaire. Il faut toujours y distinguer plusieurs dimensions. D'un côté, il y a la grandeur de se projeter, au-delà du monde, vers le Dieu éternel. Et de l'autre, se trouvent des éléments qui proviennent de l'histoire humaine et de la pratique de la religion dans laquelle on peut, certes, trouver des choses belles et nobles, mais aussi des choses viles et destructrices, où l'égoïsme de l'homme a pris possession de la religion et, au lieu d'une ouverture, l'a transformée en une fermeture dans son propre espace. De ce fait, la religion n'est jamais simplement un phénomène purement positif ou purement négatif: les deux aspects y sont mêlés. À ses débuts, la mission chrétienne percevait très fortement les éléments négatifs des religions païennes auxquelles elle était confrontée. Pour cette raison, la proclamation chrétienne a d'abord été extrêmement critique à l'égard de la religion. Ce n'est qu'en dépassant leurs traditions, qu'elle considérait aussi en partie comme démoniaques, que la foi pouvait développer son pouvoir de renouvellement. C'est sur la base d'éléments de ce type que le théologien calviniste Karl Barth a opposé religion et foi, jugeant la première de manière absolument négative, comme le comportement arbitraire de l'homme qui tente, à partir de lui-même, de saisir Dieu. Dietrich Bonhoeffer a repris ce point de vue en plaidant en faveur d'un christianisme « sans religion ». Il s'agit sans aucun doute d'un point de vue partial qui ne peut être accepté. Et pourtant, il est correct de dire que chaque religion, pour rester juste, doit aussi toujours être critique envers la religion. Il est clair que cela s'applique, depuis ses origines et selon sa nature, à la foi chrétienne qui, d'un côté, regarde avec grand respect les attentes et les richesses des religions, et qui, d'autre part, discerne aussi d'un œil critique ce qu'elles comportent de négatif. Il va sans dire que la foi chrétienne doit sans cesse développer cette force d'analyse, y compris sur sa propre histoire religieuse. Pour nous, chrétiens, Jésus-Christ est le Logos de Dieu, la lumière qui nous aide à distinguer la nature de la religion et sa déformation.
3) Aujourd'hui, la voix de ceux qui veulent nous convaincre que la religion en tant que telle est dépassée est de plus en plus forte. Selon eux, seule la raison critique doit guider les actions de l'homme. Derrière ces conceptions se cache la conviction qu'avec la pensée positiviste, la raison dans toute sa pureté a définitivement pris le dessus. En réalité, cette façon de penser et de vivre est également conditionnée et liée à des cultures historiques. Considérer cette façon de penser comme la seule valable conduit l'homme à la confusion, lui ôtant des dimensions essentielles de son existence. L'homme devient plus petit, et non plus grand, lorsqu'il n'y a plus d'espace pour un ethos qui, conforme à sa nature authentique, le renvoie au-delà du pragmatisme, lorsqu'il n'y a plus de place pour un regard tourné vers Dieu. Le lieu propre de la raison positiviste est dans les grands domaines de la technologie et de l'économie, mais elle n'épuise pas l'ensemble de l'humain. Il nous appartient donc, à nous qui croyons, d'ouvrir toujours les portes qui, au-delà de la simple technique et du pur pragmatisme, mènent à toute la grandeur de notre existence, à la rencontre avec le Dieu vivant.
II
Ces réflexions, peut-être un peu laborieuses, devraient montrer que, aujourd'hui encore, dans un monde qui a profondément changé, la tâche de transmettre l'Évangile de Jésus-Christ aux autres reste légitime. Cependant, il existe également une deuxième façon, plus simple, de justifier l'actualité de cette tâche. La joie demande à être diffusée. L'amour exige d'être communiqué. La vérité réclame d'être communiquée. Celui qui a reçu une grande joie ne peut pas simplement la garder pour lui, il doit la transmettre. Il en va de même pour le don de l'amour, pour le don de la reconnaissance de la vérité qui se manifeste. Quand André a rencontré le Christ, il n'a pu que dire à son frère : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1,41). Et Philippe, qui l'avait pareillement rencontré, ne pouvait que dire à Nathanaël qu'il avait trouvé celui dont Moïse et les prophètes avaient parlé (Jn 1,45). Nous proclamons Jésus-Christ, non pas pour procurer à notre communauté le plus grand nombre possible de membres, et encore moins pour le pouvoir. Nous parlons de lui parce que nous sentons que nous devons transmettre cette joie qui nous a été donnée. Nous serons des hérauts crédibles de Jésus-Christ lorsque nous l'aurons vraiment rencontré dans les profondeurs de notre existence, lorsque, à travers notre rencontre avec lui, nous aurons fait la grande expérience de la vérité, de l'amour et de la joie.
Appartient à la nature de la religion le lien profond entre l'offrande mystique à Dieu, dans laquelle nous nous abandonnons totalement à lui, et la responsabilité envers notre prochain et le monde créé par Dieu. Marthe et Marie sont toujours inséparables, même si, de temps en temps, l'accent peut être mis sur l'une ou l'autre. Le point de rencontre entre les deux pôles est l'amour, dans lequel nous touchons simultanément Dieu et ses créatures. « Et nous, nous avons reconnu l'amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru » (I Jn 4,16) : cette phrase exprime la vraie nature du christianisme. L'amour, qui se réalise et se reflète de façon multiple dans les saints de tous les temps est la preuve authentique de la vérité du christianisme.


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Sources : Extraits du Testament spirituel de Benoit XVI - E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 06.05.2023