Benoît XVI : le descendant de saint Augustin
Le 01 février 2023 -
(E.S.M.)
-
Bel hommage du cardinal Sarah au défunt pape Benoît XVI.
Amoureux de la vérité, Benoît XVI savait qu’il ne
s’agissait pas là d’un concept abstrait, mais d’une
rencontre avec une personne aimée : Jésus.
Benoît XVI et le cardinal
Sarah -
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Benoît XVI : le descendant de saint Augustin
Bel hommage du Cardinal Sarah
Le 01 février 2023 - E.
S. M. - De nombreux hommages soulignent combien Benoît XVI fut
un grand théologien. C’est indubitable. Son œuvre durera. Ses livres
lumineux sont déjà des classiques. Mais il ne faut pas se tromper.
Sa grandeur n’est pas d’abord dans la pénétration universitaire des
concepts de la science théologique, mais plutôt dans la profondeur
théologale de sa contemplation des réalités divines. Benoît XVI
avait le don de nous faire voir Dieu par sa parole, de nous faire
goûter sa présence par ses mots. Je crois pouvoir affirmer que
chacune des homélies que j’ai entendue de sa bouche fut une
véritable expérience spirituelle qui a marqué mon âme. En cela, il
est un véritable descendant de
Saint
Augustin, ce Docteur dont il se sentait si proche
spirituellement.
Sa voix, à la fois fragile et chaleureuse, parvenait à nous faire
sentir l’expérience théologale qu’il avait lui-même vécue. Elle
venait vous saisir au plus intime du cœur pour vous conduire en
présence de Dieu.
Écoutons-le : « À notre époque où, dans de vastes
régions de la terre, la foi risque de s’éteindre comme une flamme
qui ne trouve plus où s’alimenter, la priorité qui prédomine est de
rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux hommes l’accès à
Dieu. Non pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur
le Sinaï ; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour
poussé jusqu’au bout en Jésus-Christ crucifié et ressuscité. »
Benoît XVI n’était pas un idéologue rigide. Il était amoureux de la
vérité qui, pour lui, n’était pas un concept mais une personne
rencontrée et aimée : Jésus, le Dieu fait homme. Souvenons-nous de
son affirmation magistrale : « À l’origine du fait d’être chrétien,
il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la
rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie
un nouvel horizon et par là son orientation décisive. » Benoît XVI
nous a conduit à faire l’expérience de cette rencontre de foi avec
le Christ Jésus. Partout où il allait, il allumait cette flamme dans
les cœurs. Auprès des jeunes, des séminaristes, des prêtres, des
chefs d’États, des pauvres et des malades, il a ranimé la joie de la
foi avec force et discrétion. Se faisant oublier pour mieux laisser
briller le feu dont il était porteur. Il rappelait : « c’est
uniquement en faisant une certaine expérience que l’on peut ensuite
comprendre. » Il n’a cessé de rappeler que cette expérience de
rencontre avec le Christ ne contredit ni la raison ni la liberté. «
Le Christ n’enlève rien, il donne tout ! »
Il était parfois seul, comme un enfant face au monde. Prophète de la
vérité qui est le Christ face à l’empire du mensonge, messager
fragile face aux pouvoirs calculateurs et intéressés. Face au géant
Goliath du dogmatisme relativiste et du consumérisme tout puissant,
il n’avait d’autres armes que la parole. Ce David des temps modernes
osait interpeller : « le désir de la vérité appartient à la nature
même de l’homme et toute la création est une immense invitation à
rechercher les réponses qui ouvrent la raison humaine à la grande
réponse qu’elle cherche et attend depuis toujours : la vérité de la
Révélation chrétienne que l’on trouve en Jésus de Nazareth permet à
chacun de recevoir le mystère de sa vie. Comme vérité suprême, tout
en respectant l’autonomie de la créature et de sa liberté, elle
engage à s’ouvrir à la transcendance. On comprend pleinement la
parole du Seigneur : vous connaîtrez la vérité et la vérité vous
rendra libres ! »
Mais le mensonge et la compromission ne l’ont pas toléré. Hors de
l’Église, mais aussi en son sein, on s’est déchaîné. On a caricaturé
ses propos. On les a déformés et ridiculisés. Le monde a voulu le
faire taire parce que son message lui était insupportable. On a
voulu le bâillonner. Benoît XVI a ranimé alors en notre temps la
figure des papes de l’Antiquité, martyrs écrasés par l’Empire romain
agonisant. Le monde, comme Rome autrefois, tremblait devant ce vieil
homme au cœur d’enfant. Le monde était trop compromis avec le
mensonge pour oser entendre la voix de sa conscience. Benoît XVI a
été un martyr pour la vérité, pour le Christ. La trahison, la
malhonnêteté, le sarcasme, rien ne lui aura été épargné. Il aura
vécu le mystère de l’iniquité jusqu’au bout.
