Benoît XVI et la délicate question de
l’inculturation |
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ROME, le 05 Avril 2007 -
(E.S.M.) - Le Saint Père Benoît XVI, à la suite du Concile laisse la
porte ouverte "à certains aménagements appropriés aux divers contextes
et aux différentes cultures". Le Pape reconnaît cependant l’existence
d’abus qui ne doivent pourtant pas entacher "la clarté
de ce principe".
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Inculturation n’est pas
acculturation. Pour agrandir la photo:
Cameroun
Benoît XVI et la délicate question de l’inculturation
Participation active et inculturation
(suite)
Le Saint Père Benoît XVI revient ensuite sur le sujet de la participation active des
fidèles, rappelant que « la Constitution conciliaire
sacrosanctum Concilium
exhortait les fidèles à ne pas assister à la liturgie eucharistique comme
des spectateurs étrangers et muets, mais à participer de façon consciente,
pieuse et active à l’action sacrée. »
Une quinzaine d’années avant le Concile, le pape Pie XII encourageait
vivement cette participation des fidèles. Car c’est précisément l’un des
effets de notre baptême que de nous rendre capable de participer à la Sainte
Liturgie. « Que les fidèles considèrent donc à quelle dignité le bain sacré
du Baptême les a élevés, et qu’ils ne se contentent pas de participer avec
l’intention générale qui convient aux membres du Christ et aux fils de
l’Eglise » écrivait-il.
Certes, cette participation se doit d’être intérieure et en esprit – nous y
reviendrons avec le propos de Benoît XVI – mais elle n’exclut pas la
participation extérieure, et en cela, elle est bien conforme à notre nature
humaine qui fait de nous des êtres à la fois spirituels et corporels. Pie XII avait déjà donné des recommandations sur les moyens de promouvoir cette
participation. Il est ainsi très souhaitable que les fidèles aient un missel
et qu’ils sachent l’utiliser ; les prêtres y veilleront. Les fidèles seront
ensuite encouragés à répondre « d’une façon bien réglée aux paroles du
prêtre » ou encore à « se livrer à des chants en rapport avec les
différentes parties du Sacrifice. » Il y a très certainement toute une
éducation à faire afin que chacun puisse reconnaître la grandeur du
Sacrifice et puisse ensuite y participer de la façon la plus convenable
autant qu’il est possible de le faire. Il est malheureusement vrai que
lorsque les prêtres négligent leur préparation avant de monter à l’autel,
les fidèles ne sont guère portés à faire des efforts. Qu’il le veuille ou
non, le prêtre, liturge par excellence de par sa fonction et de par son être
même, est un exemple que l’on suit pour le meilleur ou pour le pire. On
comprendra dès lors l’importance capitale d’une bonne formation liturgique
du clergé. Pie XII demandait que « le jeune clergé soit formé à
l’intelligence des cérémonies sacrées et à la compréhension de leur
majestueuse beauté » non pas pour seul motif d’érudition, « mais surtout
pour qu’il s’adonne, dès le cours de sa formation, à une très intime union
avec le Christ-Prêtre et devienne un saint ministre des choses saintes. » Le
prêtre est en effet d’abord « un saint ministre des choses saintes. » S’il
en est conscient, alors il formera ses ouailles et les encouragera à s’unir
au sacrifice qu’il offre chaque jour à l’autel : « Orate fratres, Priez mes
Frères, pour que mon sacrifice, qui est aussi le votre, puisse être agréé
par Dieu le Père Tout-Puissant. » Alors les fidèles s’uniront de bouche et
de cœur pour chanter la gloire de Dieu et répondre ainsi au souhait de
l’Eglise qui désire voir ses enfants unis dans une même prière, expression
de la même foi.
Tout en encourageant la participation active des fidèles, il faudra se
garder d’une certaine confusion qui peut en résulter si elle n’est pas bien
comprise. Tous en effet, ne sont pas ministres ordonnés. Participer
activement à la Liturgie ne signifie pas usurper les fonctions du prêtre ou
de tout autre ministre ordonné. Car c’est bien « en vertu de l’Ordre sacré
qu’il a reçu, que le prêtre représente Jésus-Christ, Chef de l’Eglise »
comme le réaffirme Benoît XVI. Certes le Pape nous rappelle que le prêtre,
et lui seul, préside la célébration eucharistique. Mais il est bien plus
qu’un président d’assemblée. Il est, lorsqu’il célèbre la messe,
Jésus-Christ in persona, Prêtre et Victime. Il a ce pouvoir unique et inouï
de dire : « Prenez et mangez en tous car ceci est mon corps ! Prenez et
buvez-en tous, car ceci est le calice de mon sang. » Et, disant cela, en
vertu du pouvoir reçu au jour de son ordination, il réalise, au nom du
Christ, ce qu’il dit ; il réactualise l’unique Sacrifice de notre
Rédempteur. Grandeur du prêtre !
