Benoît XVI nous parle de Saint Odon,
Abbé de Cluny |
|
Le 02 septembre 2009 -
(E.S.M.)
- C'est dans la salle Paul VI du Vatican que le pape Benoît XVI a
retrouvé les fidèles et pèlerins pour la catéchèse du mercredi.
Voici le résumé de la catéchèse du Saint-Père en français.
|
Le pape Benoît XVI
Benoît XVI nous parle de Saint Odon,
Abbé de Cluny
Le 02 septembre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- L'Audience Générale s'est déroulée ce matin à 10h30 dans la Salle Paul VI
où le Saint-Père - arrivant en hélicoptère de la résidence estivale de
Castel Gandolfo - a rencontré des groupes de pèlerins et fidèles venus
d'Italie et de chaque partie du monde, pas moins de 8.000 personnes.
Dans son discours en langue italienne, le pape, reprenant le cycle de
catéchèses sur les grands Écrivains de l'Église d'Orient et d'Occident du
Moyen âge, s'est arrêté aujourd'hui sur Saint Odon, Abbé de Cluny.
Après la pause de cet été, le Saint-Père a donc repris ses catéchèses sur
les grands auteurs de l’Église antique. Rappelant « l’absurdité » de
la Seconde Guerre mondiale, le Pape a également prié pour que l’esprit de
pardon et de paix « pénètre le cœur des hommes ».
Après avoir repris ses catéchèses en différentes langues, le pape Benoît XVI
a adressé des salutations particulières aux groupes de fidèles présents.
Au terme de l'Audience Générale, le Saint-Père est rentré à Castel Gandolfo.
Catéchèse du Saint-Père
Chers frères et sœurs,
Après une longue pause, je voudrais reprendre la présentation des grands
écrivains de l'Eglise d'Orient et d'Occident à l'époque médiévale, car,
comme dans un miroir, nous voyons dans leur vie et dans leurs écrits ce que
signifie être chrétiens. Je vous propose aujourd'hui la figure lumineuse de
saint Odon, abbé de Cluny : celle-ci se situe dans le Moyen-âge monastique
qui vit la surprenante diffusion en Europe de la vie et de la spiritualité
inspirées par la Règle de saint Benoît. Il y eut au cours de ces siècles une
prodigieuse apparition et multiplication de cloîtres qui, se ramifiant sur
le continent, y diffusèrent largement l'esprit et la sensibilité chrétienne.
Saint Odon nous reconduit, en particulier, à un monastère, Cluny qui, au
Moyen-âge, compta parmi les plus illustres et célébrés et qui, aujourd'hui
encore, révèle à travers ses ruines majestueuses les signes d'un passé
glorieux en raison de l'intense attachement à l'ascèse, à l'étude, et, de
façon particulière, au culte divin, entouré de dignité et de beauté.
Odon fut le deuxième abbé de Cluny. Il était né aux environs de 880, à la
frontière entre le Maine et la Touraine, en France. Il fut consacré par son
père au saint évêque Martin de Tours, à l'ombre bénéfique duquel et dans la
mémoire duquel Odon vécut ensuite toute sa vie, la concluant à la fin auprès
de son tombeau. Le choix de la consécration religieuse fut précédé chez lui
par l'expérience d'un moment spécial de grâce, dont il parla lui-même à un
autre moine, Jean l'Italien, qui fut par la suite son biographe. Odon était
encore adolescent, âgé d'environ 16 ans, lorsqu'au cours d'une veillée de
Noël, il sentit s'élever spontanément de ses lèvres cette prière à la Vierge
: « Notre Dame, Mère de miséricorde qui en cette nuit as donné à la
lumière le Sauveur, prie pour moi. Que ton enfantement glorieux et singulier
soit, ô Très pieuse, mon refuge » (Vita sancti Odonis,
I, 9 : PL 133, 747). L'appellation « Mère de miséricorde
», avec laquelle le jeune Odon invoqua alors la Vierge, sera celle avec
laquelle il aimera ensuite s'adresser à Marie, l'appelant également «
unique espérance du monde,... grâce à laquelle nous ont été ouvertes les
portes du Paradis » (In veneratione S. Mariae
Magdalenae : PL 133, 721). Il lui arriva à cette époque de lire
la Règle de saint Benoît et de commencer à en observer certaines
indications, « portant, pas encore moine, le joug léger des moines »
(ibid., I, 14 : PL 133, 50). Dans l'un de ses sermons, Odon
célébrera Benoît comme « une lampe qui brille dans le stade ténébreux de
cette vie » (De sancto Benedicto abbate : PL 133, 725),
et le qualifiera de « maître de discipline spirituelle »
(ibid., PL 133, 727). Il soulignera avec affection
que la piété chrétienne « fait mémoire avec une plus grande douceur » de
lui, dans la conscience que Dieu l'a élevé « parmi les Pères suprêmes et
élus de la Sainte Eglise » (ibid. PL 133, 722).
