Benoît XVI commente que la
terre devienne "ciel" |
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ROME, le 1er Juin 2007 -
(E.S.M.) - C'est
pourquoi, nous explique Benoît XVI, nous demandons que sur la terre il
en soit de même qu'au ciel, que la terre devienne « ciel ».
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Sur le terre comme au ciel
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C'est ici
Benoît XVI commente que la terre devienne "ciel"
Considérations: (ndlr)
Si le Pater avait commencé par nous demander de «faire
la volonté de Dieu», à nous qui par nature et par notre existence
même, sommes plongés dans le relatif, nous aurions sans doute manqué de ce
sens de l'absolu qu'exigé le service de Dieu, et nous n'aurions pas su
davantage comment orienter nos efforts. En nous invitant à
sanctifier son Nom
et à travailler à la venue de son Règne,
comme le pape Benoît XVI nous l'a commenté dans les pages précédentes, Dieu
nous a fourni les lignes directrices dont nous avions besoin. C'est donc
dûment avertis et éclairés sur ce qu'il attend de nous, que nous voici, avec
cette demande, placés devant les humbles réalités humaines qui font la trame
de notre vie; devant leurs dimensions quotidiennes et leur incroyable
enchevêtrement, devant les innombrables problèmes et les questions si
souvent sans réponses, que nous propose la vie. Nous voici devant les
tendances opposées et parfois même irréductibles qui, en nous et autour de
nous, ne cessent de se combattre; en particulier, nous voici devant le
problème du mal, de la souffrance, et de la mort ;
devant notre liberté sollicitée de toutes parts et si étrangement limitée,
devant nos passions et nos fautes, devant les passions et les fautes des
autres... En un mot, nous voici devant cette énigme que nous sommes à
nous-mêmes et que nous est aussi l'humanité qui nous entoure.
Analyse du pape Benoît XVI (pages
171 à 174)
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel
Deux aspects ressortent immédiatement des termes de cette demande. Il existe
une volonté de Dieu avec nous et pour nous qui doit devenir le critère de
notre vouloir et de notre être. Et la caractéristique même du « ciel »
est
que la volonté de Dieu y est faite indéfectiblement ou, en d'autres mots :
là où la volonté de Dieu est faite, là est le ciel. L'essence du ciel est
d'être une seule chose avec la volonté de Dieu, l'union entre volonté et
vérité. La terre devient « ciel » seulement si et dans la mesure où la
volonté de Dieu y est faite, tandis qu'elle n'est que « terre », pôle opposé
au ciel, si et dans la mesure où elle se soustrait à la volonté de Dieu.
C'est pourquoi, nous explique Benoît XVI, nous
demandons que sur la terre il en soit de même qu'au ciel,
que la
terre devienne « ciel ».
Mais qu'est-ce donc que la « volonté de Dieu » ? Comment la reconnaître ?
Comment pouvons-nous la faire ? Les Écritures Saintes posent qu'au plus
profond de lui-même, l'homme connaît la volonté de Dieu, qu'il existe une
communion de savoir avec Dieu, profondément inscrite en nous, que nous
appelons conscience (voir par exemple Rm
2, 15). Mais elles savent aussi que cette communion de savoir
avec le Créateur, que ce savoir qu'il nous a donné en nous créant «
selon sa ressemblance » a été enfoui dans
l'histoire, qu'il n'est cependant jamais entièrement éteint, mais recouvert
de multiples façons, qu'il existe une flamme doucement vacillante qui risque
trop souvent d'être étouffée sous les cendres des préjugés gravés en nous.
C'est pourquoi, nous conforte Benoît XVI, Dieu nous a de nouveau parlé avec des mots de l'histoire qui
s'adressent à nous de l'extérieur et qui viennent en aide à notre savoir
intérieur désormais trop voilé.
Au cœur de cet enseignement de l'histoire se trouve, dans la révélation
biblique, le Décalogue du mont Sinaï qui, comme nous l'avons vu, n'a
nullement été aboli ou présenté comme une « loi ancienne » par le Sermon sur
la montagne, mais, au contraire, indique Benoît XVI, développé afin qu'il
rayonne d'autant plus dans toute sa profondeur et dans toute sa grandeur.