Le Pape Benoît XVI nous offre ensuite un paragraphe (54) qui n’est pas sans nous
rappeler le style de son prédécesseur, tant pour la forme que pour le fond.
Il est fait mention des « affirmations fondamentales du Concile Vatican II »
que l’on peut trouver dans la Constitution sur la Liturgie
Sacrosanctum Concilium (paragraphes 37 à 42).
Il s’agit de la délicate question de
l’inculturation. Le Saint Père, à la suite du Concile laisse la porte
ouverte « à certains aménagements appropriés aux divers contextes et aux
différentes cultures. » Nous ne nions pas ce principe, mais nous ne pouvons
qu’appeler à une grande prudence pour son application. Le Pape reconnaît
lui-même l’existence d’abus qui ne doivent pourtant pas entacher "la clarté
de ce principe". Principe clair en lui-même, admettons ! En revanche ses
applications pratiques ne le sont certainement pas tout autant. Le
paragraphe 38 de la Constitution conciliaire affirme : « Pourvu que soit
sauvegardée l’unité substantielle du rite romain, on admettra des
différences légitimes et des adaptations à la diversité des assemblées, des
régions, des peuples, surtout dans les missions, même lorsqu’on révisera les
livres liturgiques ; et il sera bon d’avoir ce principe devant les yeux pour
aménager la structures des rites et établir les rubriques. »
« Pourvu que ceci soit sauvegardé (...) on pourra faire cela ! » Voilà un grand
principe des réformes liturgiques des dernières années qui engendre bien
souvent une grande confusion. Il est demandé que soit sauvegardée « l’unité
substantielle » du rite romain. Cela signifie-t-il que l’on puisse en
changer les « accidents » ? Mais qu’est ce qui est substantiel et qu’est ce
qui est accidentel dans un rite ? Un rite se doit d’exprimer de façon
humaine des réalités divines et mystérieuses. Le rite est à la fois signes
de ces réalités, mais il est aussi mystère en lui même. Si l’on amplifie
trop l’aspect humain, le signe devient une fin en lui même et l’on en vient
à en oublier la réalité. Nombreux sont ainsi les Catholiques, pourtant
fidèles, qui vont encore à la messe, mais qui ignorent qu’ils assistent
alors au renouvellement non sanglant du Sacrifice de la Croix.
Le rite
devient alors l’expression de l’assemblée qui se célèbre elle-même. Certes,
Dieu n’est pas rejeté de cette assemblée, mais tout de même : quelle
dévaluation de sa Grandeur ! Le rejet du mystère ne peut qu’aboutir à une
forme de naturalisme liturgique.
On pourra faire remarquer que l’excès inverse peut être tout aussi
dommageable. S’il ne reste plus rien d’humain dans un rite, alors que
pouvons-nous en saisir ? N’y a t’il pas danger de voir les églises se vider
si le rite n’est plus qu’un ensemble de gestes et de paroles
incompréhensible pour le commun des mortels ? La liturgie serait alors
réservée à une petite élite suffisamment instruites des choses d’En haut
pour pouvoir en goûter la saveur.
Conscient du fait qu’il faille éviter ces deux écueils, Benoît XVI, à la
suite de Jean-Paul II et du Concile, semble naviguer entre deux eaux, sans
vouloir choisir un cap précis. Le Concile crée officiellement les
laboratoires liturgiques au paragraphe 40 alinéas 2 : « Pour que
l’adaptation se fasse avec la circonspection nécessaire, faculté sera donné
par le Siège apostolique à l’autorité ecclésiastique territoriale de
permettre et de diriger, le cas échéant, les expériences préalables
nécessaires dans certaines assemblées appropriées à ces essais et pendant un
temps limité. »
C’est pour le moins surprenant ! Les fidèles sont-ils des cobayes de
laboratoire que l’on peut utiliser pour des expériences liturgiques ?
