Benoît XVI, un mois après
Le 01 février 2023 -
(E.S.M.)
-
Trente jours se sont écoulés depuis la mort du pape
Benoît XVI, et le monde semble déjà être à la fois
pareil et différent. Identique, parce que c’est un monde
qui continue à son rythme, parce que c’est toujours
ainsi, parce que cela ne s’arrête jamais. Et différent,
parce que finalement nous étions habitués à la présence
de Benoît XVI là, sur la montagne, avec sa prière
d’intercession, avec sa présence pour nous rassurer que,
non, l’Église ne s’effondrerait pas.
Benoît XVI -
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Benoît XVI, un mois après
Le 01 février 2023 - E.
S. M. - Trente jours se sont écoulés depuis la mort de Benoît
XVI, et le monde semble déjà être à la fois pareil et différent. Identique,
parce que c’est un monde qui continue à son rythme, parce que c’est
toujours ainsi, parce que cela ne s’arrête jamais. Et différent,
parce que finalement nous étions habitués à la présence de Benoît
XVI là, sur la montagne, avec sa prière d’intercession, avec sa
présence pour nous rassurer que, non, l’Église ne s’effondrerait
pas.
Trente jours plus tard, pourtant, on pense aussi que Benoît XVI a
construit cette sécurité de présence. Il l'a fait jour après jour,
avec l'humilité de quelqu'un qui ne veut rien et veut tout donner.
Il l'a fait en plaçant toujours Jésus-Christ au premier rang. Il l'a
fait avec la seule foi, cette foi qui lui a permis de surmonter même
les obstacles insurmontables de la timidité. Et il le faisait avec
un amour pur pour l'autre, cet amour qui le poussait à toujours
essayer d'étonner ses élèves, parce que tant qu'ils prenaient des
notes, disait-il, tout allait bien, mais quand ils retiraient le
stylo du papier et regardaient, ils étaient vraiment étonnés.
Qu'a donné Benoît XVI à la communication religieuse ? Comment son
pontificat et son pontificat émérite ont-ils façonné un nouveau type
de journalisme religieux ? Ce sont des questions importantes
auxquelles, pour l'instant, seules des réponses partielles peuvent
être apportées. Voici les miennes.
Benoît XVI a changé le journalisme religieux parce qu'il a forcé les
journalistes à aller au-delà des simples discours. Ses discours, ses
homélies, ont simplement ajouté une quatrième dimension, celle de la
profondeur. Mais c'était une dimension tellement ancrée chez les
trois autres, au point que résumer ce qu'il disait était difficile,
voire presque impossible. Car, comme je l'ai toujours dit, Benoît
XVI écrivait des discours comme on bâtissait des cathédrales, et
tout était lié et en même temps logique. Pour cette raison, pour
pouvoir faire une synthèse, il fallait élargir son regard.
Élargir le regard, cependant, n'était pas à la portée de tout le
monde. Benoît XVI a contraint les journalistes à sortir de leur zone
de confort. Il était plus difficile pour ceux qui n'étaient pas
d'accord avec lui de démonter son raisonnement, il était ardu pour
ceux qui le soutenaient de ne pas banaliser son raisonnement. Par
l'amour ou par la haine, il fallait s'élever vers quelque chose de
plus grand, vers un autre raisonnement d'ensemble. Benoît XVI était
sincère, et donc l'hypocrisie n'était pas permise. En effet, cela a
été facilement démasqué. Aussi parce que, après tout, on remarque
immédiatement si on croit à ce qu'on écrit.
Par son authenticité, Benoît XVI obligeait tout le monde à être
authentique. Ce n'est pas banal. L'authenticité d'une pensée, d'une
position, d'un choix relève aussi d'une profonde réflexion, et d'une
décision transparente et linéaire. Mais les décisions ne sont
souvent pas transparentes et linéaires, elles empruntent des chemins
escarpés et tortueux. On ne veut pas toujours l'admettre. Et
pourtant, suivre Benoît XVI obligeait à l'admettre.
Cela obligeait à l’admettre car Benoît XVI n’était pas seulement
authentique, il ne se souciait pas de l’opinion publique. Sa seule
pensée était pour l’Église, et avec cette pensée, il a pu se mettre
de côté, se faire petit et humble et laisser parler le Christ,
l’Évangile, la théologie. En étant toujours un pas en arrière, il
était deux pas en avant. En mettant l’Église au premier plan, il
était un révolutionnaire. Pourtant, on le qualifiait de
conservateur. Pourtant, on l’appelait le « berger allemand ». Mais
il avait une âme tellement pure qu’il était réfractaire à toute
étiquette. Une personne comme Benoît XVI était rare.
Elle était rare parce que Benoît XVI était en général de bonne foi.
Non pas qu’il fût superficiel, mais dans certains cas, il était
surpris que ses erreurs puissent être manipulées d’une manière ou
d’une autre, qu’il y ait des gens qui puissent profiter de sa
proximité [on pense ^à l’affaire Williamson, ndt]. Benoît XVI aimait
les gens, quoi qu’on en ait dit. Il aimait les gens parce qu’il
aimait Dieu. Les deux ne pouvaient être séparés.