Fasciné par l'idéal bénédictin, Odon quitta Tours et entra en tant que moine
dans l'abbaye de Baume, pour ensuite passer à celle de Cluny, dont il devint
abbé en 927. De ce centre de vie spirituelle, il put exercer une vaste
influence sur les monastères du continent. En Italie également, différents
ermitages bénéficièrent de sa direction et de sa réforme, parmi lesquels
celui de Saint-Paul-hors-les-Murs. Odon visita plus d'une fois Rome,
parvenant jusqu'à Subiaco, Monte Cassino et Salerne. Ce fut précisément à
Rome que, pendant l'été 942, il tomba malade. Se sentant proche de la fin,
il voulut à tout prix revenir auprès de saint Martin à Tours, où il mourut
pendant l'octavaire du saint, le 18 novembre 942. Son biographe, en
soulignant chez Odon la « vertu de la patience », offre une longue liste de
ses autres vertus, telles que le mépris du monde, le zèle pour les âmes,
l'engagement pour la paix des Eglises. Les grandes aspirations de l'abbé
Odon était la concorde entre les rois et les princes, l'observance des
commandements, l'attention envers les pauvres, l'amendement des jeunes, le
respect des personnes âgées (cf. Vita sancti Odonis, I, 17
: pl 133,49). Il aimait la petite cellule dans laquelle il
résidait, « loin des yeux de tous, attentif à ne plaire qu'à Dieu »
(ibid., I, 14 : pl 133, 49). Il ne manquait cependant pas
d'exercer également, comme « source surabondante », le ministère de
la parole et de l'exemple, « en pleurant ce monde comme étant immensément
misérable » (ibid., I,17 : pl 133, 51).
Chez un seul moine, commente son biographe, se trouvaient réunies les
différentes vertus existant de manière dispersée dans les autres monastères
: « Jésus, dans sa bonté, puisant aux différents jardins des moines,
formait dans un petit lieu un paradis, pour irriguer par sa source le cœur
des fidèles » (ibid., I, 14 : pl 133, 49).
Dans un passage d'un sermon en l'honneur de Marie de Magdala, l'abbé de
Cluny nous révèle comment il concevait la vie monastique : « Marie qui,
assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole avec l'esprit attentif, est
le symbole de la douceur de la vie contemplative, dont la saveur, plus on la
goûte, pousse l'âme à se détacher encore davantage des choses visibles et
des tumultes des préoccupations du monde » (In ven. S.
Mariae Magd., pl 133, 717). C'est une conception qu'Odon confirme
et développe dans ses autres écrits, desquels transparaissent l'amour de
l'intériorité, une vision du monde comme étant une réalité fragile et
précaire dont il faut se détacher, une inclination constante au détachement
des choses ressenties, comme étant source d'inquiétude, une sensibilité
aiguë pour la présence du mal chez les différentes catégories d'hommes, une
profonde aspiration eschatologique. Cette vision du monde peut apparaître
assez éloignée de la nôtre, toutefois celle d'Odon est une conception qui,
voyant la fragilité du monde, valorise la vie intérieure ouverte à l'autre,
à l'amour du prochain, et précisément ainsi transforme l'existence et ouvre
le monde à la lumière de Dieu.
Une attention particulière doit être portée à la « dévotion » au Corps et au
Sang du Christ qu'Odon, face à une négligence répandue qu'il déplorait
vivement, cultiva toujours avec conviction. Il était en effet fermement
convaincu de la présence réelle, sous les espèces eucharistiques, du Corps
et du Sang du Seigneur, en vertu de la transformation « substantielle » du
pain et du vin. Il écrivait : « Dieu, le Créateur de tout, a pris le pain,
en disant qu'il était son Corps et qu'il l'aurait offert pour le monde et il
a distribué le vin, en l'appelant son sang » ; or, « c'est une loi de la
nature que la transformation ait lieu selon le commandement du Créateur
», et voilà donc qu'« immédiatement la nature change sa condition
habituelle : sans retard le pain devient chair, et le vin devient sang »
; à l'ordre du Seigneur « la substance se transforme »
(Odonis Abb. Cluniac. occupatio, ed. A. Swoboda, Lipsia 1900,
p. 121). Malheureusement, remarque notre abbé, ce «
sacro-saint mystère du Corps du Seigneur, qui constitue tout le salut du
monde » (Collationes, XXVIII : pl 133, 572)
est célébré avec négligence. « Les prêtres, avertit-il, qui
accèdent à l'autel de manière indigne, entachent le pain, c'est-à-dire le
Corps du Christ » (ibid., pl 133, 572-573).
Seul celui qui est uni spirituellement au Christ peut participer dignement à
son Corps eucharistique : dans le cas contraire, manger sa chair et boire
son sang ne serait pas un bienfait, mais une condamnation
(cf. ibid. XXX, pl 133, 575). Tout cela nous invite à croire avec
une force et une profondeur nouvelles à la vérité de la présence du
Seigneur. La présence du Créateur parmi nous, qui se remet entre nos mains
et nous transforme comme il transforme le pain et le vin, transforme ainsi
le monde.