Cette parole, nous l'avons vu, n'est pas quelque chose qui a été imposé à
l'homme de l'extérieur. Elle est, dans la mesure où nous sommes capables de
la recevoir, révélation de la nature de Dieu lui-même et ainsi
interprétation de la vérité de notre être : la partition de notre existence
nous est déchiffrée, afin que nous puissions la lire et la mettre en
pratique. La volonté de Dieu provient de l'être de
Dieu ; elle nous conduit par conséquent vers la vérité de notre être en
nous délivrant de l'autodestruction liée au mensonge.
Puisque notre être vient de Dieu, nous pouvons, en
dépit de toutes les souillures qui nous retiennent, nous mettre en route
vers la volonté de Dieu. Dans l'Ancien Testament, la notion de «
juste » voulait dire précisément ceci : vivre de la Parole de Dieu et donc
de la volonté de Dieu, et entrer progressivement en syntonie avec cette
volonté.
Quand Jésus nous parle de la volonté de Dieu et du ciel où cette volonté
s'accomplit, il nous conduit à nouveau au centre de sa propre mission
personnelle. Près du puits de Jacob, Jésus dit à ses disciples qui lui
apportent à manger : « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de celui qui
m'a envoyé » (Jn 4, 34). Cela
signifie : l'union avec la volonté du Père est la source de sa vie. L'union
de volonté avec le Père est au cœur même de son être. Dans la demande du
Notre Père, nous percevons surtout un écho du dialogue tourmenté du mont des
Oliviers : « Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi
! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux. » « Mon Père, si
cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite
!
» (Mt 26, 39.42). Lorsque nous
méditerons la passion de Jésus, nous aurons à revenir sur cette prière, dans
laquelle il nous fait entrevoir son âme humaine et l'union de celle-ci avec
la volonté de Dieu.
L'auteur de la Lettre aux Hébreux a vu dans la lutte intérieure au jardin
des Oliviers la clé même du mystère de Jésus
(cf. 5, 7), et c'est en partant de
ce regard dans l'âme de Jésus qu'il a interprété ce mystère avec le Psaume
40 [39]. Il le lit ainsi : «Tu
n'as pas voulu de sacrifices ni d'offrandes, mais tu m'as fait un corps... ;
alors, je t'ai dit : Me voici, mon Dieu, je suis venu pour faire ta volonté,
car c'est bien de moi que parle l'Écriture »
(He 10, 5-7 ; cf. PS 40 [39], 7-9). Toute l'existence de Jésus
est résumée dans ces paroles « Je suis venu pour
faire ta volonté ». C'est seulement ainsi que nous pouvons
comprendre pleinement la phrase suivante : « Ma nourriture, c'est de faire
la volonté de celui qui m'a envoyé. »
Dès lors, nous comprenons, explique Benoît XVI, que Jésus lui-même, au sens
le plus profond et le plus authentique, est « le ciel
» — lui en qui et par
qui la volonté de Dieu est entièrement faite. En regardant vers lui, nous
découvrons que nous ne pouvons pas être entièrement « justes » par nos
propres moyens : la force de gravité de notre propre volonté nous éloigne
sans cesse de la volonté de Dieu et nous fait devenir simple « terre ». Mais
lui nous accepte, nous tire vers le haut jusqu'à lui, en lui, et, dans la
communion avec lui, nous apprenons, nous aussi, la volonté de Dieu. Dans
cette troisième demande du Notre Père, expose le pape Benoît XVI, nous
demandons de pouvoir nous approcher de plus en plus de lui pour que la
volonté de Dieu l'emporte sur la force de gravité de notre égoïsme et qu'il
nous rende capables de la hauteur à laquelle nous sommes appelés.