En ce sens, on a eu affaire à un pontificat qui a été un gigantesque
effort de catéchèse, à commencer par l’homélie du début du
pontificat, toute centrée sur la signification du pallium et des
symboles du pontificat. La catéchèse pose cependant un autre
problème aux communicants. La catéchèse parle avec des symboles. Les
symboles doivent être étudiés et expliqués. Encore une fois, cette
dimension de profondeur, si difficile aujourd’hui.
Parce que la profondeur implique de l’études et du temps, et – à une
époque aussi rapide, avec des médias nouveaux et extrêmement rapides
– prendre le temps de l’étude signifie avoir de l’amour pour ce que
l’on fait. Ici, avec Benoît XVI, on était obligé d’aimer l’Église,
ou du moins d’aimer la raconter. Il fallait étudier car le livre
était son moyen de communication préféré, et le livre devait être lu
dans son intégralité, contextualisé, compris. Il fallait savoir
écouter car, tout comme il faut une oreille musicale pour bien
comprendre un morceau, il faut une oreille culturelle pour bien
comprendre Benoît. Les raisonnements de Benoît XVI sur la musique
devraient éventuellement être relu et appliqué à ses études et à ses
livres. On serait surpris par les assonances.
Pour écouter, il faut ralentir. Benoît XVI requérait de la lenteur,
il demandait aussi un « présupposé de sympathie » pour lire ce qu’il
disait, pensait, écrivait, parce qu’il voulait que tout soit ouvert
dans un discours non polémique, mais dans un débat sain. Il n’y
avait aucune logique de confrontation, seulement un désir de savoir.
Et cela a été une leçon et une frustration pour les journalistes. Il
n’y avait pas de scandales, il n’y avait pas de litiges, mais il y
avait des débats
Il y avait des débats aussi parce que Benoît XVI n’avait jamais
voulu créer une école, mais avait préféré que ses étudiants
travaillent ensemble. Le Ratzinger Schulerkreis s’était formé
spontanément autour de lui, et le maître de ce cercle n’a jamais
imposé ses idées à ses collègues. Ratzinger était un maître de vie
précisément parce qu’il ne voulait pas être un maître de vie. Il a
soustrait plutôt qu’ajouté. Et, quand il a ajouté, il l’a fait en
priant et pour prier.
En résumé, l'information religieuse sous Benoît XVI a profondément
changé. Il a renoncé aux récits de "fin du monde" ou de "fin du
pontificat" qui avaient émaillé la maladie de Jean-Paul II, il a
tenté de délégitimer le Pape de bien des côtés. Cela n'a pas réussi.
Entre-temps, la façon de lire les discours, d'interpréter ses
paroles, de comprendre ses gestes a changé. Benoît XVI s'est
communiqué avec authenticité, ce qui a mis tous les projets en
crise. Il a parfois commis des erreurs gouvernementales, mais il a
toujours admis que ce n'était pas son point fort. Et il attirait
incroyablement les gens, catéchisait, avait amour. Quelque chose
d'inexplicable si on le regarde avec la logique du temps présent.
Il y a eu des débats aussi parce que Benoît XVI n’avait jamais voulu
créer une école, mais avait préféré que ses étudiants travaillent
ensemble. Le Ratzinger Schulerkreis s’était formé spontanément
autour de lui, et le maître de ce cercle n’a jamais imposé ses idées
à ses collègues. Ratzinger était un maître de la vie précisément
parce qu’il ne voulait pas être un maître de la vie. Il a soustrait
plutôt qu’ajouté. Et, quand il a ajouté, il l’a fait en priant et
pour prier.
En fin de compte, Benoît XVI a enseigné, par sa vie, que les
préjugés ne sont que des préjugés, et que les jugements sont
toujours erronés s’ils sont faits avec malice. Il a forcé tout le
monde à se remettre en question, il a montré que tout être humain
est beaucoup de choses, et que Benoît XVI était énormément de
choses, et qu’aucun d’entre eux ne peut être étiqueté avec des
clichés.
Aujourd’hui, après Benoît XVI, il y a peut-être deux catégories de
journalistes d’information religieuse : ceux qui se sont abreuvés de
la pensée de Benoît XVI, et ont compris que rien dans l’Église ne
naît par hasard ou de rien ; et ceux qui sont allés au-delà, et
voudraient une Église plus humaine, plus présente dans le débat
public, mais moins divine.
Pourtant, comme l'a dit Joseph Ratzinger, nous n'avons pas besoin
d'une Église plus humaine, mais d'une Église plus divine. Si le
journalisme catholique apprend un jour à vraiment inverser les
perspectives, et à abandonner l'approche de type marketing qui
semble le dominer aujourd'hui, alors ce pourra être véritablement du
journalisme prophétique. Benoît XVI a tracé la voie. C'est à nous de
la parcourir.
Andrea Gagiarducci, Traduction ESM
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Sources : vaticanreporting
-
Traduction
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.02.2023