Certes, on n’avait pas attendu l’aval du Concile pour commencer les
expériences liturgiques, mais jusqu’alors les autorités romaines, tout en
encourageant le Mouvement Liturgique, bon en soi, veillaient à en réfréner
les abus. Ainsi, Pie XII reconnaissait que « l’Eglise est un organisme
vivant » et que par conséquent, « la Liturgie sacrée croît, se développe,
évolue, et s’accommode aux formes que requièrent les nécessités et les
circonstances au cours des temps. » Mais il avait soin aussi de « réprouver
l’audace tout à fait téméraire de ceux qui, de propos délibérés,
introduisent de nouvelles coutumes liturgiques ou font revivre des rites
périmés, en désaccord avec les lois et rubriques maintenant en vigueur. »
On pourra objecter que la situation n’est plus la même, puisque les
rubriques et lois actuelles laissent justement une plus grande liberté dans
le domaine liturgique. Ainsi il n’y aurait plus « d’audace téméraire » à
faire ce qui est désormais licite. Posons alors la question : le problème
liturgique actuel ne serait-il pas précisément lié à cette liberté
d’initiative accordée par le Saint Siège ? Attention, nous ne disons pas
qu’il faille y voir la cause du désastre liturgique ; mais nous ne pouvons
nous empêcher de penser qu’il existe bien un lien.
Ainsi, sous prétexte d’inculturation, le Pape abandonne sa prérogative en
matière liturgique au profit des autorités locales – la plupart du temps,
les Conférences épiscopales. Certes, le Pape peut déléguer, nous ne
remettons pas cela en question, mais les résultats sont bien malheureux.
Je terminerai ce sujet par un exemple. Le Mandatum – lavement des pieds – du
Jeudi Saint est un rite cher aux fidèles car il exprime de façon très
sensible et humaine l’Amour du Christ pour les hommes. Le célébrant, qui
représente le Christ, lave les pieds de douze hommes, qui représentent les
Apôtres. Le Pape Jean Paul II avait pris soin de rappeler que l’on doit
prendre uniquement des hommes pour cette cérémonie, puisque les Apôtres
étaient des hommes. Cela avait engendré une polémique dans l’archidiocèse
d’Atlanta lorsque Monseigneur Donoghue, alors en charge, avait voulu
appliquer les directives romaines. En signe de protestation, une association
de féministes avait organisé une cérémonie pastiche en face de la cathédrale
à l’occasion de laquelle douze représentantes de la gente féminine eurent
les pieds lavés.
L’année suivante, nous changions d’Archevêque, et le nouvel arrivant
semblait plus sensible aux problèmes d’inculturation. La question du choix
exclusif d’hommes pour le lavement des pieds avait été soulevée lors d’une
réunion des prêtres du diocèse. L’Archevêque répondit alors qu’il ne voulait
d’aucune façon manquer de respect au Saint Père, mais qu’il était nécessaire
de tenir compte des particularités et de la culture locales. Aussi décida
t’il que pour la messe du Jeudi Saint à la cathédrale, il serait choisit 6
hommes et 6 femmes. N’est-ce pas tronquer la réalité signifiée par le rite
du lavement des pieds, en étroite connexion avec l’institution du Sacerdoce,
au profit d’une inculturation qui en l’occurrence ne se justifiait
absolument pas ? Certes, il ne s’agit que d’un exemple, mais cet exemple me
semble parfaitement illustrer l’incohérence liturgique de la pratique
actuelle. Il y a encore beaucoup à faire en ce domaine. Puisse Dieu nous
donner sa grâce afin que nous puissions humblement et vaillamment poursuivre
l’œuvre de restauration.
Publié par le
Père Laurent Demets
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sur l'Exhortation
►
Sacramentum Caritatis
Exhortation post Synodale "Sacramentum Caritatis"
Inculturation n’est pas acculturation. Elle n’est pas non plus une
transformation de l’Evangile en tradition et coutume.
Présentation générale du Missel Romain à l'article 395
au Chap IX. "Enfin, si la participation des fidèles et leur bien
spirituel requièrent des différences et des adaptations plus profondes pour
que la célébration liturgique corresponde à la mentalité et aux traditions
des divers peuples, les Conférences des évêques
pourront, selon la norme de l’article 40 de la Constitution sur la Sainte
Liturgie, les proposer au Siège Apostolique pour
qu’avec son consentement elles soient introduites, et ce surtout
en faveur des peuples à qui l’Évangile a été annoncé plus récemment. On
observera avec soin les normes établies dans l’instruction sur " La liturgie
romaine et l’inculturation "
(Cong. du Culte divin et de la discipline des Sacrements, Instruction
Varietates legitimae, du 25 janvier 1994, nn. 54, 62-69 : A.A.S. 87 (1995),
pp. 308-309, 311-313).
► Présentation
générale du Missel romain
Sources: Père Laurent Demets-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 05.04.2007 - BENOÎT XVI - Table S.C. |