La prière du Seigneur, cinquième chapitre du livre
du Saint-Père Benoît XVI, "Jésus de Nazareth :
1) La vérité, indique Benoît XVI, c'est d'abord
Dieu, le Royaume de Dieu :►
Benoît XVI
2) Benoît XVI désigne le Malin comme l'ultime
menace pour l'homme :►
Benoît XVI
3) Notre Père qui es aux cieux : ►
Benoît XVI
4) Que ton nom soit sanctifié : ►
Benoît XVI
5) Que ton règne vienne : ►
Benoît XVI
Suite des notes du Père Paul-Marie de la Croix,
O.C.D.
VOLONTÉ DIVINE ET VOLONTÉ HUMAINE
(...) En murmurant: «C'était écrit» l'homme s'inclinera devant la
fatalité. On voit combien en une matière aussi essentielle la moindre
différence d'interprétation entraîne des conséquences spirituelles d'une
portée immense. Aussi a-t-on le devoir de se faire de la volonté de Dieu la
notion la moins inexacte possible.
Si l'on peut et l'on doit affirmer, avec saint Thomas, que « la volonté peut
être attribuée proprement à Dieu » (Somme Théologique, Ia, q. 19, a. n) il
faut ajouter aussitôt qu'entre sa volonté et la nôtre il y a d'immenses
différences.
En nous, la volonté est cette faculté qui s'emploie à permettre la
réalisation et le passage à l'acte d'une représentation, d'un désir, d'un
projet, en mettant en œuvre les moyens qui nous paraissent ordonnés à ce
but. Mais, à peine avons-nous manifesté une volonté déterminée, qu'aussitôt
dans la pratique, apparaissent une foule d'obstacles.
Et tout d'abord chacun sait de quelles limites et de quelles imperfections
notre volonté est grevée. L'idée que nous nous faisons des réalités est bien
souvent erronée ou entachée d'illusion. Nous nous trompons fréquemment sur
leur valeur réelle et sur la manière de les atteindre ou de les réaliser.
Par ailleurs, nos possibilités sont extrêmement limitées. Entre ce que nous
projetons d'accomplir, et la réalisation, il faut ordinairement du temps, et
ce temps est lourd d'inconnu. Des forces adverses, le plus souvent
imprévisibles, viennent bouleverser nos plans et en empêcher l'exécution.
Nul ne sait s'il pourra réaliser ce qu'il a cependant voulu clairement et
fortement. Vivra-t-il
encore quand surviendra l'événement? Que de fois ne voit-on pas se réaliser
cette parole passée en proverbe : « II y a loin de la coupe aux lèvres. »
Erreur sur les choses, faiblesse quant aux moyens, obstacles imprévus,
impuissance matérielle; et enfin en nous, incertitude et inconstance, car
notre volonté tiraillée à l'intérieur d'elle-même, peut soudain cesser de
vouloir ce qui la sollicitait quelques instants auparavant...
Tout à l'inverse, la volonté divine apparaît indemne de ces tares et de ces
limites. Étant sa propre fin, Dieu ne connaît pas de fluctuations dans sa
volonté, et il est également à l'abri de toute erreur ou illusion, car il
est lui-même la Vérité. Il ne se trompe jamais quant au but, qui coïncide
toujours avec le plus grand bien. Aucun obstacle ne survient qu'il n'ait
prévu, et de ceux mêmes qui nous semblent devoir déjouer ses plans, sa toute
puissance tire parti et leur donne de remplir une fonction positive. Ainsi,
il n'est rien ici-bas qui ne rentre dans les plans de sa science infinie, de
son infinie bonté, fût-ce cette liberté dont l'homme jouit et dont il doit
faire «librement» usage; car elle «joue» à l'intérieur de la volonté divine.
C'est même grâce à sa soumission à cette volonté, que la volonté humaine
trouve son complet développement. Certes, nous demeurons libres de nous
opposer à la volonté de Dieu, mais notre liberté, devenue alors prisonnière
d'un moi sans cesse plus tyrannique en subit un amoindrissement. Si au
contraire nous nous rendons librement à la Volonté divine, cette Volonté,
qui ordonne tout en vue du développement de sa créature, donne à la liberté
humaine sa plus haute possibilité d'expansion: Si vous demeurez dans ma
Parole, vous connaîtrez alors la vérité, et la vérité vous rendra libres
(Jn
8 31,32).
