Le pape Benoît XVI reste perplexe devant certaines
idées séduisantes |
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Le 04 novembre 2007 -
(E.S.M.) -
Mais ce que l'on constate surtout, c'est que Dieu a disparu et que
l'homme est seul à agir. Le respect des « traditions » religieuses n'est
qu'apparent. En y regardant à deux fois, analyse Benoît XVI, on est tout
de même perplexe: qui va donc nous dire ce qu'est la justice ?
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La
souveraineté de Dieu sur le monde -
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Le pape Benoît XVI reste perplexe devant certaines idées séduisantes
Troisième chapitre - L'Évangile du Royaume de Dieu
(p. 67 à 84)
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Benoît XVI
2) La seigneurie de Dieu
La grande époque de la théologie libérale prit fin avec la Première Guerre
mondiale et le changement radical du climat spirituel qui s'ensuivit. Mais
les signes annonciateurs d'un bouleversement étaient bien antérieurs. Le
premier signe clair fut le livre de Johannes Weiss, Die Predigt Jesu vom
Reiche Gottes (1892). Les premiers travaux d'exégèse d'Albert Schweitzer
allaient dans le même sens : on se mit à dire alors que le message de Jésus
aurait été radicalement eschatologique, que son annonce de la proximité du
Royaume de Dieu signifierait qu'il proclamait l'imminence de la fin du
monde, l'irruption du monde nouveau de Dieu, de sa seigneurie précisément.
La proclamation du Royaume de Dieu serait donc à comprendre d'un point de
vue strictement eschatologique. Même les textes qui contredisaient de façon
manifeste cette vision des choses furent interprétés en ce sens, quitte à
leur faire quelque peu violence, fait remarquer Benoît XVI, comme par exemple les paraboles de la
croissance, celle du semeur (cf. Mc 4, 3-9), celle de la graine de moutarde
(cf. Mc 4, 30-32), celle du levain
(cf. Mt 13, 33 ; Lc 13, 20-21), celle de
la semence qui pousse d'elle même (cf. Mc 4, 26-29). On se mit à dire que
l'important n'était pas la croissance, que le sens des paroles de Jésus
était le suivant : ce qui existe maintenant, c'est l'humble réalité, mais
l'autre réalité apparaîtra à l'improviste, d'un seul coup. Il est manifeste
qu'ici, la théorie prenait le pas sur la fidélité au texte. Pour traduire
dans l'existence chrétienne d'aujourd'hui cette perspective eschatologique
imminente qui n'est pas immédiatement intelligible pour nous, on a fait bien
des efforts. Bultmann par exemple a eu recours à la philosophie de Martin
Heidegger : ce qui compte serait une attitude existentielle, « la
disponibilité permanente » ; à la suite d'Ernst Bloch, Jurgen Moltmann a
développé une théologie de l'espérance qui entendait interpréter la foi
comme une intégration active dans la construction de l'avenir.
Entre-temps, poursuit Benoît XVI, s'est développée dans de larges cercles de la théologie, et tout
spécialement en milieu catholique, une réinterprétation sécularisée du
concept de « Royaume », qui développe une nouvelle vision du christianisme,
des religions et de l'histoire en général, et qui, par ce profond
remaniement, prétend rendre à nouveau accessible et assimilable ce qu'elle
considère être le message de Jésus. On a pu dire qu'avant le Concile régnait
l'ecclésiocentrisme : l'Église aurait été alors présentée comme le centre du
christianisme. Puis on serait passé au christocentrisme
présentant le Christ
comme le centre de tout. Mais, ajoute-t-on, non seulement l'Église divise,
le Christ aussi, lui qui appartient aux seuls chrétiens. Donc du
christocentrisme on serait passé au théocentrisme, se rapprochant un peu
plus, de cette façon, de la communauté des religions. Mais, on ne toucherait
pas au but pour autant, car Dieu lui-même est un possible élément de
division entre les religions et entre les hommes.
Il faudrait donc à présent franchir le pas qui mène au régno-centrisme, au
caractère central du Royaume. En définitive, cela aurait été précisément le
cœur du message de Jésus, et constituerait la voie juste permettant de
réunir enfin les forces positives de l'humanité dans la marche vers l'avenir
du monde. « Royaume » désignerait alors simplement un monde où
règnent la
paix, la justice, et où la création est préservée. Il ne s'agirait de rien
d'autre. Ce
« royaume » devrait être instauré en tant que finalité de l'histoire. Et la
véritable mission des religions serait de travailler ensemble à l'avènement
du « Royaume ». Pour le reste, elles pourraient parfaitement maintenir leurs
traditions, vivre chacune son identité, mais, tout en conservant leurs
identités respectives, elles devraient collaborer pour un monde dans lequel
la paix, la justice et le respect de la création seraient déterminants.
