Motu Proprio de Benoît XVI et les conséquences
épiscopales en France |
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Le 06 février 2008 -
(E.S.M.) - Le Motu proprio de Benoît XVI, peut
paradoxalement jouer un rôle libérateur quant au recouvrement de
l'indépendance d'un certain nombre d'évêques vis-à-vis des structures et
du conformisme d'en haut et d'en bas.
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Claude
Barthe, prêtre, écrivain, éditeur
Motu Proprio de Benoît XVI et les conséquences épiscopales en France
A la différence des nombreux documents qui voudraient encadrer la
célébration de la liturgie de Paul VI, dont la répétition souligne
l'inefficacité, la
Lettre apostolique Summorum Pontificum est juridiquement
percutante. En fait, on est dans un autre monde cultuel : avec la réforme de
Paul VI, il s'agit d'interpréter bien, mal, mieux, un peu moins comme ceci,
un peu plus comme cela, des directives liturgiques flexibles et malléables;
avec les livres tridentins, il s'agit tout simplement de prendre ou de
laisser.
Lesquels prendront et combien ? On estime généralement que ne s'est pas produit en septembre de raz-de-marée tridentin. C'est bien possible, mais on
risque d'avoir tout de même quelques surprises. Je voudrais parler ici de
celles concernant les évêques de France.
En soi, le texte semble fait pour passer par-dessus leurs têtes et s'appuyer
sur les curés, dont il est notoire que beaucoup répondront bien plus «
généreusement » à la demande du pape que ne l'ont fait
jusqu'ici ses frères dans l'épiscopat. Toutefois, le Motu proprio, peut
paradoxalement jouer un rôle libérateur quant au recouvrement de
l'indépendance d'un certain nombre d'évêques vis-à-vis des structures et du
conformisme d'en haut et d'en bas. En effet, il légitime de facto un certain
clergé, celui dit des « nouveaux prêtres » (nouveaux, même si certains ont
un âge qui n'est plus tendre), face au clergé « conciliaire », qui détient
dans les diocèses et les organismes nationaux une bonne part des postes de
responsabilité.
Par ailleurs, il serait incompréhensible que le Motu proprio de Benoît XVI ne produise pas
aussi des effets dans le système des nominations épiscopales françaises, qui
est, pour résumer à gros traits, un procédé d'autoreproduction à l'intérieur
d'une classe de responsables conciliaires. Ce procédé est certes nuancé par
la recherche de candidats « modérés » (surtout pas traditionnels!),
spécialement en raison de l'influence particulièrement importante, durant
des décennies, du cardinal Lustiger. Mais le résultat est que de rares
épiscopes sont en phase avec ces « nouveaux prêtres » que j'évoquais et avec
leur volonté, tant de renouvellement pastoral dans un sens « identitaire »
que de retournement d'une page idéologique. Sauf à imaginer l'absurde et le
surréaliste - qui, il est
vrai, ne sont jamais inimaginables dans le monde ecclésiastique
-, à savoir que le gouvernement de l'Église à tous les niveaux où se « font
» les évêques ne modifie en rien son fonctionnement, il serait logique que
l'un des critères de choix des nouveaux évêques soit la volonté de faciliter
l'application du Motu proprio, qui est, qu'on le veuille ou non, un texte à
effets refondateurs. D'autant que, à Rome comme en France, les prêtres et
responsables favorables à son application pensent surtout à l'effet
indirectement correcteur qu'il aura sur la liturgie de Paul VI et au
rééquilibrage des forces, comme on dirait en politique et comme on peut
aussi le dire dans l'Église, qui est une société divine et humaine.
Il faut enfin évoquer un autre aspect, plus hypothétique, des conséquences
épiscopales de Summorum Pontificum. On sait que l'idée de l'organisation
d'une espèce de « rite saint Pie V » (un peu semblable à un rite oriental,
mais en moins formel) a été examinée au cours de la dernière partie du
pontificat de Jean-Paul II. Concrètement, elle aurait pris la forme de
quelque chose comme une administration apostolique mondiale dotée de
plusieurs évêques jouant le rôle de vicaires régionaux. Si le projet semble
aujourd'hui enterré, il n'est pas dit qu'on ne le retrouve pas, en partie,
sous la forme d'institution d'évêques « saint-Pie V » parcourant le monde
pour ordonner, visiter, articuler les divers groupes, inciter à la création
de paroisses personnelles, préparer les voies de l'émergence légale de la
Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X sous forme de prélature personnelle. Une
chose paraît cependant assurée: si de tels évêques tridentins (ou pour mieux
dire, d'évêques missionnés vers le monde tridentin) sont institués, ils ne
sortiront pas du milieu « saint-Pie V » lui-même, mais pourraient émaner et
dépendre de la commission Ecclesia Dei renforcée.
Au total, les célébrations traditionnelles devraient être davantage fondues
dans le paysage, lequel pourrait avoir lui-même des couleurs plus
traditionnelles. Tout ceci - ecclésiologie fiction ? - avec des risques de
remise en question de bien des positions acquises, mais certainement pour le
plus grand profit d'un apostolat dynamique.
Abbé Claude Barthe
L'auteur, qui est prêtre, fait un diagnostic sévère sur l'Église. C'est son
droit. Mais, tout comme pour son livre "Quel chemin pour l'Église ?"
l'on peut se demander pourquoi ses écrits ne sont-il pas illuminés par
l'amour lucide de Dieu pour notre monde, par la présence amoureuse de
l'Esprit Saint animant aujourd'hui l'Église ?
Sources : revue
Catholica
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.02.2008 - BENOÎT XVI
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