(...)
Le rapprochement entre cette parole: Hors de moi vous ne pouvez rien faire,
et celle du Pater, nous invitant à demander que la volonté de Dieu soit
faite, permet d'entrevoir ce qui, dans nos actions, est de nous, et ce qui
est de Dieu. Plus intérieur à nous que nous-mêmes, Dieu en prenant nos actes
pour les faire siens, les crée; il les fait réellement exister dans l'ordre
surnaturel. C'est ainsi qu'à travers nos actes, sa volonté se fait et non la
nôtre. C'est « nous » qui accomplissons sa volonté, et cependant c'est sa
volonté qui est « faite ».
S'il en allait effectivement ainsi, Dieu pourrait nous utiliser, comme il le
fit de l'humanité du Christ, et poursuivre à travers nous son action. Nous
deviendrions alors de ces « humanités de surcroît » grâce auxquelles le plan
de Dieu se réalise dans le monde.
Dire: Que votre volonté soit faite, ce n'est donc pas seulement se soumettre
à la volonté divine, c'est encore s'engager à demeurer fidèlement et
vitalement uni au Christ, dont la grâce seule peut conférer l'être à ce que
nous faisons, et sans laquelle tout ce que nous « faisons » demeurerait un
pur néant dans l'ordre surnaturel.
UN AUTRE TE CEINDRA
Si c'est toujours Dieu qui confère aux réalités leur valeur surnaturelle, il
semble pourtant qu'en certaines d'entre elles son action apparaisse plus
nettement. Un mot du Christ à saint Pierre suffit à le faire saisir. Lorsque
tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture et tu allais ou tu voulais.
Quand tu seras devenu vieux, un autre te nouera ta ceinture, et te mènera où
tu ne voudrais pas (Jn 21 18).
La jeunesse est en effet cette époque de la
vie, où l'on s'imagine libre de tout entreprendre et capable de tout mener
à bien. On se croit maître de sa destinée, et en état de choisir ce que
l'on
préfère. L'aide réclamée de Dieu se réduit bien souvent alors à lui demander
la force de réussir ce que nous avons décidé.
Mais l'existence se charge bientôt de nous apprendre que notre part
d'activité libre est limitée, et que cette limite elle-même va en
s'abaissant tandis que la vie avance. Ce que nous pouvons « faire » est peu
de chose en regard de ce que nous devons accepter, supporter, pâtir. Bien
plus, à aucun moment, notre vie n'a été une page blanche sur laquelle nous
pourrions écrire ce que nous voudrions. Avant même que commence notre
destinée ici-bas nous sommes déjà, pour une large part, déterminés. Des
données ont présidé à notre formation et même à notre préformation physique,
psychique, sociale ; nous ont marqués de caractères, ont réglé nos humeurs,
dirigé nos comportements instinctifs, et même orienté nos réactions.
C'est ainsi que dans une large mesure nous sommes ce que nous avons été «
faits », et il nous faut bien nous accepter et nous subir tels que nous
sommes, et il faudra bien, en tout cela aussi, voir la volonté de Dieu. Ce
sont là les données du problème que nous avons à résoudre, et nous ne
pouvons pas plus les modifier que nous ne pouvons modifier notre visage,
l'aspect des lieux dans lesquels nous vivons, ou le tempérament de ceux avec
lesquels nous nous trouvons.
Il y a donc, dans toute existence, un ensemble extraordinairement complexe
de conditionnements variés dont nous subissons l'emprise et le poids. Et
pourtant cela ne semble pas encore nous suffire, puisque nous y ajoutons
nous-mêmes, jour après jour, des éléments nouveaux qui viennent peser de
tout leur déterminisme sur notre vie. Les conséquences de nos actes, le
poids de nos fautes, les déformations nées de nos habitudes, ne se
contentent d'ailleurs
pas de nous suivre. Déjà leur ombre portée est en avant de nous ; et comme
notre silhouette le soir, lorsque, tournant le dos à la lumière, nous
avançons sur la route, notre ombre nous précède.