L'idée paraît séduisante : selon cette perspective, il apparaît envisageable
que le message de Jésus puisse être enfin assimilé par tous sans que l'on
doive pour autant faire œuvre de missionnaire envers les autres religions ;
la parole de Jésus semble à présent avoir finalement acquis un contenu
pratique ; la réalisation du « Royaume » semble pouvoir être ainsi la tâche
commune et donc devenir proche. Mais, en y regardant à deux fois, on est
tout de même perplexe : qui va donc nous dire ce qu'est la justice
? Nous
dire ce qui concrètement sert la justice dans une situation donnée ? Nous
dire de quelle façon instaurer la paix ? À une observation plus attentive,
tout ce raisonnement s'avère être un bavardage utopique sans contenu réel, à
moins de postuler sans le dire que ce sont les doctrines partisanes qui
devront déterminer le contenu de ces concepts que chacun sera obligé
d'accepter.
Mais ce que l'on constate surtout, c'est que Dieu a disparu et que l'homme
est seul à agir. Le respect des « traditions » religieuses n'est
qu'apparent. En réalité, on les considère comme une somme d'habitudes qu'il
faut bien laisser aux hommes même si, en dernière analyse, elles n'ont pas
la moindre importance. La foi, les religions, se retrouvent
instrumentalisées à des fins politiques. Aménager le monde est la seule
chose qui compte. La religion n'a d'importance que dans la mesure où elle
peut servir à cela. Il est inquiétant de constater à quel point cette vision
postchrétienne de la foi et de la religion est proche
de la troisième tentation de Jésus.
Revenons-en donc à l'Évangile, au Jésus authentique. La critique essentielle
que nous avons adressée à cette vision sécularisée et utopique du Royaume
était que Dieu a disparu. Il est devenu inutile, voire gênant. Mais Jésus a
proclamé le Royaume de Dieu et non un royaume quelconque. Matthieu parle de
son côté du « Royaume des cieux » ; or, explique Benoît XVI, le terme « cieux » est l'équivalent
de celui de « Dieu », car dans le judaïsme, compte tenu du second
commandement, on évite d'employer ce mot par respect du mystère divin. Par
conséquent, l'expression « Royaume des cieux » n'annonce pas quelque chose
qui relève unilatéralement de l'au-delà, mais elle renvoie à Dieu, qui est à
la fois ici-bas et au-delà, et qui, tout en transcendant infiniment notre
monde, en fait aussi intrinsèquement partie.
Une fois encore, le commentaire linguistique a son importance : la racine
hébraïque malkut « est un nomen actionis et renvoie - tout comme le mot grec
basileia - à l'exercice de la seigneurie du roi, à son être souverain
(P. Stuhlmacher, Biblische Théologie des Neuen Testaments, I, p. 67, voir
bibliographie, p. 398) ». Il
n'est pas question d'un « royaume » à venir ou encore à instaurer,
mais de
la souveraineté de Dieu sur le monde, qui, de façon nouvelle, devient
réalité dans l'histoire.
Plus explicitement encore, nous pouvons dire : en parlant du Royaume de
Dieu, Jésus annonce tout simplement Dieu, c'est-à-dire le Dieu vivant, qui
est en mesure d'agir concrètement dans le monde et dans l'histoire, et qui y
agit précisément maintenant. Il nous dit : Dieu existe. Et encore : Dieu est
vraiment Dieu, c'est-à-dire qu'il tient les rênes du monde entre ses mains.
En ce sens, le message de
Jésus est très simple, il est totalement théocentrique. L'aspect nouveau et
spécifique de son message consiste à nous dire que Dieu agit maintenant -
que l'heure est venue où Dieu se révèle dans l'histoire comme son Seigneur
lui-même, comme le Dieu vivant, ce qui dépasse tout ce qu'on a connu
jusque-là. C'est pour cette raison que la traduction « Royaume de Dieu » est
insuffisante, mieux vaudrait parler de la souveraineté ou de la seigneurie
de Dieu.
à suivre... Dans la
prochaine page de ce chapitre complexe et délicat, Benoît XVI va tenter de
définir plus précisément encore, à partir de son contexte historique, ce que
recèle le message de Jésus sur le « Royaume
»...
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"Jésus de Nazareth"
Sources: www.vatican.va
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Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.11.2007 - BENOÎT XVI
- T/J.N. |