Saint Odon a été un véritable guide spirituel tant pour les moines que pour
les fidèles de son temps. Devant le « grand nombre des vices » répandus dans
la société, le remède qu'il proposait avec fermeté était celui d'un
changement de vie radical, fondé sur l'humilité, l'austérité, le détachement
des choses éphémères et l'adhésion aux choses éternelles
(cf. Collationes, XXX, PL 133, 613). Malgré le réalisme de son
diagnostic sur la situation de son temps, Odon n'est pas tenté par le
pessimisme : « Nous ne disons pas cela - précise-t-il - pour
précipiter dans le désespoir ceux qui voudront se convertir. La miséricorde
divine est toujours disponible ; elle attend l'heure de notre conversion
» (ibid . : PL 133, 563). Et il s'exclame : «
O ineffables entrailles de la piété divine ! Dieu poursuit les fautes et
protège toutefois les pécheurs » (ibid. : PL 133, 592).
Soutenu par cette conviction, l'abbé de Cluny aimait s'arrêter en
contemplation de la miséricorde du Christ, le Sauveur, qu'il qualifiait de
manière suggestive d'« amant des hommes » : « amator hominum Christus
» (ibid., LIII : PL 133, 637). Jésus a pris sur
lui les fléaux qui auraient dû nous être réservés - observe-t-il - pour
sauver ainsi la créature qui est son œuvre et qu'il aime
(cf. ibid. : PL 133, 638).
Ici apparaît un trait du saint abbé presque caché à première vue sous la
rigueur de son austérité de réformateur : la profonde bonté de son âme. Il
était austère, mais surtout il était bon, un homme d'une grande bonté, une
bonté qui provient du contact avec la bonté divine. Odon, comme nous le
disent ses contemporains, diffusait autour de lui la joie dont il était
empli. Son biographe atteste n'avoir jamais entendu sortir de bouche d'homme
« tant de douceur en paroles » (ibid., I, 17 : PL
133, 31). Il avait l'habitude, rappelle son biographe, d'inviter
au chant les jeunes enfants qu'il rencontrait sur la route pour ensuite leur
faire quelque petit don, et il ajoute : « ses paroles étaient pleines de
joie..., son hilarité communiquait à notre cœur un joie intime »
(ibid., II ; 5 : PL 133, 63). De cette manière, le
vigoureux et aimable abbé médiéval, passionné par la réforme, à travers une
action incisive alimentait chez les moines, comme aussi chez les fidèles
laïcs de son temps, l'intention de progresser d'un pas vif sur le chemin de
la perfection chrétienne.
Nous voulons espérer que sa bonté, la joie qui provient de la foi, unies à
l'austérité et à l'opposition aux vices du monde, toucheront aussi notre
cœur, afin que nous aussi puissions trouver la source de la joie qui jaillit
de la bonté de Dieu. (ZF09090203)
Résumé de la catéchèse du Saint-Père en français
Chers Frères et Sœurs,
Saint Odon, né vers l’an 880, se trouve au cœur de la prodigieuse floraison
de monastères qui, s’inspirant de la Règle de Saint Benoît, ont donné à
l’Europe un esprit et une sensibilité chrétiennes profondes. Il fut le 2e
Abbé de Cluny, une abbaye qui eut un rayonnement extraordinaire durant le
Moyen-âge par la ferveur avec laquelle les moines se livraient à l’ascèse
comme à l’étude et surtout au culte divin plein de beauté.
Par la Vierge Marie, « Mère de Miséricorde », Odon, encore
adolescent, fut introduit dans un nouvel espace intérieur qui, peu après,
s’illuminera avec la Règle de Saint Benoît qu’il découvre et aime au point
de quitter sa Touraine natale. Abbé de Cluny, il exerça une forte influence
sur les monastères d’Europe dont certains suivirent sa réforme. L’idéal
monastique se trouvait, pour lui, dans l’expérience de Marie de Magdala,
assise aux pieds du Maître pour l’écouter et se détacher du tumulte des
soucis du monde. Son amour de la Parole du Seigneur illuminait sa foi et sa
dévotion au Corps et au Sang du Christ. Sainteté du mystère du Corps du
Seigneur qui invite à une conversion radicale toujours possible par la
puissance de la miséricorde divine. De sa contemplation du Christ
miséricordieux, jaillissait en lui une joie et une bonté qui entraînaient
sur la voie de la perfection chrétienne non seulement ses frères moines mais
aussi les fidèles laïcs de son temps.
J’accueille avec joie les pèlerins francophones. Je salue particulièrement
les séminaristes de Brugge, en Belgique, et leurs accompagnateurs ainsi que
les nombreux pèlerins du diocèse de Kaolack, au Sénégal, avec leur Evêque
Mgr Ndiaye. Puissiez-vous tous suivre généreusement le Christ chaque jour.
Que Dieu vous bénisse !
►
Benoît XVI : l'esprit de pardon, de paix et de réconciliation contre l'absurdité de la guerre
Texte original du
discours du Saint Père
►
UDIENZA GENERALE
Regarder
la vidéo en
Italien ou en
Français
Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.09.09 -
T/Benoît XVI |