Lorsque l'existence s'ouvre, nous croyons possible d'infléchir les réalités
dans le sens de nos désirs, et de nos espérances. Mais bientôt nous devons
nous rendre à cette évidence que nous ne disposons pas de la vie, et que
c'est elle, au contraire, qui dispose de nous. Obligés à des choix
successifs dont si peu sont libres, nous sommes de plus en plus étroitement
liés à un chemin précis, à la personnalité que nous sommes devenus pour les
autres et même pour nous, et en conséquence, prisonniers d'un nombre
toujours croissant d'impératifs; jusqu'à ce que viennent enfin s'y ajouter
les « passivités de diminution » que l'âge apporte avec lui.
ENTRE VOS MAINS SEIGNEUR
Sur le plan social, les pressions ne s'affirment pas avec une intensité et
des exigences moindres. Nous sommes tous, à un titre ou un autre, des êtres
«en situation». D'autres existent auprès de nous, et il faut que leur
volonté à eux aussi, se fasse. Elle ne le pourra pas sans empiéter bien
souvent sur la nôtre, et la limiter de plus en plus. A mesure que l'âge
vient, la volonté de Dieu se manifeste à nous dans les multiples exigences
qu'entraîné avec elle la vie commune, sous quelque forme qu'elle nous soit
imposée: familiale, sociale, religieuse. S'il est vain d'espérer que nous
puissions en prendre totalement notre parti, du moins devrons-nous accepter
que la volonté de Dieu se manifeste à nous par le truchement des hommes, et
que l'obéissance à leurs injonctions nous apparaisse sans doute toujours
plus onéreuse, car nous ne pouvons pas garder toujours nos illusions sur
leur sagesse, ni davantage sur la pureté des mobiles qui, si souvent, les
font agir. Seule la foi
peut nous donner la force, en voyant en eux les représentants de Dieu, de
faire sa volonté en faisant la leur.
La vie du Christ nous montre ce processus à l'œuvre. Lui qui avait tout
d'abord joui humainement parlant, d'une relative autonomie et d'une certaine
liberté, a voulu, au soir de son existence, que les maillons de cette
liberté se resserrent progressivement jusqu'à l'amener à obéir à ceux
auxquels, malgré leur indignité, il avait donné pouvoir sur lui: Hérode,
Caïphe, Pilate, Judas, ainsi qu'à cette tourbe qui l'entoure et avec des
cris de haine le pousse au Golgotha: Crucifie-le, crucifie-le! Et Pilate le
leur livra pour être crucifié... Cependant Jésus se taisait. Alors Pilate
lui dit: Ne sais-tu pas que j'ai pouvoir de te relâcher et pouvoir de te
crucifier? - Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, lui répond Jésus, s'il ne
t'avait été donné d'en-haut (Jn 19 10,11).
On comprend qu'à ceux qui veulent devenir ses disciples, et mettre leurs pas
dans les siens, Jésus découvre, comme il le fit à Pierre, que peu à peu la
volonté de son Père les mènera là où ils, ne veulent pas.
En effet, à mesure que la vie avance vers son terme, le champ des possibles
diminue, et l'éventail se referme. Après avoir dit: Je peux tout faire,
puis: je ferai ceci et ensuite cela, nous disons: j'espère pouvoir faire
ceci et avoir encore le temps de faire cela, si Dieu m'en donne la force, et
me prête vie. Un jour vient enfin où nous comprenons clairement que même «
cela » n'est plus» possible, et avec Job, nous devons sinon dire du moins
penser: Pour moi les tombes (Jb 17 i v. hébr.).
Dire : Que votre volonté soit faite, ce sera
dire oui à tout cela, mais le dire
sans découragement ni révolte; sans démission et même sans ce détachement
désabusé qui n'est qu'une forme élégante de
l'orgueil. Ce sera le dire avec cette paix profonde et même cette intime
jubilation de celui qui sait, tandis que l'homme extérieur s'en va en ruines
(2 Co 4 16) que Dieu est à l'œuvre en lui et qu'il se rapproche.