Alors, nous avons vu l’homme discret révéler pleinement son âme de
pasteur et de père. Comme un nouveau saint Augustin, la paternité du
pasteur a déployé en lui la maturité de sa sainteté. Qui ne se
souvient de cette soirée où, ayant rassemblé des prêtres du monde
entier sur la place Saint-Pierre, il pleura avec eux, rit avec eux
et leur ouvrit l’intimité de son cœur de prêtre ? Nombreux sont les
jeunes qui lui doivent leur vocation sacerdotale ou religieuse.
Benoît XVI rayonnait comme un père au milieu de ses enfants quand il
était entouré de prêtres et de séminaristes. Jusqu’au bout, il a
voulu les soutenir et leur parler des profondeurs de son cœur appelé
à suivre le Christ dans le don de lui-même jusque dans la souffrance
pour les autres. « Pour que le don n’humilie pas l’autre, je dois
lui donner non seulement quelque chose de moi, mais moi-même… Le
Christ, en souffrant pour nous tous, a conféré un sens nouveau à la
souffrance, il l’a introduite dans une dimension nouvelle, dans un
ordre nouveau : celui de l’amour. »
Benoît XVI a aimé les familles, les malades. Il faut, pour le
comprendre, l’avoir vu visiter les enfants hospitalisés. Il faut
l’avoir vu leur offrir à chacun un cadeau. Il faut avoir aperçu la
discrète larme d’émotion qui faisait briller son regard plein de
bonté.
C’est à lui, il faut s’en souvenir, que nous devons la lucidité de
l’Église sur la pédocriminalité. Il a su appeler le péché par son
nom, rencontrer et écouter les victimes et punir les coupables sans
cette complicité qui se masque parfois sous une contrefaçon de
miséricorde.
Malgré cela, ou peut-être à cause de cet amour de la vérité, il a
été toujours plus méprisé. Alors, le prophète, le martyr, le père si
bon, s’est fait maître de prière. Je ne puis oublier cette soirée à
Madrid où devant plus d’un million de jeunes enthousiastes, il a
renoncé au discours qu’il avait préparé pour les inviter à prier en
silence avec lui. Il fallait voir ces jeunes du monde entier,
silencieux, à genoux derrière celui qui leur montrait l’exemple. Ce
soir-là, par sa prière silencieuse, il a enfanté une nouvelle
génération de jeunes chrétiens : « Seule l’adoration nous rend
véritablement libres ; elle seule nous donne les critères pour notre
action. Dans un monde où les critères d’orientation viennent à
manquer et où existe la menace que chacun fasse de soi-même sa
propre mesure, il est fondamental de souligner l’adoration. »
Son insistance sur l’importance de la liturgie trouve là sa raison
profonde. Il savait que, dans la liturgie, l’Église se retrouve face
à Dieu. Si, en ce lieu, elle n’est pas à sa juste place, alors elle
court à sa ruine. Il répétait souvent que la crise de l’Église était
fondamentalement une crise liturgique, c’est-à-dire une perte du
sens de l’adoration. « Le mystère est le cœur d’où nous tirons notre
force ! », aimait-il à répéter. Il a tant œuvré pour redonner aux
chrétiens une liturgie qui soit selon ses propres termes « un
véritable dialogue du Fils avec le Père ».
Face à un monde sourd à la vérité, face parfois à une institution
ecclésiastique qui refusait d’entendre son appel, Benoît XVI a
finalement choisi le silence comme ultime prédication. En renonçant
à sa charge, en se retirant dans la prière, il a rappelé à tous que
« nous avons besoin d’hommes qui dirigent leur regard droit sur Dieu
et apprennent en lui ce qu’est la véritable humanité. Nous avons
besoin d’hommes dont l’intelligence soit éclairée par la lumière de
Dieu et à qui Dieu ouvre le cœur de manière que leur intelligence
puisse parler à l’intelligence des autres et que leur cœur puisse
ouvrir le cœur des autres ». Sans le savoir, le pape traçait ainsi
son propre portrait, ajoutant même : « c’est seulement des saints,
c’est seulement de Dieu que vient la véritable révolution, le
changement décisif du monde. »
Benoît XVI aura-t-il été la dernière lueur de la civilisation
chrétienne ? Le crépuscule d’une époque révolue ? Certains
voudraient le croire. Il est vrai que, sans lui, nous nous sentons
orphelins, privés de cette étoile qui nous guidait. Mais désormais,
sa lumière est en nous. Benoît XVI, par son enseignement et son
exemple, est le Père de l’Église du troisième millénaire. La lumière
joyeuse et paisible de sa foi nous éclairera longtemps.
Cardinal Robert Sarah
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Sources : ©
LA NEF n° 355 Février 2023-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.02.2023