Le Motu proprio de Benoît XVI, oui...
mais pour quoi ? |
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Le 04 avril 2008 -
(E.S.M.) -
Tel qu'il est aujourd'hui mis en oeuvre dans les diocèses de France, le
Motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI aide-t-il au recentrage
des fidèles autour de la liturgie de l'unique Église du Christ, ou
sert-il à dissimuler la dispersion des fidèles dans de multiples
"chapelles" particulières ? C'est une question qu'on peut se poser.
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La forme
"extraordinaire" du rite romain -
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SUMMORUM PONTIFICUM ? OUI... MAIS POUR QUOI ?
Se réjouir de ce que le
Motu Proprio Summorum Pontificum par lequel a été libéralisée la
forme extraordinaire du rite romain soit appliqué ici et là, c'est très
bien. Néanmoins, se contenter de cette application en croyant ou en espérant
qu'elle finira par régler les problèmes actuels que connaît la liturgie,
c'est refuser de voir toute la réalité; c'est ne tenir compte que de la
moitié de la situation véritable, celle qui, au fond, ne pose pas tellement
de problèmes puisqu'elle ne touche qu'une minorité de pratiquants, la
majorité se contentant des messes paroissiales habituelles, lesquelles ne
sont pas "ordinaires" au sens où l'entend le Motu proprio de Benoît XVI,
mais plutôt "quelconques".
Se réjouir de l'application - certes, encore insuffisante - du Motu proprio,
c'est ignorer que telles que les choses sont faites, l'ouverture de
sanctuaires réservés à la forme "extraordinaire" du rite romain permet
essentiellement aux évêques de faire taire certains "râleurs" attachés au
Missel "de Jean XXIII" sans pour autant corriger tout ce qui ne va pas dans
la façon dont est actuellement célébrée la forme "ordinaire" de la liturgie.
Cette façon de se réjouir d'une application somme toute partiale du Motu
proprio ne risque-t-elle pas, à plus ou moins long terme, d'aggraver la
situation de la liturgie au lieu de la corriger ? C'est la question que l'on
peut légitimement se poser.
Car enfin, avant le Motu proprio Summorum pontificum, il y a eu
l'Exhortation post Synodale "Sacramentum Caritatis",
de laquelle plus personne ne semble vouloir parler. Or dans ce document qui
fait la synthèse de travaux menés par des évêques du monde entier, il a été
rappelé par Benoît XVI que l'art de la célébration (l'ars
celebrandi) découle de l'obéissance fidèle aux normes liturgiques
dans leur totalité." (cf. n°38); que l'Évêque
diocésain doit faire en faire en sorte "que les prêtres, les diacres et les
fidèles comprennent toujours plus le sens authentique des rites et des
textes liturgiques et qu'ils soient ainsi conduits à une célébration de
l'Eucharistie active et fructueuse"; que les mêmes évêques doivent veiller à
ce que les "célébrations liturgiques dans l'église cathédrale se déroulent
dans le plein respect de l'ars celebrandi, afin qu'elles puissent être
considérées comme le modèle pour toutes les églises présentes sur le
territoire." (cf. n°39). Il est aussi rappelé
que "l'ars celebrandi doit favoriser le sens du sacré et l'utilisation des
formes extérieures qui éduquent à un tel sens, comme par exemple l'harmonie
du rite, des vêtements liturgiques, de l'ameublement et du lieu sacré."
Il y a enfin ce passage de l'Exhortation Sacramentum Caritatis, où il est
affirmé que "là où les prêtres et les responsables de la pastorale
liturgique s'emploient à faire connaître les livres liturgiques et les
normes liturgiques en vigueur, mettant en évidence les grandes richesses de
la Présentation générale du Missel romain et de la Présentation des Lectures
de la messe, la célébration eucharistique en tire profit." Or - et ce n'est
sûrement ni le fruit du hasard ni le résultat d'une erreur commise par le
Saint-Père - cet enseignement est repris en termes quasi identiques dans la
Lettre accompagnant le Motu proprio Summorum pontificum, que Benoît XVI a
adressée directement à tous les évêques et où il leur est une nouvelle fois
rappelé que "la meilleure garantie pour que le Missel de Paul VI puisse unir
les communautés paroissiales et être aimé de leur part est de célébrer avec
beaucoup de révérence et en conformité avec les prescriptions;
[car] c'est ce qui rend visible la richesse spirituelle et la
profondeur théologique de ce Missel."
Il est donc évident - si l'on comprend bien Benoît XVI - que l'ouverture
d'églises où peut être célébrée la forme extraordinaire du rite romain
n'aura aucun effet positif si elle ne s'accompagne pas, en même temps, d'une
volonté marquée de célébrer partout où l'on se prévaut du Missel de Paul VI
avec "révérence et en conformité avec les prescriptions".
Or, sur ce dernier point, nous sommes, en France, très loin du compte
(et quoi qu'en disent certains de nos Pasteurs diocésains). La
preuve: il est interdit - oui, interdit! - en bien des endroits, de
respecter les prescriptions du Missel romain actuel: de nombreux maîtres de
choeurs, de nombreux organistes, de très nombreux fidèles, ne peuvent
adresser aucune remarque à leur curé si celui-ci impose des façons de
célébrer la messe ou des chants opposés aux normes données par le Missel
romain. C'est le curé qui commande en liturgie: surtout pas le pape!
Le Motu proprio Summorum pontificum, ne devrait donc pas servir à dresser un
cordon sanitaire séparant ceux qui respectent la forme extraordinaire de la
liturgie de ceux qui ne respectent plus rien, mais devrait viser au
rassemblement de tous les fidèles ayant le souci de restituer à la liturgie
romaine toute sa dignité et son authenticité.
En octobre 2007, les évêques de France avaient adressé un message aux
fidèles "traditionalistes" pour leur demander "un geste d'assentiment sans
équivoque aux enseignements du magistère authentique de l'Église",
c'est-à-dire "aussi bien aux textes qu'aux autorités légitimes". Pourquoi
semble-t-on hésiter à adresser une demande identique à l'ensemble des
fidèles y compris à tous les prêtres ? Dans le même temps, les évêques
s'étaient déclarés fermement opposés à une liturgie livrée à la "seule
subjectivité" des fidèles car, avait ajouté le Cardinal Ricard en leur nom,
"une Église où chacun construirait sa chapelle à partir de ses goûts
personnels, de sa sensibilité, de son choix de liturgie ou de ses opinions
politiques ne saurait être encore l'Église du Christ."
Tel qu'il est aujourd'hui mis en oeuvre dans les diocèses de France, le Motu
proprio Summorum pontificum de Benoît XVI aide-t-il au recentrage des
fidèles autour de la liturgie de l'unique Église du Christ, ou sert-il à
dissimuler la dispersion des fidèles dans de multiples "chapelles"
particulières ? C'est une question qu'on peut se poser.
Denis CROUAN docteur en théologie,
Pdt de Pro Liturgia
Sources :
PRO
LITURGIA
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.04.08 -
T/M.P. |