Dire: Que votre volonté soit faite, ce sera accepter aussi d'être abandonné
sur le bord de la route, tandis que la colonne poursuit son chemin, et même
consentir à être dépassé, oublié, rayé avant l'heure, de la carte des
vivants. Ce sera voir remis en question ce qui semblait acquis; désavoué et
détruit peu à peu ce que l'on avait mis toutes ses forces et tout son cœur à
édifier, et n'en éprouver ni rancœur ni découragement. Ce sera non seulement
être incompris des siens, mais peut-être même trahi par eux et continuer
cependant à leur vouloir du bien.
Dire: Que votre volonté soit faite, ce sera, sachant nos jours comptés, ne
pas bander fébrilement nos efforts en vue de nous constituer quelques
réserves spirituelles, afin de ne pas paraître devant Dieu les mains vides,
mais accepter notre pauvreté, notre misère et faire joyeusement,
amoureusement, confiance à Dieu (1).
Ce sera enfin continuer à travailler et à œuvrer jusqu'au bout, dans la foi,
dans l'espérance et dans l'amour envers celui qui ne manque à aucun de ceux
qui se confient en lui: In manus tuas Domine, commendo spiritum meum (Le 23
46). « In te Domine speravi, non confundar in aeternum» (Hymne, Te Deum).
(1) On ne peut manquer d'évoquer ici cette phrase de sainte Thérèse de
l'Enfant Jésus : « Quand je pense à cette parole du Bon Dieu : Je viendrai
bientôt et je porte ma récompense avec moi pour rendre à chacun selon ses
œuvres (Ap 22 12), je me dis qu'il sera bien embarrassé avec moi, car je
n'ai pas d'œuvres! Il ne pourra donc pas me rendre selon mes œuvres.. Eh
bien! j'ai confiance qu'il me rendra selon ses œuvres à lui » (Novissima
Verba).
II manquerait une dernière dimension à cette demande du Pater si l'on n'y
ajoutait ces mots: Sur la terre comme au ciel.
Beaucoup de chrétiens n'y prêtent guère attention, ne voyant ordinairement
en eux qu'une clause de style. Tout au plus signifient-ils dans leur esprit,
qu'il faut tendre à accomplir ici-bas la volonté de Dieu aussi parfaitement
qu'elle l'est au ciel.
En vérité est-ce seulement cela que veut nous enseigner le Pater? N'y a-t-il
pas une raison profonde à ce que, pour la deuxième fois, dans cette si brève
prière, référence soit faite au ciel ?
La première fois, c'avait été pour nous arracher à la pesanteur de la terre
et tourner nos regards vers le Père qui est aux cieux; la seconde n'a pas
tant pour but de nous placer en face de cette perfection d'obéissance qui se
rencontre au ciel, que de mettre en une vive lumière, l'objet même de la
divine volonté et le but vers lequel elle tend.
Sans doute, et le Christ l'a laissé clairement entendre,
ce que Dieu veut,
par-delà notre sanctification personnelle, c'est le rassemblement dans
l'unité, de tous ses enfants dispersés. Ce travail d'union et d'unité, le
Christ y a travaillé ici-bas, et, en redisant cette demande, nous nous
engageons à poursuivre son œuvre et à y travailler après lui, par les mêmes
moyens, c'est-à-dire par la charité allant jusqu'au don et au sacrifice de
nous-mêmes.
Mais cette terre où le Christ a travaillé à instaurer le Royaume de Dieu et
à accomplir la volonté de son Père ne saurait nous offrir le spectacle, et
encore moins l'idéal de ce qui nous est demandé. Si nous désirons apprendre
« comment » la volonté de
Si nous désirons apprendre "comment" la volonté de Dieu doit être faite,
nous avons certes l'exemple du Christ; mais si nous voulons savoir vers quel
terme tend cette perfection dans l'obéissance, ce n'est plus la terre qu'il
faut regarder, mais le ciel. Le ciel, notre patrie, ce lieu de la Béatitude,
de la Joie, de la Paix, de l'Union parfaite entre tous. Le ciel, ce Royaume
où l'Amour est le sang qui vivifie tous ceux qui s'y trouvent et, en les
unissant à Dieu, les unit entre eux.
D'ailleurs la traduction littérale de cette demande, comme le rappelle le
pape Benoît XVI dans la page que nous avons lu au début et formellement dans
son encyclique, n'est pas: sur la terre comme au ciel, mais: «comme
elle est faite au ciel, ainsi également sur la terre». Qu'est-ce
à dire, sinon qu'au ciel, au Royaume de l'Amour, il y
a encore quelque chose à « faire
» qui importe souverainement, et cette chose, c'est «
d'aimer »; d'aimer dans la « connaissance »
de Dieu et de Jésus-Christ (cf. Jn 17 3),
d'aimer dans la louange et la contemplation des perfections divines, d'aimer
dans la vision de celui qu'alors nous verrons face à face
(I Co 13 12) et tel qu'il est
(I Jn 3 2). Cette connaissance,
cette contemplation, cette vision nous permettront de découvrir que
Dieu est amour. Sa volonté qui elle aussi est Amour, ne peut
donc nous proposer autre chose à «faire» éternellement, sinon d'aimer.
Cette vie de l'Amour, si elle ne doit connaître son épanouissement qu'au
ciel peut et doit cependant commencer à se réaliser dès ici-bas, et, c'est à
faire vivre et à développer cet amour dans les âmes, que s'emploie
essentiellement et en dernière analyse la volonté de Dieu. Sans doute,
restera-t-elle toujours pour nous, enveloppée de mystère, mais un chrétien
ne doit pas s'en tenir là; il ne doit pas renoncer à se faire de la volonté
de Dieu une notion plus profonde; non seulement pour mieux la réaliser, mais
encore pour s'y unir plus intimement et plus parfaitement.
L'UNION DES VOLONTÉS
La grâce insigne des mystiques et des saints est d'avoir reçu des lumières
sur ce qu'est l'essence même de la vie céleste, et d'avoir compris que
quelque chose de cette vie peut et doit être vécu dès la terre. « Commençons
donc à vivre ici-bas ce que nous vivrons éternellement dans le ciel», disait
Thérèse d'Avila à ses filles... Ce que nous aurons à vivre au ciel, c'est
l'Amour. Aussi les grands serviteurs de Dieu se sont-ils appliqués à
découvrir en quoi consistait cet Amour et à en vivre. « Désormais ma seule
occupation, c'est d'aimer », chante saint Jean de la Croix
(Cant. spir., str. 20).
De cet amour, lui et bien d'autres avec lui, se sont fait l'idée la plus
haute qui soit, et c'est à l'union d'amour la plus intime, la plus profonde,
qu'ils ont tendu. Mais précisément cette « union d'amour » ou encore ce «
mariage spirituel », c'est toujours sous la forme d'une «union
des volontés» que tous les saints l'ont conçue, comme le laissent
entendre ces lignes significatives du « Docteur mystique » : « L'âme ne peut
arriver à la perfection d'Amour si ce n'est par une
totale transformation de sa volonté avec celle de Dieu; en laquelle
les deux volontés s'unissent de telle sorte que,
des deux volontés il s'en fait une. Et ainsi il y a égalité
d'amour, parce que la volonté de l'âme convertie en celle de Dieu, est
désormais toute volonté de Dieu, et, partant, l'âme aime Dieu avec la
volonté de Dieu, laquelle est aussi sa volonté à elle. D'où vient, qu'elle
l'aimera autant qu'elle est aimée de Dieu, puisqu'elle l'aime avec la
volonté de Dieu même, dans le même amour avec lequel il l'aime, qui est
l'Esprit-Saint, qui est donné à l'âme selon que le dit l'apôtre: La grâce de
Dieu est répandue dans nos cœurs, par le Saint-Esprit qui nous est donné »
(Cant. spir., str. 38). (Pour
télécharger les oeuvres de
Saint
Jean de la Croix)
(à suivre)
Sources:
www.vatican.va
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.06.2007 - BENOÎT XVI -
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